Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1° d'annuler l'article 1er du jugement attaqué ;
2° de remettre à la charge de la SA Axa la cotisation d'impôt sur les sociétés et les intérêts de retard correspondants au titre de l'exercice 2012 ;
3° de prononcer une augmentation du déficit d'ensemble de la SA AXA au titre de l'exercice clos en 2012 à hauteur de la retenue à la source prélevée au Maroc pour un montant de 126 616 euros.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention fiscale conclue entre la France et le Maroc du 29 mai 1970 modifiée par l'avenant du 18 août 1989 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- les décrets n° 2020-1404 et 2020-1405 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... ;
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SA Axa est la mère d'un groupe fiscalement intégré. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2012 et 2013. A l'issue de ce contrôle, l'administration a notamment refusé d'imputer une retenue à la source sur l'impôt sur les sociétés au taux réduit auquel la SA Axa technologies services, fille de la SA Axa, a été assujettie au titre de l'exercice 2012. Cette retenue à la source a été effectuée par l'administration marocaine sur des prestations informatiques fournies au Maroc par la SA Axa technologies services à sa cliente, la SA Axa Assurances Maroc. La SA Axa a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des suppléments d'impôt, en droits et intérêts, qui ont résulté de cette rectification. Le tribunal a statué sur la demande de la SA Axa par une décision lue le 20 décembre 2018, dont l'article 1er du dispositif décharge la SA Axa des impositions en litige. Le ministre relève appel de ce jugement, et soutient que le jugement est entaché de contradiction entre ses motifs et son dispositif.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des termes du jugement contesté que celui-ci a considéré, dans un premier temps, que les rémunérations des services informatiques fournies par la SA Axa technologies services à la SA Axa Assurances Maroc n'étaient pas des redevances au sens de l'article 16 de la convention franco-marocaine susvisée et ne pouvaient dès lors donner lieu à un crédit d'impôt. Dans un second temps, le tribunal a cependant fait droit à l'argumentation subsidiaire de la SA Axa, selon laquelle l'imposition supportée par la SA Axa technologies services au Maroc, à raison des rémunérations des services informatiques fournies par celle-ci à la SA Axa Assurances Maroc, pouvait être déduite de son résultat imposable en France sur le fondement du 4° de l'article 39 du code général des impôts, sans que les stipulations de l'article 25 de la convention franco-marocaine, invoquées par l'administration, puissent y faire obstacle. Le tribunal a ainsi estimé que la SA Axa, à défaut de pouvoir bénéficier d'un crédit d'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2012, pouvait bénéficier d'une réduction de l'assiette de cet impôt, et que le fait de faire droit aux conclusions subsidiaires compensait le rejet des conclusions au principal, et justifiait la décharge de l'imposition en litige.
3. Cependant, l'admission des conclusions subsidiaires ne pouvait induire que l'augmentation du déficit de l'exercice, mais était sans effet sur le rejet des conclusions principales, relative au bénéfice du crédit d'impôt. En statuant ainsi, le tribunal a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs de celle-ci et son dispositif.
4. Il y a lieu par suite d'annuler le jugement attaqué et de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par la SA Axa devant le tribunal administratif.
Sur le bien-fondé de la demande de SA Axa :
5. L'administration, dans sa dernière proposition de rectification et dans la réponse qu'elle a adressée au contribuable à la suite de ses observations, a indiqué se fonder sur les dispositions du 1 a et b de l'article 220 du code général des impôts applicables aux revenus des valeurs immobilières pour fonder les impositions en litige. Elle a toutefois, postérieurement à l'établissement de celles-ci, invoqué les dispositions de l'article 209 du même code, qui prévoit que : " I. - Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 108 à 117, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ". L'article 38 du même code dispose : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, (...) ". Une telle substitution de base légale est possible, l'administration étant en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de faire valoir, dans les limites des rectifications régulièrement notifiées, tout moyen nouveau de nature à démontrer le bien-fondé de l'imposition, à la condition qu'une telle substitution ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi. En l'espèce, la substitution de base légale ne prive la société Axa d'aucune garantie.
6. La société Axa soutient, à titre principal, que les rémunérations des prestations de
maintenance constituent, dans le doute, des redevances au sens des stipulations des conventions précitées, de sorte qu'elle peut prétendre au bénéfice d'un crédit d'impôt égal au montant des retenues à la source qui ont été acquittées au Maroc où les prestations ont été effectuées. Toutefois, ces prestations ne donnent pas lieu à une transmission d'information ou de savoir-faire. Il n'est pas établi qu'elles prennent la forme d'études techniques. Par suite, les rémunérations de ces prestations de maintenance ne peuvent être regardées comme des redevances au sens des stipulations précitées, sans qu'il soit besoin de tenir compte des commentaires du comité fiscal de l'OCDE.
7. La société Axa soutient, à titre subsidiaire, que le montant des retenues à la source qui ont été acquittées au Maroc doivent être déduites, sur le fondement de l'article 39 du code général des impôts, de son résultat imposable au titre de l'exercice clos en 2012, lequel était déficitaire. En application de ces dispositions le résultat imposable doit être déterminé sous déduction de " toutes charges " ayant grevé la réalisation de ces opérations parmi lesquelles, à moins d'une stipulation conventionnelle spécifique y fasse obstacle, figurent les impositions de toute nature que l'entreprise a supportées du fait de ces opérations dans cet État. Contrairement à ce que soutient l'administration, la déduction d'une imposition mise à la charge d'une entreprise par un Etat lié à la France par une convention fiscale tendant à éviter les doubles impositions ne saurait légalement être refusée à cette entreprise au motif que cet Etat aurait, en l'imposant, enfreint les règles fixées par la convention au détriment du budget français. La circonstance que la société requérante n'aurait pas contesté la décision de l'Etat étranger d'appliquer des retenues à la source ne peut, à elle seule, la priver du droit à déduction.
8. Il résulte de ce qui précède que la société Axa est seulement fondée à demander la déduction du montant des retenues à la source de son résultat imposable au titre de l'exercice clos en 2012, et par suite l'augmentation de son déficit d'ensemble constaté au titre de ce même exercice à hauteur de 126 616 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil daté du 20 décembre 2018 est annulé.
Article 2 : Le déficit d'ensemble de la SA Axa au titre de l'exercice clos en 2012 est porté à la somme de 126 616 euros.
Article 3 : Le surplus de la demande de la SA Axa est rejeté.
2
N° 19VE01278