Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 mai 2019, et un mémoire enregistré le 14 décembre 2020, qui n'a pas été communiqué, M. D..., représenté par Me C..., avocat, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° d'annuler les décisions attaquées ;
3° d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de 10 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4° d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de rétablir ses conditions matérielles d'accueil et de lui verser l'allocation de demandeur d'asile à titre rétroactif, à compter du mois de juillet 2018, dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous d'astreinte à 50 euros par jour de retard ;
5° de mettre à la charge de l'État la somme de 3 600 euros, à verser à Me C..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus d'enregistrer sa demande d'asile :
- en considérant qu'il présentait un risque de fuite, le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les dispositions de l'article 29-2 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il s'est présenté à toutes ses convocations à l'exception de celle du 3 mai 2018 à laquelle il est arrivé en retard du fait d'un mouvement social ; en tout état de cause, il appartenait à l'Etat responsable du transfert d'en assurer l'organisation matérielle et d'accompagner le demandeur d'asile jusqu'à l'embarquement ;
En ce qui concerne la décision de l'Office français de l'intégration et de l'immigration :
- un seul manquement à ses obligations administratives ne pouvait justifier une suspension de ses conditions matérielles d'accueil ; en prononçant cette suspension, l'Office a méconnu les dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1404 du 18 du novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant bangladais, né le 25 septembre 1995, à Moulvibazar (Bangladesh), est entré irrégulièrement en France et a présenté le 18 juillet 2017 une demande d'asile auprès des services du préfet de la Seine-Saint-Denis. Lors de l'instruction de cette demande, la consultation des données issues de l'unité centrale Eurodac a révélé que ses empreintes avaient préalablement été relevées par les autorités italiennes. Saisies d'une demande de reprise en charge de l'intéressé le 14 septembre 2017, les autorités italiennes l'ont implicitement acceptée le 14 novembre suivant. Par un arrêté du 22 mars 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis a ordonné le transfert de M. D... aux autorités italiennes. Le 2 mai 2018, M. D... s'est vu notifier une convocation en vue de son embarquement à destination de l'Italie, par un vol prévu le lendemain. Cependant, il n'y a pas déféré. Le 24 mai 2018, il s'est présenté de nouveau auprès des services préfectoraux de la Seine-Saint-Denis, en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile, ce qui lui a été refusé oralement. Par ailleurs, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a décidé, le 30 juillet 2017, la suspension du versement à M. D... de l'allocation pour demandeur d'asile. Ce dernier relève régulièrement appel du jugement du 10 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus implicite du préfet de la Seine-Saint-Denis d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et à l'annulation de la décision de l'OFII du 30 juillet 2018, ayant suspendu ses conditions matérielles d'accueil.
Sur le refus d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale :
2. Il résulte de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 que le transfert peut avoir lieu pendant une période de six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge ou, le cas échéant, de la décision définitive sur le recours contre la décision de transfert, cette période étant susceptible d'être portée à dix-huit mois si l'intéressé " prend la fuite ". Aux termes de l'article 7 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 : " 1. Le transfert vers l'Etat responsable s'effectue de l'une des manières suivantes : a) à l'initiative du demandeur, une date limite étant fixée ; b) sous la forme d'un départ contrôlé, le demandeur étant accompagné jusqu'à l'embarquement par un agent de l'Etat requérant et le lieu, la date et l'heure de son arrivée étant notifiées à l'Etat responsable dans un délai préalable convenu : c) sous escorte, le demandeur étant accompagné par un agent de l'Etat requérant, ou par le représentant d'un organisme mandaté par l'Etat requérant à cette fin, et remis aux autorités de l'Etat responsable [...] ". Il résulte de ces dispositions que le transfert d'un demandeur d'asile vers un Etat membre qui a accepté sa prise ou sa reprise en charge, sur le fondement du règlement du 26 juin 2013, s'effectue selon l'une des trois modalités définies à l'article 7 cité ci-dessus : à l'initiative du demandeur, sous la forme d'un départ contrôlé ou sous escorte.
3. Il résulte clairement des dispositions mentionnées au point précédent que, d'une part, la notion de fuite doit s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant. D'autre part, dans l'hypothèse où le transfert du demandeur d'asile s'effectue sous la forme d'un départ contrôlé, il appartient, dans tous les cas, à l'Etat responsable de ce transfert d'en assurer effectivement l'organisation matérielle et d'accompagner le demandeur d'asile jusqu'à l'embarquement vers son lieu de destination. Une telle obligation recouvre la prise en charge du titre de transport permettant de rejoindre l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile depuis le territoire français ainsi que, le cas échéant et si nécessaire, celle du pré-acheminement du lieu de résidence du demandeur au lieu d'embarquement. Enfin, dans l'hypothèse où le demandeur d'asile se soustrait intentionnellement à l'exécution de son transfert ainsi organisé, il doit être regardé comme en fuite au sens des dispositions de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 rappelées au point 3.
4. Il est constant que M. D... a fait l'objet d'un arrêté du 22 mars 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé le transfert de l'intéressé aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile. L'intéressé n'a pas contesté au contentieux cet arrêté. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il a refusé de le signer, tout comme il a refusé de signer la convocation à se rendre à l'aéroport Charles-de-Gaulle, en vue de son transfert en Italie le 3 mai 2018 à 6h40, qui lui a été remise le 2 mai 2018. M. D... n'a pas déféré à cette convocation. S'il soutient qu'il est arrivé en retard du fait de la grève des transports publics ayant lieu ce jour, il se borne à se prévaloir du courrier adressé à la préfecture de la Seine-Saint-Denis, ce même jour, par le Secours catholique et indiquant qu'il " n'a pu partir qu'avec les premiers RER et est arrivé trop tard à l'aéroport " et qu'il se présenterait à la préfecture le 10 mai suivant. Il n'est, toutefois, pas contesté qu'un train sur deux circulait ce 3 mai 2018. En outre, il ressort de la convocation remise le 2 mai 2018 à l'intéressé qu'il avait été informé que d'autres moyens de rejoindre l'aéroport Charles-de-Gaulle lui avaient été indiqués. Au demeurant, M. D... n'établit pas s'être rendu en vain à la préfecture de la Seine-Saint-Denis le 10 mai 2018, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il n'a pas déféré à une convocation à se rendre à la préfecture de la Seine-Saint-Denis, le 9 mai 2018. Dans ces conditions, nonobstant la circonstance qu'il s'est rendu à la préfecture de la Seine-Saint-Denis, les 22 mars 2018 et 2 mai 2018, après y avoir été convoqué, M. D... devait être regardé comme ayant pris la fuite au sens de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, portant, ainsi, le délai de sa reprise en charge par les autorités italiennes à 18 mois. Par conséquent, c'est à bon droit que le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé d'enregistrer la demande d'asile en procédure normale de M. D.... Le moyen tiré de ce que cette décision du préfet de la Seine-Saint-Denis serait entaché d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
Sur la suspension de ses conditions matérielles d'accueil :
5. Aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile [...] n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'informations ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile ; / [...] / La décision de suspension [...] des conditions matérielles d'accueil est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. / La décision est prise après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations écrites dans les délais impartis. [...] ".
6. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, M. D... n'a pas déféré à la convocation qui lui était faite de se présenter le 3 mai 2018 à 6h40 à l'aéroport Charles-de-Gaulle en vue de son transfert pour l'Italie, ni à celle qui lui était faite de se présenter le 9 mai suivant à la préfecture de la Seine-Saint-Denis, sans motif légitime et qu'il pouvait, dès lors, être considéré comme étant " en fuite ". Par ailleurs, M. D... ne se prévaut d'aucune situation de vulnérabilité particulière. Par suite, en suspendant ses conditions matérielles d'accueil, l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. D....
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
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N° 19VE01807