Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire et des pièces complémentaires, enregistrés les 5, 18 et 19 décembre 2019, M. D..., représenté par Me A..., avocat, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° d'annuler la décision contestée ;
3° d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de reprendre ses études ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce que le magistrat désigné a estimé, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union, qu'il avait été préalablement entendu par l'autorité administrative, alors qu'il a été entendu par les services de police ;
- le motif du jugement tiré de ce qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ne prend pas en compte les conditions particulières de sa situation faisant obstacle à ce qu'il dépose une nouvelle demande de titre de séjour ;
- c'est également à tort que le premier juge a retenu que les faits de conduite sans permis ayant justifié son interpellation le 31 août 2019 constituaient un trouble à l'ordre public, alors qu'il est titulaire d'un permis de conduire tunisien et que son casier judiciaire est vierge ;
- l'arrêté attaqué porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée te du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... ;
- les observations de Me A..., pour M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... ressortissant tunisien né le 6 septembre 1995, entré régulièrement en France le 23 août 2015 avec un visa " étudiant " renouvelé jusqu'au 10 octobre 2017, a présenté une demande de changement de statut. La demande d'autorisation de travail présentée en sa faveur par son employeur ayant été rejetée par la Direccte le 23 avril 2018, sa demande de titre de séjour mention " salarié " a été rejetée par un arrêté du 9 juillet 2018 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, qu'il n'a pas contesté. Interpellé le 31 août 2019 sur l'autoroute A 6 alors qu'il était dépourvu de permis de conduire, M. D... a fait l'objet, le 1er septembre 2019, d'une obligation de quitter le territoire sans délai. Il relève appel du jugement du 5 novembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Le jugement attaqué répond par des motifs circonstanciés à chacun des moyens soulevés en première instance par M. D.... Il est suffisamment motivé.
4. Si M. D... fait valoir que le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce que le magistrat désigné a estimé, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union, qu'il avait été préalablement entendu par l'autorité administrative, alors qu'il a été entendu par les services de police, et qu'il n'a pas pris en compte les conditions particulières faisant obstacle à ce qu'il dépose une nouvelle demande de titre de séjour, ces moyens relèvent du bien-fondé du jugement attaqué.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Il résulte cependant de la jurisprudence de la cour de justice de l'Union européenne que ces stipulations visent, non pas les Etats membres, mais les institutions, organes et organismes de l'Union. Le moyen tiré de sa violation par une autorité d'un Etat membre est par suite inopérant.
6. Il résulte toutefois de la jurisprudence de cette même cour de justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. En outre, ainsi que la cour de justice l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
7. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de son interpellation, M. D... a été entendu à plusieurs reprises par les services de police de la compagnie autoroutière Sud Ile-de-France et qu'il a pu, lors de son audition, exposer l'ensemble des éléments relatifs à sa situation personnelle et familiale. Il a ainsi été mis en mesure de présenter ses observations avant le prononcé de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre. Il n'est par suite pas fondé à soutenir que le principe fondamental du droit d'être entendu a été méconnu.
8. En deuxième lieu, M. D..., qui conduisait sans permis lors de son interpellation, conteste que son comportement soit constitutif d'un trouble à l'ordre public, dès lors qu'il est titulaire d'un permis de conduire délivré par les autorités tunisiennes et que son casier judiciaire est vierge. Toutefois, le permis de conduire tunisien de M. D... ne l'autorisait pas à conduire en France. Il s'ensuit que le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui ne s'est au demeurant pas fondé sur ce seul motif pour justifier la décision d'éloignement contestée, n'a pas entaché sa décision d'erreur de fait.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., qui est entré régulièrement en France avec un visa " étudiant ", et dont la présence en France depuis le 23 août 2015 n'est pas contestée, n'a pas poursuivi ses études, ni validé de diplôme. S'il est établi que M. D... a travaillé à temps partiel comme ouvrier polyvalent du 1er juillet 2016 au 31 mai 2017, puis en intérim en qualité de préparateur de commandes, métier pour lequel il a obtenu la délivrance d'un titre professionnel, puis en qualité de chauffeur dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, à temps partiel 24 heures par semaine, du 3 octobre 2017 au 6 février 2018, date de son licenciement par le mandataire liquidateur de son employeur, qu'il a ensuite effectué plusieurs missions d'intérim et qu'il est titulaire d'un contrat à durée indéterminée conclu en avril 2019 pour un emploi de manutentionnaire, sa demande de changement de statut a été rejetée par la Direccte d'Ile-de-France le 23 avril 2018 et le refus de titre de séjour qui lui a été opposé le 9 juillet 2018 n'a pas été contesté. Par ailleurs, il est célibataire sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches familiale en Tunisie, où il a vécu jusqu'à l'âge de 20 ans et où résident ses parents, ainsi qu'une partie de sa fratrie. Dans ces circonstances, nonobstant la durée de la présence en France de M. D..., la présence en France de son frère aîné et de ses oncles, et ses efforts d'insertion professionnelle, l'arrêté attaqué n'a pas porté une atteinte excessive à sa vie privée et familiale. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
11. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il s'ensuit que sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
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N° 19VE04036