Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 25 janvier 2018, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :
1° d'annuler l'article 1er de ce jugement ;
2° et de remettre à la charge de la société France Chauffage ces impositions.
Il soutient que les premiers juges ont fait une inexacte application de l'article 60 du code général des impôts et des articles L 53 et L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales en estimant irrégulière la procédure d'imposition faute de ne pas avoir ouvert la faculté à la contribuable de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du rehaussement de ses bénéfices industriels et commerciaux à raison de sa quote-part du capital de la SCI SHCU, par suite de la rectification des résultats de cette société.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Soyez, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) Société Hôtelière et Civile Universal (SHCU), dont la société France Chauffage est l'un des deux associés à hauteur de 69,33 %, a fait l'objet d'un contrôle sur place, avec examen de sa comptabilité et de ses déclarations fiscales pour les exercices clos au 30 juin 2009 et au 30 juin 2010. A l'issue de ce contrôle, l'administration a adressé le 3 août 2012 à la société France Chauffage une proposition de rectification relative à ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2010 et 2011, selon la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales. L'administration ayant partiellement maintenu ces rectifications malgré les observations et la réclamation de la société France Chauffage, cette dernière a saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et obtenu la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés. Le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS relève régulièrement appel de ce jugement.
2. Les membres d'une des sociétés de personnes énumérées à l'article 8 du code général des impôts sont personnellement assujettis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. En vertu des dispositions de l'article 60 de ce code, les sociétés relevant de l'article 8 sont tenues aux obligations incombant normalement aux exploitants individuels et en vertu des dispositions de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales, la procédure de vérification des déclarations déposées par ces sociétés est suivie avec celles-ci. Les articles L. 55 et suivants du même livre prévoient les conditions dans lesquelles les déclarations fiscales ne peuvent être corrigées qu'après envoi d'une proposition de rectification motivée. Enfin l'article L. 59 prévoit les conditions dans lesquelles le contribuable peut demander, lorsque le désaccord persiste sur la rectification notifiée, que le litige soit soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Il résulte de ces dispositions combinées du code général des impôts et du livre des procédures fiscales que seule la société de personnes peut soumettre à cette commission le désaccord persistant sur les rectifications qui lui ont été notifié.
3. En application des dispositions rappelées ci-dessus, seule la SCI SHCU pouvait demander que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires fût saisie du différend sur les rectifications de bénéfices qui lui avaient été notifiées. Cette commission a d'ailleurs été effectivement saisie à la demande de la société. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur la radiation de la mention, dans la proposition de rectification adressée à la société France Chauffage, de la faculté de saisir la commission en question, pour prononcer la décharge des impositions en litige. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige, d'examiner les autres moyens de la demande.
4. Il résulte de l'instruction que la société France Chauffage a formulé des observations le 2 octobre 2012 exprimant son désaccord avec la proposition de rectification, qui lui a été notifiée le 20 août 2012. Ainsi, l'administration supporte la charge de la preuve.
Sur les passifs injustifiés au 30 septembre 2009 :
5. D'une part, la société France Chauffage conteste un passif de 29 680,05 euros. Mais, dans ses observations du 2 octobre 2012, elle a admis le caractère injustifié de ce passif à hauteur de 29 945,74 euros. L'administration a, de son côté, dans sa réponse aux observations, renoncé à procéder à une rectification, à raison de la somme de 6 744 euros. Ainsi la contestation de la réintégration de ce passif ne peut qu'être écartée.
6. D'autre part, l'administration a contesté une discordance d'un montant de 179 155 euros entre le solde créditeur d'un montant de 1 894 705,53 euros, figurant au compte courant d'associé de la société France Chauffage dans la comptabilité de la SCI, et une créance sur la SCI dans les comptes de France Chauffage, d'un montant de 1 715 106 euros. L'administration n'ayant pas reçu de réponse après avoir communiqué l'extrait de la comptabilité de l'associée, et au surplus, la SCI SHCU n'ayant pas justifié de cette différence de 179 155 euros devant la commission départementale des impôts, le moyen tiré de l'exagération de ce passif doit être écarté.
Sur la surévaluation des loyers rectifiés de la SCI SHCU :
7. Il résulte de l'instruction que l'administration a rehaussé les loyers perçus par la SCI au titre de boutiques et de locaux professionnels qu'elle louait à Marseille, d'une part, à la Grande épicerie de Marseille, au Croustillant et au Café du Grand Pavois, d'autre part, à la société France Chauffage. S'agissant des trois premières, elle soutient que la notion de loyer normal sur laquelle s'est fondée l'administration pour rehausser les loyers, ne saurait s'appliquer en cas de preneuses en difficulté, et qui ont depuis déposé leur bilan. Toutefois, 1'intimée n'établit pas, ni même n'allègue qu'il lui aurait été difficile, pour ces locaux, de trouver des preneurs en mesure d'acquitter ce loyer normal. S'agissant plus particulièrement de l'incohérence par laquelle l'administration n'aurait imposé qu'un loyer de 30 808 euros pour le Croustillant, et non de 114 460 euros, montant rehaussé de ce loyer, la société France Chauffage n'est pas fondée à contester une rectification de sa base imposable inférieure à celle qu'elle pourrait être. S'agissant du loyer rehaussé de la société France Chauffage, si l'intimée conteste le montant rehaussé, en l'absence de facturation, donc de créances acquises, et de paiement, il est constant qu'elle occupait les lieux depuis 2006 et acquittait au titre des exercices clos 2006 et 2007, un loyer annuel de 10 166 euros, toutes taxes comprises. L'administration a procédé à une reconstitution des loyers dus au titre des exercices en litige, en reprenant le loyer des exercices clos en 2006 et 2007, et en y ajoutant des charges locatives de 2 000 euros par an. La société France Chauffage ne critique pas efficacement cette reconstitution, en se bornant à affirmer qu'elle n'avait aucun intérêt à minorer son loyer.
8. Enfin, si la société France Chauffage mentionne les loyers non comptabilisés provenant de la Pharmacie, elle reconnaît avoir admis leur rehaussement dans sa réponse aux observations.
Sur les amortissements au titre de l'exercice clos en 2010 :
9. Si la société France Chauffage soutient que ce chef de rectification n'est pas motivé dans la proposition de rectification, l'administration fait valoir sans être contredite qu'elle n'a procédé à aucune rectification de ce chef.
Sur les majorations :
10. Il résulte de ce qui précède que la SCI SHCU s'est abstenue d'officialiser la location de locaux à Marseille au profit de l'intimée en 2008 et 2009, de déclarer certains loyers facturés, et qu'elle en a sous-évalué certains, ainsi qu'il ressort des conclusions de l'expert judiciaire auprès de la cour d'appel d'Aix-en-Provence. En raison de l'importance des sommes omises, de la réitération des manquements commis et des liens entre la SCI SHCU et la société France Chauffage, à la fois locataire et associée de la première, l'administration rapporte la preuve de l'intention délibérée de la société France Chauffage d'éluder les impositions en litige.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels a été assujettie la société France Chauffage et à obtenir la remise à la charge de cette société de ces droits et pénalités.
DÉCIDE :
Article 1er : Les suppléments d'impôt sur les sociétés, en droits, auxquels la société France Chauffage a été assujettie, en droits et pénalités, au titre des exercices clos en 2010 et 2011, sont remis à sa charge.
Article 2 : Le jugement n°s 1509341, 1510712 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 18 octobre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
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N°18VE00313