Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 mai 2019, Mme A..., représenté par Me Wibaut, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions de première instance tendant à la décharge des impositions litigieuses ;
2° de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a été privée de la garantie d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, la procédure de vérification n'ayant donné lieu qu'à un seul entretien en sa présence ;
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 13-0 A du code général des impôts, par violation du secret professionnel auquel elle est astreinte en tant qu'infirmière libérale, en sollicitant la communication d'informations complémentaires relatives à la domiciliation de ses clients, et en prenant connaissance de documents non comptables contenant ces informations ;
- l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 21 mars 2016 ne lui a pas été notifié ;
- elle a été privée de la garantie substantielle attachée à la possibilité d'un recours auprès du supérieur hiérarchique du vérificateur, l'administration l'ayant induite en erreur quant à cette possibilité au stade de sa réponse à ses observations en date du 27 octobre 2015 ;
- le montant de chiffre d'affaires retenu par l'administration, pour l'application des dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts, pour le calcul du taux de son activité réalisée en zone franche urbaine en 2013, devrait tenir compte des rétrocessions d'honoraires qu'elle a versées à sa collaboratrice libérale ; elle a dès lors bien réalisé plus de 25% de son chiffre d'affaires dans une zone franche urbaine.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1405 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Beaujard, président ;
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., qui exerce la profession d'infirmière libérale, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 25 juin au 16 juillet 2015 portant sur les exercices clos le 31 décembre 2012 et le 31 décembre 2013. Par proposition de rectification du
20 juillet 2015, le service a remis en cause l'exonération de prévue à l'article 44 octies A du code général des impôts relatif à l'exercice d'une activité en zone franche urbaine dont a bénéficié l'intéressée au titre des années 2012 et 2013, au motif que, dans le cadre d'une activité non sédentaire, elle ne remplissait pas la condition tenant à la réalisation d'au moins 25% de son chiffre d'affaires dans ladite zone. A l'issue de la procédure, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ont été mises à sa charge, pour des montants de
26 549 euros en droits et 5 310 euros en pénalités au titre de l'année 2012, et de 8 397 euros en droits et 1 277 euros en pénalités au titre de l'année 2013. Par un jugement du
21 mars 2019, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de
Mme A... tendant à la décharge des pénalités de l'article 1768 A du code général des impôts dont ont été assorties les cotisations d'impôt sur le revenu litigieuses, pour un montant global de 3 495 euros, et a rejeté le surplus de ses conclusions. Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il ne fait pas droit à sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, dans le cas où, comme en l'espèce, la vérification de la comptabilité d'un contribuable a été effectuée, à sa demande, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. En l'espèce, les opérations de contrôle ont donné lieu à deux interventions du vérificateur, l'une au sein des locaux du comptable de Mme A... le 25 juin 2015, réunion à laquelle cette dernière n'a pas souhaité assister, et la seconde en présence de
Mme A... et de son comptable, le 10 juillet 2015. Le nombre des rencontres étant proportionné à la nature de la vérification effectuée et à son degré d'exigence, le moyen doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 99 du code général des impôts : " Le livre-journal tenu par les contribuables non adhérents d'une association de gestion agréée comporte, quelle que soit la profession exercée, l'identité déclarée par le client ainsi que le montant, la date et la forme du versement des honoraires. (...) ". Aux termes de l'article 1649 quater G du même code : " Les documents comptables mentionnés au premier alinéa comportent, quelle que soit la profession exercée par l'adhérent, l'identité du client ainsi que le montant, la date et la forme du versement des honoraires. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 13-0 A du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts peuvent demander toutes informations relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes de toute nature perçues par les personnes dépositaires du secret professionnel en vertu des dispositions de l'article 226-13 du code pénal. Ils ne peuvent demander de renseignements sur la nature des prestations fournies par ces personnes. ". Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'administration prenne connaissance, pendant les opérations de contrôle, de factures établies par un praticien tenu au secret médical pour des prestations destinées à des patients nommément désignés, dès lors que ces documents ne comportent aucune indication, même sommaire, sur la nature des prestations fournies à ces patients. Elles font, en revanche, obstacle à ce que le vérificateur procède à des demandes complémentaires relatives à l'identité des patients concernés ou cherche à obtenir des renseignements sur la nature des prestations fournies.
4. Il est constant que le " relevé des patients " communiqué par Mme A... à l'occasion du contrôle dont elle a fait l'objet était dépourvu de toutes informations sur la nature des actes pratiqués. L'administration, pour sa part, s'est bornée à recueillir des informations figurant sur des documents comptables ou qui aurait dû y figurer, en application des dispositions précitées de l'article 99 du code général des impôts, pour les contribuables non adhérents d'une association de gestion agréée, comme c'était le cas de Mme A... au titre de l'année 2012, ou de l'article 1649 du même code, pour les contribuables adhérents d'une telle association, comme l'était Mme A... au titre de l'année 2013, sans procéder à aucune demande complémentaire relatives à l'identité des patients concernés. L'administration n'a, ce faisant, pas méconnu les dispositions légales relatives au secret professionnel.
5. En troisième lieu, Mme A... soutient que, compte tenu des circonstances de fait, et notamment des informations portées à sa connaissance dans la réponse à ses observations, l'administration l'a induite en erreur sur la possibilité d'obtenir un débat avec le supérieur hiérarchique. Il résulte cependant de l'instruction que l'administration, dans la partie préimprimée de sa réponse aux observations du contribuable, en date du 27 octobre 2015, s'est bornée à indiquer que le différend pouvait être soumis à l'avis de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires, dans les conditions prévues aux articles L. 59, L. 59 A, L. 59 C, L. 76 du LPF et 1651 G, 1651 H et 1651 L du code général des impôts, et a rayé deux mentions relatives aux recours devant la Commission départementale de conciliation et devant le comité d'abus de droit fiscal. Elle n'a, ce faisant, fourni aucun renseignement erroné au contribuable et n'a pas ainsi manqué de loyauté
vis-à-vis du contribuable vérifié. Si elle n'a pas, dans le même document, fait état de la faculté de saisir le supérieur hiérarchique, cette circonstance est sans influence sur la régularité de la procédure suivie, dès lors qu'un contribuable qui n'a, à aucun moment de la procédure de vérification, manifesté son intention de demander à bénéficier de la garantie, offerte par la charte du contribuable vérifié, d'obtenir un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur sur tous les points où persiste un désaccord avec ce dernier, ne saurait soutenir utilement devant le juge de l'impôt qu'il aurait été privé de cette garantie et que la procédure d'imposition serait, pour ce motif, irrégulière. Mme A..., qui n'a ainsi été privée d'aucune garantie substantielle attachée à la vérification de comptabilité suivie à son égard, n'est pas fondée à soutenir que la procédure au terme de laquelle les impositions en litige ont été mises à sa charge est entachée d'une irrégularité de nature à entraîner la décharge de ces impositions.
6. En dernier lieu, si Mme A... soutient que l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, saisie à sa demande, ne lui a pas été notifié, il résulte toutefois de l'instruction que cet avis lui a été notifié le
8 juin 2016, et a été retourné à l'expéditeur par les services postaux pour n'avoir pas été réclamé pendant plus de quinze jours. Si Mme A... soutient encore que l'adresse d'expédition, rue de la Tossée à Tourcoing n'était pas celle de son établissement, portée sur ses déclarations n° 2035, il résulte de l'instruction que l'adresse en question correspond à celle du cabinet infirmier dans lequel elle exerce son activité professionnelle. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé des rectifications :
7. Aux termes de l'article 44 octies A du code général des impôts : " I. - Les contribuables qui (...) créent des activités dans les zones franches urbaines (...) sont exonérés d'impôt sur le revenu (...) à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone (...). Pour bénéficier de l'exonération, l'entreprise doit répondre cumulativement aux conditions suivantes : (...) / d) Son activité doit être (...) une activité professionnelle non commerciale au sens du 1 de l'article 92. (...) Lorsque l'activité non sédentaire d'un contribuable est implantée dans une zone franche urbaine mais est exercée en tout ou partie en dehors d'une telle zone, l'exonération s'applique si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité, ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines ". Mme A... ne se prévaut que d'un moyen à l'appui des seules rectifications opérées au titre de l'année 2013. Elle soutient qu'elle a procédé à une rétrocession d'honoraires à une collègue, et que le montant de cette rétrocession doit être défalqué de ses recettes, ce qui aurait pour effet de faire remonter ses propres recettes provenant de la zone franche urbaine au-dessus du seuil de 25 %. Cependant, le " contrat d'infirmier collaborateur libéral " produit à l'appui de ses allégations n'établit pas clairement l'existence de cette rétrocession. Ainsi, si l'article 5 stipule que " Chacun des contractants perçoit directement ses honoraires ", l'article 6 stipule au contraire que les cocontractantes " consentent toutes les deux à partager tous les mois le salaire à égal parti, c'est-à-dire 50 /50 des honoraires ". Aucune précision n'est fournie quant à la répartition des clients entre les deux collaboratrices aux fins de vérification de ce que le seuil de 25 % est atteint pour la requérante, cette dernière ne pouvant demander que l'on expurge ses recettes du montant des sommes perçues par sa collaboratrice, tout en conservant pour elle seule les clients résidents en zone foncière urbaine. Il s'ensuit que ce moyen doit également être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il s'ensuit que les conclusions de sa requête doivent être rejetées, y compris les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
N°19VE01812 2