Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 août 2020, la société SLD, représentée par Me Bouhenic, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° d'annuler l'arrêté attaqué.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- les griefs soulevés à son encontre ne justifient pas la décision de fermeture du centre de tir et certains d'entre eux ne sont pas motivés en droit.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code du sport ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pham, première conseillère,
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Sport Loisirs Détente (SLD), qui a pour gérant M. B... D..., a pour objet social et activité principale l'exploitation de locaux sportifs avec activités connexes, notamment l'exploitation d'une armurerie, ainsi que la vente et l'achat d'armes, d'accessoires et de munitions. La société SLD exploite des locaux situés au 21 rue Ampère à Wissous comprenant une armurerie ainsi qu'un centre de tir, sous-loué à l'association " l'Arquebuse de Wissous ", dont M. D... était président et coassocié avec M. C... A.... Le 6 juillet 2016, M. D... a signé avec la société Editions Beaumarchais, dont le gérant est M. A..., une convention de mise à disposition de plusieurs pas de tir au sein du centre de tir situé au 21 rue Ampère, à Wissous, ainsi que du matériel afin de permettre à M. A... d'organiser des séances d'initiation au tir payantes au sein de ces locaux. Ceux-ci ont fait l'objet d'une inspection le 7 avril 2018, à la suite de laquelle ont été rendus un rapport du 9 avril 2018 de l'inspecteur de la jeunesse et des sports de la direction départementale de la cohésion sociale et un rapport du 10 avril 2018 du chef de la circonscription de la sécurité publique de Massy faisant état de plusieurs manquements aux obligations de sécurité. Par arrêté n° 302 du 10 avril 2018, la préfète de l'Essonne a prononcé la fermeture de ce centre de tir jusqu'à la mise en œuvre des mesures d'hygiène, de santé et de sécurité prescrites par cet arrêté. La société SLD fait appel du jugement n° 1404044 du 5 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité externe :
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; 2° Infligent une sanction (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté querellé, pris aux visas des textes en vigueur, notamment des articles L. 322-2, L. 322-5 et R. 322-9 du code du sport, comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. La circonstance que l'arrêté ne cite pas le texte applicable à chacun des griefs retenus à l'encontre de la société requérante n'est pas de nature à entacher l'arrêté dans son ensemble d'insuffisance de motivation. Il s'ensuit que le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
Sur la légalité interne :
3. Aux termes de l'article L. 322-2 du code du sport : " Les établissements où sont pratiquées une ou des activités physiques ou sportives doivent présenter pour chaque type d'activité et d'établissement des garanties d'hygiène et de sécurité définies par voie réglementaire ". L'article L. 322-5 du même code dispose : " L'autorité administrative peut s'opposer à l'ouverture ou prononcer la fermeture temporaire ou définitive d'un établissement qui ne présenterait pas les garanties prévues aux articles L. 322-1 et L. 322-2 (...). L'autorité administrative peut également prononcer la fermeture temporaire ou définitive d'un établissement employant une personne qui enseigne, anime ou encadre une ou plusieurs activités physiques ou sportives mentionnées à l'article L. 212-1 sans posséder les qualifications requises. L'autorité administrative peut prononcer également la fermeture temporaire ou définitive d'un établissement lorsque son maintien en activité présenterait des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants ou exposerait ceux-ci à l'utilisation de substances ou de procédés interdits par l'article L. 232-9 ". Aux termes de l'article R. 322-9 du code du sport : " En cas d'urgence, la fermeture temporaire peut être prononcée sans mise en demeure préalable ".
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 321-1 du code du sport : " Les associations, les sociétés et les fédérations sportives souscrivent pour l'exercice de leur activité des garanties d'assurance couvrant leur responsabilité civile, celle de leurs préposés salariés ou bénévoles et celle des pratiquants du sport. Les licenciés et les pratiquants sont considérés comme des tiers entre eux. Ces garanties couvrent également les arbitres et juges, dans l'exercice de leurs activités ". Aux termes de l'article D. 321-4 de ce même code : " La souscription des contrats mentionnés à l'article D. 321-1 est justifiée par la production d'une attestation, notamment aux fonctionnaires du ministère chargé des sports habilités en application de l'article L. 111-3. / Ce document vaut présomption de garantie (...). ". L'article R. 322-5 de ce même code dispose : " Dans tout établissement où est pratiquée une activité physique ou sportive doit être affichée, en un lieu visible de tous, une copie : (...) 3° De l'attestation du contrat d'assurance conclu par l'exploitant de l'établissement conformément à l'article L. 321-1. ". Il est constant qu'à la date de l'inspection du 7 avril 2018, l'inspecteur de la jeunesse et des sports de la direction départementale de la cohésion sociale de l'Essonne a constaté l'absence d'affichage d'attestation d'assurance concernant la société SLD. La circonstance que cet affichage a depuis lors été réalisé et constaté par huissier le 27 avril 2018 est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, qui s'apprécie à la date de son édiction, soit le 10 avril 2018.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code du sport : " I. - Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, à titre d'occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du présent article et de l'article L. 212-2 du présent code, les titulaires d'un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification : 1° Garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l'activité considérée ; 2° Et enregistré au répertoire national des certifications professionnelles dans les conditions prévues au II de l'article L. 335-6 du code de l'éducation. Peuvent également exercer contre rémunération les fonctions mentionnées au premier alinéa ci-dessus les personnes en cours de formation pour la préparation à un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification conforme aux prescriptions des 1° et 2° ci-dessus, dans les conditions prévues par le règlement de ce diplôme, titre ou certificat. II. - Le diplôme mentionné au I peut être un diplôme étranger admis en équivalence. III. - Les dispositions du I s'appliquent à compter de l'inscription des diplômes, titres à finalité professionnelle ou certificats de qualification sur la liste des diplômes, titres à finalité professionnelle ou certificats de qualification répondant aux conditions prévues aux paragraphes I et II, au fur et à mesure de cette inscription. IV. - Les personnes qui auront acquis, dans la période précédant l'inscription mentionnée au III et conformément aux dispositions législatives en vigueur, le droit d'exercer contre rémunération une des fonctions mentionnées au I conservent ce droit. V. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. Il fixe notamment les modalités selon lesquelles est établie la liste mentionnée au III ".
6. La société requérante fait valoir qu'il convient de distinguer entre une session d'initiation au tir sportif et un cours de tir, ce dernier consistant en la recherche d'un perfectionnement et étant seul concerné par les prescriptions de l'article L. 212-1 du code du sport. Toutefois, il est constant qu'aucune distinction de cette sorte n'était adoptée par la réglementation en vigueur à la date d'édiction de l'arrêté attaqué. Par suite, l'initiation au tir sportif, qui comprend de l'animation et de la pédagogie, constitue une prestation pédagogique au sens des dispositions précitées. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'inspection, le 7 avril 2018, aucun des éducateurs sportifs exerçant dans le centre de tir litigieux pour la société SLD ne possédait les qualifications requises, le diplôme d'entraîneur premier degré cible obtenu par M. A... n'étant pas enregistré au répertoire national des certifications professionnelles. Les circonstances que, depuis cette date, le contrat de location-gérance passé entre les sociétés Editions Beaumarchais et SLD aurait été résilié, que l'activité serait arrêtée et qu'en cas d'annulation de l'arrêté litigieux, des moniteurs diplômés seraient recrutés est sans incidence sur la légalité de celui-ci.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 312-3 du code du sport : " Tout propriétaire d'un équipement sportif le déclare au préfet du département dans lequel cet équipement est implanté, dans un délai de trois mois à compter de sa mise en service. ". Il est constant que la salle de tir litigieuse n'était pas un établissement sportif déclaré, que le dispositif d'extraction d'air était en panne le jour de l'inspection, ne permettant ainsi pas l'évacuation des fumées toxiques et qu'aucun dispositif de limitation du nombre de pratiquants n'était prévu et organisé au pas de tir n° 3 en vue d'établir des mesures de sécurisation des conditions de tir et notamment d'éviter les gênes posturales lors des initiations. Les circonstances que, postérieurement à la décision attaquée, la société SLD aurait demandé à la mairie de procéder à une déclaration de son équipement sportif auprès de la préfecture, que le dispositif d'extraction d'air aurait été réparé le 12 avril 2018, que la société requérante aurait l'intention d'améliorer le procédé d'extraction d'air par la pose de deux moteurs plus puissants et qu'un protocole visant à limiter le nombre de participants sera adopté en cas de réouverture du centre de tir sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, qui s'apprécie à la date de son édiction.
8. En quatrième lieu, la société requérante soutient que les griefs tenant à l'absence de verrous de pontet aux armes en exposition dans la chambre forte de l'armurerie et à l'absence de séparation entre chargeurs et armes ne seraient pas motivés en droit. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige a été pris au visa des dispositions de l'article L. 322-5 du code du sport imposant le respect de règles de protection de la santé et de la sécurité physique ou morale des pratiquants. De surcroît, l'article R. 313-16 du code de la sécurité intérieure, applicable aux commerces en détail d'armurerie, dispose que : " Toute personne physique ou morale se livrant à la fabrication ou au commerce d'armes, de munitions et de leurs éléments des catégories A, B, C, et des h et i de la catégorie D doit prendre, en vue de se prémunir contre les vols, les mesures de sécurité suivantes : / (...) Les armes de ces catégories détenues dans des locaux différents des lieux de vente doivent être : / a) Soit rendues inutilisables, même en combinant plusieurs éléments, par enlèvement de l'un ou de plusieurs des éléments de l'arme (...) / 2° Les armes de la catégorie C et du h de la catégorie D, exposées en vitrine ou détenues dans les locaux où l'accès du public est autorisé sont enchaînées par passage d'une chaîne ou d'un câble dans les pontets, la chaîne ou le câble étant fixés au mur (...) / 3° En cas d'exposition permanente des armes de la catégorie C et du h de la catégorie D : / (...) b) Les portes d'accès secondaires intéressant le magasin et les locaux affectés au commerce sont renforcées, en cas de besoin, et munies de systèmes de fermeture de sûreté / 5° Les munitions doivent être conservées ou présentées dans des conditions interdisant l'accès libre au public ". Il est constant que les locaux de la société SLD comportent, outre la salle de tir, une armurerie comprenant des vitrines d'exposition d'armes. Par suite, l'installation de verrous de pontet et la séparation des armes de leurs chargeurs participent du respect des règles d'hygiène et de sécurité mentionnées à l'article L. 322-5 du code du sport. Les circonstances que, postérieurement à la date de l'inspection, cent verrous de pontet auraient été commandés et installés fin avril 2018 et que les chargeurs auraient par la suite été séparés de chaque arme et stockés à part sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, celle-ci s'appréciant à la date de son édiction.
9. En cinquième lieu, la société requérante ne peut utilement soutenir que les préconisations de l'inspecteur de la jeunesse et des sports relatives aux conditions de lavage systématique des mains en vue de limiter l'exposition au plomb ne pouvaient être suivies eu égard au nombre important de membres inscrits. La simple apposition d'affiches préconisant cette pratique n'est pas suffisante pour garantir les conditions d'hygiène et de sécurité et il n'est pas établi que, ainsi que la société requérante le prétend, le moniteur conduirait systématiquement les initiés à se laver les mains, alors que cette pratique n'a pas été observée lors de l'inspection du 7 avril 2018. La circonstance que des mesures nouvelles auraient été mises en place en place postérieurement à l'édiction de l'arrêté attaqué pour éviter l'exposition au plomb, comme l'acquisition de blocs balistiques en caoutchouc compressé, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux.
10. En dernier lieu, si aucun texte n'impose l'installation d'un sas de sécurité ou d'un protocole écrit préalable, il ressort des pièces du dossier que la préfète de l'Essonne aurait pris le même arrêté si elle avait retenu les seuls motifs tirés notamment de l'absence de qualification professionnelle des animateurs du centre de tir litigieux, de l'absence de déclaration de l'équipement sportif ou de l'absence d'affichage des attestations d'assurance.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société SLD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société SLD est rejetée.
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N° 20VE01900