Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 août 2020, Mme G..., représentée par Me Paulhac, avocate, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° d'annuler l'arrêté attaqué ;
3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de quinze euros par jour de retard ;
4° à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme G... soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- elle a produit un mémoire complémentaire le 11 juin 2020 soulevant plusieurs moyens et arguments nouveaux qui n'ont pas été visés par le jugement et auxquels il n'a pas été répondu ;
Sur la décision rejetant sa demande d'un certificat de résidence :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- l'avis médical rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est irrégulier dès lors qu'il n'examine pas si elle pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie, qu'il ne se prononce pas sur la durée prévisible du traitement, qu'il a été rendu tardivement, qu'il n'est pas démontré qu'il a été rendu de manière collégiale et que les médecins ont délibéré ou non par conférence téléphonique ou audiovisuelle, qu'il n'est pas établi que le médecin rapporteur n'a pas siégé au sein du collège et que l'authenticité des signatures des médecins composant ce collège n'est pas établie ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, le préfet s'étant cru à tort lié par l'avis du collège de médecins ;
- elle méconnaît les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en conséquence de l'illégalité entachant la décision rejetant sa demande d'un certificat de résidence ;
Sur la décision fixant le pays de destination ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale en conséquence de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bouzar a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G..., ressortissante algérienne née le 13 février 1949 à Béjaia (Algérie), est entrée en France le 13 mai 2018 avec un visa de court séjour. Elle relève appel du jugement du 29 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de lui délivrer un certificat de résidence, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ". Il ressort du dossier de première instance que Mme G... avait produit un mémoire complémentaire comportant des moyens nouveaux le 11 juin 2020, soit avant la clôture automatique de l'instruction, qui n'a pas été visé par le jugement. Il ressort par ailleurs des motifs du jugement que le tribunal n'a pas répondu à l'un de ces moyens, tiré de ce que l'arrêté, en tant qu'il refuse de délivrer à Mme G... un certificat de résidence, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, Mme G... est fondée à soutenir que le jugement du 29 juin 2020 est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation. Il y a lieu par conséquent de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par Mme G... devant le tribunal administratif.
Sur les conclusions en annulation de l'arrêté du 13 décembre 2019 :
En ce qui concerne la décision refusant de délivrer à Mme G... un certificat de résidence :
3. En premier lieu, cette décision, qui refuse de délivrer à Mme G... un certificat de résidence sollicité pour raisons de santé, comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent et est ainsi suffisamment motivée, alors même qu'elle ne fait pas mention des liens familiaux de l'intéressée en France.
4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Et, aux termes du troisième alinéa de l'article R. 313-23 du même code : " Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège ". Enfin, aux termes du septième alinéa du même article : " L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical ".
5. D'autre part, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
6. En l'espèce, l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) établi le 27 juin 2019 constate que l'état de santé de Mme G... nécessite une prise en charge médicale et que le défaut de cette prise en charge médicale ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'intéressée. Dès lors, le collège n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour Mme G... de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine ou sur la durée prévisible du traitement.
7. Si Mme G... soutient que l'avis du collège des médecins de l'OFII a été émis au-delà du délai de trois mois prévu par l'article R. 313-23 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce délai n'a toutefois pas été prescrit à peine d'irrégularité de l'avis.
8. Si Mme G... soutient que la délibération du collège de médecins n'a pas été rendue de manière collégiale, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations. En tout état de cause, cet avis, signé par trois médecins, porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ". Cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire, laquelle n'est pas rapportée par Mme G....
9. Si l'article 6 précité de l'arrêté du 27 décembre 2016 indique que l'avis mentionne " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité. Par conséquent, la circonstance que l'avis n'indique pas si le collège a délibéré ou non par conférence téléphonique ou audiovisuelle est sans incidence sur sa régularité.
10. Si Mme G... soutient que n'est pas apportée la preuve que le médecin ayant établi le rapport médical, au vu duquel le collège de trois médecins rend son avis, n'a pas siégé au sein de ce collège, il ressort en tout état de cause de l'avis que celui-ci a été rendu au vu d'un rapport établi par un autre médecin que ceux ayant composé ce collège.
11. Si Mme G... soutient également que l'authenticité des signatures de l'avis n'est pas établie, cet avis mentionne cependant de façon lisible les noms des trois médecins lesquels peuvent ainsi être identifiés. Mme G... n'apporte par ailleurs aucun élément de nature à mettre en doute la validité ou l'authenticité de ces signatures.
12. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient Mme G..., le préfet de la Seine-Saint-Denis a exercé sa compétence et ne s'est pas considéré lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII établi le 27 juin 2019. La simple circonstance que le préfet s'est appuyé sur cet avis pour prendre sa décision ne révèle pas que le préfet s'est estimé en situation de compétence liée.
13. En quatrième lieu, la circonstance que la décision contestée ne mentionne pas la présence en France de la fille de Mme G... ne révèle pas à elle seule que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation, alors que cette décision mentionne que Mme G..., entrée en France le 13 mai 2018 avec un visa de court séjour, ne peut pas se prévaloir des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, qu'elle ne justifie pas de ressources propres lui permettant de subvenir à ses besoins sur le territoire français et que, veuve, elle ne justifie pas d'obstacles l'empêchant de poursuivre une vie privée et familiale normale dans son pays d'origine, où résident ses enfants et sa fratrie.
14. En cinquième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7. au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ". Mme G... soutient qu'elle souffre de nombreuses pathologies (hypertension artérielle, dyslipidémie, troubles psychiatriques) et produit un certificat médical, établi le 13 janvier 2020 par le docteur B..., son médecin traitant, selon lequel " L'arrêt des traitements entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ", établi sur la base d'un autre certificat établi le 18 avril 2019 par le docteur E..., médecin psychiatre, lequel fait toutefois simplement mention de trois symptômes " qui restent à évaluer dans le temps ". Elle se prévaut également d'un premier certificat médical établi le 10 septembre 2018 par le docteur B... aux termes duquel Mme G... " est suivie pour hypertension artérielle et doit recevoir un traitement à vie " et que " l'arrêt de son traitement peut mettre en danger cette patiente et ne peut être interrompu sous aucun prétexte ". Cependant, de par leur contenu, ces documents n'apportent pas d'éléments suffisants établissant que le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur d'appréciation en considérant que si Mme G... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge médicale ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'intéressée.
15. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Il ressort des pièces du dossier que la fille de Mme G..., Mme C... F..., ressortissante française, réside en France avec son époux et leurs trois enfants. Le fils de A... G... séjourne également en France de manière régulière. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme G... est dépourvue de toute attache familiale en Algérie. S'il est établi que son époux et ses parents sont décédés, elle se borne à faire état de la nationalité luxembourgeoise de l'une de ses sœurs et de la nationalité américaine de celle qu'elle présente comme une autre de ses sœurs et qui se révèle être sa fille, sans indiquer leur lieu de résidence. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un certificat de résidence, le préfet de la Seine-Saint-Denis a porté au droit au respect sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise.
16. En dernier lieu, compte tenu des motifs exposés au point précédent et en l'absence de tout autre élément, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que la décision refusant de lui délivrer un certificat de résidence est illégale.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
18. Compte tenu de ce qui a été dit au point 17, Mme G... n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'exception, que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
19. En premier lieu, cette décision vise notamment l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que Mme G... n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ou tout autre pays où elle est effectivement admissible. Cette décision est ainsi suffisamment motivée.
20. En second lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 18, Mme G... n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'exception, que la décision fixant le pays de destination est illégale.
21. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme G... contre l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 13 décembre 2019 et, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2000575 du 29 juin 2020 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme G... est rejetée.
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N° 20VE01963