Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 novembre 2017, 18 mai 2018 et 25 septembre 2018, la SA LA MAISON DU CIL, représentée par Me Mouton-Jamart, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la restitution demandée ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la doctrine rappelle que le comptable public compétent pour exercer les poursuites en cas de non paiement de la taxe d'apprentissage est celui du service des impôts entreprises dont dépend la société ;
- les premiers juges semblent introduire une distinction entre assiette et recouvrement de la taxe qui n'est pas prévue par les textes ;
- une partie de la taxe est reversée au Trésor public, et le I de l'article 1678 quinquies du code général des impôts précise que la taxe d'apprentissage est recouvrée comme en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
- pour les organismes d'HLM, la taxe n'est due qu'au titre des activités soumises à l'impôt sur les sociétés en application des 4° et 6°bis de l'article 207 du code général des impôts ;
- eu égard à l'imprécision des textes, le contribuable n'est pas en mesure de comprendre les dispositions du code général des impôts et du livre des procédures fiscales ni d'introduire efficacement un recours juridictionnel, ce qui est contraire aux principes constitutionnels d'égalité devant la loi, de garantie des droits et d'égalité devant les charges publiques.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Munoz-Pauziès,
- et les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Au titre des années 2013, 2014 et 2015, la SA LA MAISON DU CIL a déposé ses déclarations de taxe d'apprentissage et s'est libérée du paiement de cette taxe ainsi que de la contribution au développement de l'apprentissage et de la contribution supplémentaire à l'apprentissage auprès de la Chambre de commerce et d'industrie de l'Aisne. Estimant qu'elle avait commis des erreurs dans le calcul des sommes dont elle était redevable, elle a adressé pour chacune des années en cause une réclamation préalable en application de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, que l'administration a rejetée au motif que " la taxe d'apprentissage est une dépense libératoire effectuée auprès d'un organisme collecteur ". La SA LA MAISON DU CIL relève appel du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution partielle des sommes en cause.
2. D'une part, s'agissant de la taxe d'apprentissage, aux termes de l'article 224 du code général des impôts, abrogé par la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 : " 1. Il est établi une taxe, dite taxe d'apprentissage, dont le produit, net des dépenses admises en exonération en application des articles 226 bis, 227 et 227 bis, favorise l'égal accès à l'apprentissage sur le territoire national et contribue au financement d'actions visant au développement de l'apprentissage dans les conditions prévues à l'article L. 6241-2 du code du travail ". Aux termes de l'article 228 du même code : " A défaut de versement ou en cas de versement insuffisant de la taxe d'apprentissage aux organismes collecteurs habilités en application des articles L. 6242-1 et L. 6242-2 du code du travail avant le 1er mars de l'année suivant celle du versement des salaires, le montant de la taxe, acquitté selon les modalités définies au III de l'article 1678 quinquies, est majoré de l'insuffisance constatée. " Aux termes de l'article L. 6242-2 du code du travail, dans sa version en vigueur jusqu'au 7 mars 2014 : " Sont habilités à collecter des versements, donnant lieu à exonération de la taxe d'apprentissage, auprès des entreprises ayant leur siège social ou un établissement dans la région et à les reverser aux établissements autorisés à la recevoir : / 1° Les chambres consulaires régionales (...) ". Aux termes du III de l'article 1678 quinquies du code général des impôts : " Le versement de la taxe d'apprentissage prévu à l'article 228 bis est effectué auprès du comptable public compétent, accompagné du bordereau établi selon un modèle fixé par l'administration, et déposé au plus tard le 30 avril de l'année qui suit celle du versement des rémunérations ".
3. Aux termes du I de l'article 1599 ter du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 : " A défaut de versement ou en cas de versement insuffisant de la taxe d'apprentissage aux organismes collecteurs habilités en application des articles L. 6242-1 et L. 6242-2 du code du travail avant le 1er mars de l'année suivant celle du versement des salaires, le montant de la taxe, acquitté selon les modalités définies au III de l'article 1678 quinquies, est majoré de l'insuffisance constatée ". L'article L. 6242-2 du code du travail, dans sa version en vigueur à compter du 7 mars 2014, dispose que : " Une convention entre chambres consulaires régionales définit les modalités de collecte et de répartition de la taxe d'apprentissage au niveau régional. Cette convention désigne la chambre consulaire régionale qui, après habilitation par l'autorité administrative, collecte les versements donnant lieu à exonération de la taxe d'apprentissage auprès des entreprises ayant leur siège social ou un établissement dans la région et les reverse aux établissements autorisés à les recevoir ". Enfin, aux termes du III de l'article 1678 quinquies du même code : " Le versement de la taxe d'apprentissage prévu à l'article 1599 ter I est effectué auprès du comptable public compétent, accompagné du bordereau établi selon un modèle fixé par l'administration, et déposé au plus tard le 30 avril de l'année qui suit celle du versement des rémunérations ".
4. S'agissant de la contribution au développement de l'apprentissage, avant sa fusion avec la taxe d'apprentissage à compter du 1er janvier 2014, aux termes de l'article 1599 quinquies A du code général des impôts : " I.-Il est institué une contribution au développement de l'apprentissage dont le produit est reversé aux fonds régionaux de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue mentionnés à l'article L. 4332-1 du code général des collectivités territoriales. Cette contribution est due par les personnes ou entreprises redevables de la taxe d'apprentissage en application de l'article 224. Elle est assise sur les rémunérations retenues pour l'assiette de la taxe d'apprentissage en application des articles 225 et 225 A. Elle est calculée au taux de 0, 18 %. Le montant de la contribution est versé aux organismes collecteurs agréés mentionnés aux articles L. 6242-1 et L. 6242-2 du code du travail avant le 1er mars de l'année suivant celle du versement des salaires. A défaut de versement ou en cas de versement insuffisant au plus tard à la date précitée, le montant de la contribution est versé au comptable public compétent, selon les modalités définies au III de l'article 1678 quinquies, majoré de l'insuffisance constatée ".
5. Enfin, s'agissant de contribution supplémentaire à l'apprentissage, aux termes de l'article 230 H du code général des impôts, transféré à compter du 1er janvier 2014 à l'article 1609 quinvicies du même code : " I. - Il est institué une contribution supplémentaire à l'apprentissage.(...) V. - Le montant de la contribution mentionnée au I est versé aux organismes collecteurs agréés mentionnés aux articles L. 6242-1 et L. 6242-2 du code du travail avant le 1er mars de l'année suivant celle du versement des salaires. A défaut de versement ou en cas de versement insuffisant à la date précitée, le montant de la contribution est versé au comptable public compétent selon les modalités définies au III de l'article 1678 quinquies, majoré de l'insuffisance constatée ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. "
7. Il résulte de l'instruction que la SA LA MAISON DU CIL a versé pour chacune des années concernées les montants de taxe d'apprentissage, de contribution au développement de l'apprentissage et de contribution supplémentaire à l'apprentissage en litige à la Chambre de commerce et d'industrie de l'Aisne, organisme collecteur au sens des dispositions précitées. Ces versements à effet libératoire ne sont ni établis, ni recouvré par les agents de l'administration, et ne constituent ainsi pas une créance fiscale, nonobstant la circonstance qu'ils sont pour partie reversés au Trésor public. Ce n'est qu'en cas d'insuffisance de ces versements spontanés que la taxe, majorée de l'insuffisance constatée, est recouvrée par le comptable public compétent. Ainsi, et dès lors qu'aucune insuffisance de versement spontané n'a été constatée par l'administration, la réclamation de la SA MAISON DU CIL ne relevait pas de la juridiction contentieuse au sens des dispositions précitées de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, et le juge de l'impôt n'est pas susceptible d'être saisi de conclusions aux fins de décharge des versements effectués.
8. La SA LA MAISON DU CIL soutient que l'imprécision et la complexité des textes applicables ne permet pas au contribuable de contester les sommes qu'il a versées, ce qui serait contraire aux principes constitutionnels d'égalité devant la loi, de garantie des droits et d'égalité devant les charges publiques. Toutefois, en dehors des hypothèses où il est saisi, par mémoire distinct, d'une question prioritaire de constitutionnalité, en application des dispositions de l'article R. 771-3 du code de justice administrative, il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la constitutionnalité de dispositions législatives.
9. Il résulte de ce qui précède que la SA LA MAISON DU CIL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SA LA MAISON DU CIL est rejetée.
N° 17VE03563 2