Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 mai 2017, 19 janvier 2018 et 7 février 2019, la SA AUSY, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement du 4 avril 2017 en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande ;
2° de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2008 et 2009 ;
3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5° de condamner l'Etat aux entiers dépens en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sur le terrain de la loi fiscale, c'était elle, et non ses clients, qui était fondée à bénéficier du crédit d'impôt en cause au titre des prestations qu'elle leur a fournies, dès lors que celles-ci ne relevaient pas d'un contrat de sous-traitance mais constituaient des prestations de services ;
- les éléments de fait relatifs à la vérification de comptabilité portant sur la période immédiatement postérieure sont les même que ceux de l'affaire en litige, et n'ont pas donné lieu à rectification ;
- elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations des paragraphes 146 et 147 de l'interprétation administrative de la loi fiscale publiée le 21 janvier 2000 sous le n° 4 A-1-00, qui est transposable à sa situation ;
- l'administration méconnaît les principes directeurs du procès équitable de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu le jugement attaqué.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dibie,
- les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour la SA AUSY.
Considérant ce qui suit :
1. La SA AUSY, qui a pour activité le conseil et l'ingénierie en hautes technologies, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à la suite de laquelle elle s'est vu notifier, selon la procédure contradictoire, par une proposition de rectification du 25 juin 2012, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2008 et 2009, à raison de la remise en cause du crédit d'impôt relatif aux dépenses de recherche dont elle avait bénéficié pour chacune de ces deux années, assorties des pénalités pour manquement délibéré. Par un jugement du 4 avril 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déchargé la SA AUSY des majorations pour manquement délibéré mises à sa charge au titre des années 2008 et 2009, et rejeté le surplus des conclusions de la demande. La SA AUSY relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2008 et 2009.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) / II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions. (...) d ter) Les dépenses mentionnées aux d et d bis entrent dans la base de calcul du crédit d'impôt recherche dans la limite globale de deux millions d'euros par an. Cette limite est portée à 10 millions d'euros pour les dépenses de recherche correspondant à des opérations confiées aux organismes mentionnés aux d et d bis, à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens des deuxième à quatrième alinéas du 12 de l'article 39 entre l'entreprise qui bénéficie du crédit d'impôt et ces organismes ; (...) III. Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d'impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu'elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables. Il en est de même des sommes reçues par les organismes ou experts désignés au d et au d bis du II, pour le calcul de leur propre crédit d'impôt".
3. Il résulte de ces dispositions que si un organisme de recherche privé agréé par le ministre chargé de la recherche peut intégrer dans le calcul de son crédit d'impôt les dépenses de recherche qu'il a exposées pour son propre compte, il ne peut, en revanche, pas intégrer celles qu'il a exposées pour le compte de tiers. En revanche, lorsqu'un tel organisme réalise des prestations de service expose lui-même à cette occasion, pour son propre compte, des dépenses de recherche nettement individualisées des prestations faisant l'objet du contrat de prestation, dont il assume la charge financière sans la répercuter intégralement au donneur d'ordre en cause, et dont il conserve la propriété et donc l'usage des résultats pour sa propre activité, il peut inclure ces dépenses dans l'assiette de son propre crédit d'impôt pour les dépenses de recherche.
4. L'administration fiscale, pour remettre en cause le calcul du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche dont disposait la SA AUSY au titre des exercices clos en 2008 et 2009, a estimé que cette dernière, qui est un organisme de recherche privé agréé au sens du d bis du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, n'avait pas déduit de l'assiette de ses dépenses la totalité des sommes qu'elle avait reçues de ses clients, en contravention avec le III de l'article 244 quater B du code général des impôts.
5. En premier lieu, la SA AUSY soutient que les dépenses qu'elle a exposées pour le compte de ses différents clients ne correspondent pas toutes à des opérations de sous-traitance de recherche, qui seraient seules à entrer dans le champ des dispositions du d bis du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, mais pour certaines d'entre elles à des prestations de services de recherche. Toutefois, il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu inclure dans leur champ d'application toutes les dépenses de recherche en opérant comme seule distinction le fait que les organismes privés de recherche ont exposé ces dépenses pour leur propre compte ou pour le compte de leurs clients. Il résulte de l'instruction et n'est pas sérieusement contesté par la société requérante que les prestations pour lesquelles le service a remis en cause le crédit d'impôt en litige lui ont été confiées par des tiers et constituent des dépenses de recherche au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 244 quater B du code général des impôts. Ainsi, est sans incidence la circonstance que les dépenses en cause ne relèveraient pas, ainsi que le soutient la SA AUSY, d'un contrat de sous-traitance mais constitueraient des prestations de service.
6. En deuxième lieu, si la SA AUSY entend soutenir que les dépenses de recherche en cause constitueraient des dépenses propres, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des contrats, factures et bons de commandes que la société requérante a établis avec ses clients au titre de la période en litige, que les dépenses dont cette dernière demande l'inclusion dans l'assiette de son propre crédit d'impôt seraient des dépenses de recherche nettement individualisées des prestations faisant l'objet du contrat de prestation, ni qu'elle n'aurait pas intégralement répercuté leur charge financière à ses clients, ni qu'elle n'en aurait conservé la propriété et donc l'usage des résultats pour sa propre activité.
7. En troisième lieu, la SA AUSY ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit à un procès équitable, s'agissant d'une instance dans laquelle le juge de l'impôt ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil.
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
8. Aux termes du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ".
9. En premier lieu, la société requérante ne peut utilement se prévaloir devant le juge de l'impôt de la circonstance que l'administration, à l'occasion d'une vérification de comptabilité portant sur des exercices ultérieurs, n'aurait pas critiqué l'assiette de son crédit d'impôt.
10. En second lieu, la société requérante invoque le bénéfice de l'instruction référencée 4 A-1-00 du 8 février 2000 en son paragraphe 146, qui prévoit que :" En application du III de l'article 244 quater B du CGI, les sommes reçues par les organismes et experts désignés au d) et d bis) de ce code sont déduites pour le calcul du crédit d'impôt propre à ces organismes, afin d'éviter qu'une même catégorie de dépenses de recherche ne soit prise en compte à deux reprises (...) " et 147 et qui prévoit que : " Si l'entreprise qui a acquitté ces travaux de recherche ne bénéficie pas elle-même du crédit d'impôt recherche (en l'absence d'option par exemple), il convient à l'organisme de recherche de prendre les sommes correspondantes en compte pour le calcul de son propre crédit d'impôt ". Toutefois, en tout état de cause, elle n'établit pas, ainsi qu'il lui incombe, que ses clients n'auraient pas bénéficié du crédit impôt recherche pour les dépenses en cause.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SA AUSY n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2008 et 2009. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'en tout état de cause, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article
R. 761-1 du même code, doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SA AUSY est rejetée.
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N° 17VE01655