Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 juillet 2016 et le 13 septembre 2018, M. B..., représenté par Me Bacha, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a limité à la somme de 11 000 euros le montant de l'indemnité que l'Etat a été condamné à lui verser ;
2° de condamner l'Etat au versement de la somme de 84 641 euros à titre de
dommages-intérêts réparant le préjudice matériel et financier se décomposant comme suit : 23 936 euros pour la perte de traitement, 8 100 euros pour le préjudice de retraite, 27 405 euros pour le préjudice découlant de la perte de chance de bénéficier d'un traitement jusqu'au
30 septembre 2014, terme de sa prolongation d'activité, et 25 200 euros pour le préjudice résultant de la perte de chance de cotiser au titre de la retraite jusqu'au 30 septembre 2014 ;
3° de condamner l'Etat au versement de la somme de 10 000 euros à titre de
dommages-intérêts réparant son préjudice moral ;
4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 35 euros correspondant à la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article R. 761-1 du code de justice administrative.
M. B...soutient que le jugement entrepris est mal fondé : les faits qui lui sont reprochés ne sont pas constitutifs de fautes disciplinaires et, en tout cas, ne sont pas de nature à réduire, dans les proportions retenues par les premiers juges, le montant de la réparation que l'intéressé est fondé à solliciter ; le tribunal a commis des erreurs matérielles en retenant la date du 16 février 2012 au lieu du 16 avril 2012 comme terme de la période de privation du traitement, des erreurs de fait et de droit en omettant de décompter la perte de traitement jusqu'au 1er juillet 2012, date de sa radiation des cadres et une erreur de fait sur la date limite de présentation d'une seconde demande de prolongation d'activité qui intervenait le
16 octobre 2011 et non le 1er mars 2010 ; l'indemnité globale allouée est insuffisante.
..................................................................................................................dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;
- le décret n° 92-344 du 27 mars 1992 portant statut particulier du corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse ;
- le décret n°2009-1744 du 30 décembre 2009 pris pour l'application de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guével, rapporteur,
- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,
- et les observations de Me Bacha, pour M.B.dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions indemnitaires :
1. Le Tribunal administratif de Versailles a, par le jugement contesté, estimé que l'arrêté en date du 26 juillet 2011 par lequel le garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés a infligé à M.B..., éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse, une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de dix-huit mois est illégal dès lors que, compte tenu des faits reprochés à cet agent, la mesure disciplinaire apparaît comme disproportionnée, et que cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Le tribunal a condamné l'Etat à indemniser l'intéressé de ses préjudices. Par sa requête, M. B...demande à la Cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a limité à la somme de 11 000 euros le montant de l'indemnité que l'Etat a été condamné à lui verser et de condamner l'Etat au versement de la somme de 84 641 euros au titre du préjudice matériel et financier subi et la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral enduré.
2. D'une part, la personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent.dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle
3. D'autre part, en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi qu'il a perçues au cours de la période d'éviction.
4. Devant la Cour, M. B...demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 84 641 euros au titre de son préjudice matériel et financier, se décomposant en une perte de traitement de 23 936 euros, un préjudice de retraite de 8 100 euros, des préjudices découlant de la perte de chance de pouvoir jusqu'au 30 septembre 2014 bénéficier d'un traitement ressortant à 27 405 euros et de cotiser au titre de la retraite à hauteur de 25 200 euros.
5. Il résulte de l'instruction que M.B..., qui atteignait le 16 octobre 2009, date de son soixantième anniversaire, la limite d'âge applicable au corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, et a obtenu sur sa demande, par une décision en date du
15 avril 2009 du garde des sceaux, ministre de la justice, le bénéfice d'une prolongation d'activité d'une durée maximale de dix trimestres à compter de cette date, aurait continué à exercer son activité jusqu'au 16 avril 2012 s'il n'avait pas fait l'objet de la sanction disciplinaire illégale et donc à percevoir une rémunération et à cotiser pour la retraite.
6. En revanche, M.B..., qui n'a pas présenté, conformément aux dispositions de l'article 8 du décret n° 2009-1744 du 30 décembre 2009 susvisé, une nouvelle demande de prolongation d'activité permettant son maintien en activité jusqu'à l'âge de 65 ans, n'est pas fondé à se prévaloir du préjudice éventuel découlant de la perte de chance de bénéficier d'une rémunération supplémentaire et de cotiser ainsi davantage pour sa retraite.
7. Pour apprécier la part indemnisable des préjudices dont M. B...demande réparation, il y a lieu de tenir compte des faits reprochés à l'intéressé que le Tribunal administratif de Versailles a retenus, à savoir son utilisation de la langue arabe auprès de jeunes mineurs relevant de la protection judiciaire de la jeunesse et leurs familles en méconnaissance des mises en garde faites sur ce point par son administration et la teneur menaçante des courriels des 22 et 23 novembre 2010 adressés par l'agent à ses supérieurs hiérarchiques, ainsi que, de manière générale, les relations que l'agent entretenait avec ses collègues de travail. Le comportement et les agissements de M. B...ont revêtu un caractère fautif, de nature à exonérer l'administration d'une partie de sa responsabilité.
8. Compte tenu de l'importance respective de l'illégalité affectant la sanction prononcée à l'encontre de M. B...par décision du 26 juillet 2011 et des fautes relevées à l'encontre de cet agent, il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices subis par M. B...en maintenant l'indemnité allouée à celui-ci à la somme de 9 000 euros au titre du préjudice matériel et à la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges ont procédé à une évaluation insuffisante des préjudices qu'il a subis du fait de l'illégalité de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions dont il a fait l'objet. Par suite sa requête doit être rejetée, ainsi que ses conclusions afférentes aux frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
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N° 16VE02135