Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2020, M. C..., représenté par Me Brocard, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler les décisions du préfet de la Seine-Saint-Denis portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, et d'assortir cette injonction d'une astreinte de 50 euros par jour de retard en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative, et, à titre subsidiaire, de délivrer immédiatement à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de procéder au réexamen de sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, en application des articles L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à l'avocat de M. C... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. C... soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- le tribunal administratif a commis une erreur de fait ;
- le jugement attaqué n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur le bien-fondé du jugement contesté :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- elle méconnaît l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle est illégale dans la mesure où l'intéressé doit se voir attribuer un titre de séjour de plein droit ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est affectée d'erreur manifeste d'appréciation.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né le 6 avril 1973, ressortissant du Nigéria, relève appel du jugement n° 1906575 du 19 décembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 15 février 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, à défaut de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si M. C... soutient que le Tribunal administratif a commis une erreur de fait, ce moyen relève du bien-fondé du jugement et n'en affecte donc pas la régularité.
3. Il résulte du jugement attaqué que les premiers juges ont omis de répondre à un des moyens soulevés en première instance par M. C..., tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, ce jugement doit être annulé en tant qu'il a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de la décision du 15 février 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de l'admettre au séjour en France.
4. Il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande d'annulation de la décision relative au séjour présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Montreuil et, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les autres demandes.
Sur la décision portant refus de séjour :
5. Par un arrêté n° 2017/3377 du 10 novembre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture le même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné à M. E... D..., sous-préfet du Raincy, délégation pour signer, dans les limites de l'arrondissement du Raincy, notamment les décisions de refus de titre de séjour et les décisions portant obligation de quitter le territoire. Dans la mesure où, à la date de la décision attaquée, M. C... résidait à Noisy-le Grand, commune située dans cet arrondissement, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision manque en fait.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) ; 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; /(...). ".
7. M. C... se prévaut de ce qu'il est entré en France le 6 février 2015 après avoir séjourné régulièrement en Espagne depuis 1999, qu'il a épousé le 13 mai 2017 une compatriote titulaire d'un titre de séjour, qu'ils ont eu des enfants nés le 3 mars 2018 et le 6 octobre 2020, que sa femme est mère d'un enfant, orphelin de père, né d'une précédente union en 2012 et scolarisé, que lui-même est le père d'un enfant né en 2005, de nationalité polonaise, vivant avec sa mère en Espagne et à l'égard duquel l'intéressé a un droit de visite, et qu'il détient une promesse d'embauche en qualité d'agent de propreté. Toutefois, M. C... n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales au Nigéria, pays d'origine commun à son épouse, ni de l'impossibilité de poursuivre dans ce pays sa vie personnelle, familiale et professionnelle, ni d'ailleurs exercer effectivement son droit de visite auprès de son enfant résidant en Espagne. Dès lors, compte tenu des conditions du séjour en France de l'intéressé, et dans la mesure où le droit au respect de la vie privée et familiale ne saurait s'interpréter comme comportant pour un État l'obligation générale de respecter le choix, par les couples mariés, de leur pays de résidence, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. C... le 15 février 2019, n'a pas porté au droit de celui-ci au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
8. Aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. /(...). ".
9. Pour les motifs mentionnés au point 7 du présent arrêt, M. C... ne justifie pas de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour ces motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision de refus de séjour sur la situation de M. C... doit être écarté.
10. Aux termes de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. /(...). ".
11. Pour les motifs exposés au point 7, la décision du 15 février 2019 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de carte de séjour temporaire présentée par M. C... n'a ni pour objet ni pour effet de séparer l'intéressé des quatre enfants dont il soutient assurer l'éducation et l'entretien pour trois d'entre eux et avoir un droit de visite en Espagne pour le quatrième. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
12. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité préfectorale n'est tenue de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls ressortissants qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les ressortissants qui se prévalent de ces dispositions.
13. Dans la mesure où, comme il est dit au point 7, M. C... ne remplit pas les conditions prévues à l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", le préfet de la Seine-Saint-Denis n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour des étrangers.
14. Il résulte de ce qui précède que la demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Montreuil, tendant à l'annulation de la décision du 15 février 2019 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de carte de séjour temporaire doit être rejetée.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
15. En l'absence d'illégalité établie de la décision du 15 février 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant à M. C... la délivrance d'un titre de séjour, la décision préfectorale du même jour obligeant l'intéressé à quitter le territoire français n'est pas privée de base légale.
16. M. C... n'étant pas éligible, comme il est dit au point 7, à la délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", le moyen tiré de ce qu'il serait protégé de l'éloignement manque en fait.
17. Pour les motifs exposés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
18. Pour les motifs exposés au point 11, le moyen tiré de la violation de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
19. Pour les motifs exposés au point 9, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation affectant la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
20. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 15 février 2019 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français.
21. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement n° 1906575 du 19 décembre 2019 du Tribunal administratif de Montreuil doit être annulé en tant qu'il a statué sur la demande d'annulation de la décision du 15 février 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant rejet de la demande de carte de séjour temporaire présentée par M. C..., que la demande d'annulation de ce refus présentée devant le Tribunal administratif de Montreuil doit être rejetée ainsi que les conclusions présentées en appel tendant à l'annulation de la décision du 15 février 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant obligation de quitter le territoire français, et, par voie de conséquence, les conclusions en injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1906575 du 19 décembre 2019 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il a statué sur la demande d'annulation de la décision du 15 février 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant rejet de la demande de carte de séjour temporaire présentée par M. C....
Article 2 : La demande d'annulation de la décision de refus mentionnée à l'article 1er présentée devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée, ainsi que les conclusions présentées en appel tendant à l'annulation de la décision du 15 février 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant obligation de quitter le territoire français, les conclusions en injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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N° 20VE01624