Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire ampliatif enregistrés respectivement les 30 avril 2021 et 7 mai 2021, M. B..., représenté par Me Monconduit, avocate, demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler cet arrêté préfectoral ;
3° d'enjoindre au préfet territorialement compétent de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnait l'articles L.511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
..................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Even,
- et les observations de Me Monconduit pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien, né le 23 novembre 1984, qui a déclaré être entré en France le 16 juillet 2006, a fait l'objet d'une reconduite à la frontière le 16 mars 2011, qui a été confirmée par le tribunal administratif de Paris le 21 mars 2011. Le préfet de l'Essonne a, par un arrêté du 13 avril 2017, rejeté la demande de titre séjour présentée par l'intéressé et l'a obligé à quitter le territoire français. Cette décision a été confirmée par le tribunal administratif de Versailles le 24 octobre 2017. M. B... n'a pas déféré à cette obligation de quitter le territoire français et s'y est maintenu de manière irrégulière. M. B... a sollicité, le 16 janvier 2020, son admission exceptionnelle au séjour en invoquant le bénéfice de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 novembre 2020, le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. B... fait appel du jugement du 1er avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. Aux termes de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".
3. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement des dispositions précitées, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans ce cadre, il incombe à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. B... était lié par un contrat à durée indéterminée avec son employeur, la société Prima Services, depuis le 3 juin 2019. De plus, M. B... a produit 7 bulletins de salaires mensuels lors du dépôt de sa demande de titre de séjour en janvier 2020, et en possédait 18 lorsque le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande. Ainsi, en se bornant pour rejeter la demande de titre de séjour sollicitée par le requérant à considérer qu'il ne justifiait pas d'une promesse d'embauche lors du dépôt de sa demande, et que la production de 7 bulletins de salaire ne saurait suffire à sa régularisation administrative, le préfet de l'Essonne a entaché sa décision d'une erreur de fait. Par suite, la décision contestée rejetant la demande de titre de séjour de M. B... est entachée d'une illégalité et doit donc être annulée.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 25 novembre 2020.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Aux termes des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".
7. Il ne résulte pas du motif de l'annulation de l'arrêté attaqué que le préfet de l'Essonne doit nécessairement délivrer à M. B... un titre de séjour. Les conclusions présentées à titre principal tendant à ce qu'il soit enjoint à l'autorité administrative de procéder à cette délivrance doivent par conséquent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, conformément à l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de faire droit aux conclusions présentées à titre subsidiaire et d'enjoindre au préfet de l'Essonne de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par M. B..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente de ce réexamen, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
9. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 2008581 du 1er avril 2021 et l'arrêté du préfet de l'Essonne du 25 novembre 2020 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de réexaminer la demande de titre de séjour sollicitée par M. B..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Une somme de 1 500 euros est mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
5
N° 20VE01230