Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 février 2019 et un mémoire récapitulatif enregistré le 16 juin 2020, la société Le café Jules et la société Sushi shop King Kong, représentées par Me B..., avocat, demandent à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de condamner l'EPT Plaine Commune leur verser respectivement les sommes de 450 000 euros et 506 000 euros ;
3° de mettre à la charge de l'EPT Plaine Commune le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les requérantes soutiennent que :
- le terme de l'occupation provisoire du domaine public dans le cadre de coquilles commerciales par des exploitants d'activités de restauration était expressément fixé au jour de livraison des rez-de-chaussée commerciaux de l'immeuble le Balthazar par les conventions signées entre l'EPT et ces exploitants et ce terme a été réitéré dans la promesse faite par l'EPT auprès des promoteurs du Balthazar ; l'EPT a donc commis une faute en renouvelant l'occupation temporaire au profit des sociétés FLAC et Pain délice ;
- la carence de l'EPT à mettre un terme à l'occupation sans titre du domaine public par les exploitants de restaurants au-delà de la durée des conventions après leur échéance le 5 avril 2017 est une faute de nature à engager la responsabilité de l'EPT à l'égard des exploitants régulièrement installés dans l'immeuble Balthazar ;
- il a été porté atteinte aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime ;
- le principe d'égalité devant les charges publiques a été méconnu ;
- la perte de fréquentation de leur commerce du fait des fautes commises par l'EPT est évaluée à 25 % et en application de la valeur du ticket moyen et du taux de marge moyen, le préjudice de la société le café Jules est évalué à 1 279 000 euros et celui de la société Sushi shop King Kong à 535 000 euros.
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Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,
- les observations de Me D..., substituant Me B... pour la société Le café Jules et la société Sushi shop King Kong et de Me C..., substituant Me E... pour l'EPT Plaine Commune.
Considérant ce qui suit :
1. Par deux conventions signées le 1er février 2004, la communauté d'agglomération Plaine commune a délivré aux sociétés FLAC et Pain délice une autorisation d'occupation du domaine public sur l'esplanade des droits de l'Homme à Saint-Denis pour y exploiter une activité de restauration légère d'une durée de cinq ans renouvelable à l'initiative de la communauté d'agglomération. Ces conventions ont été renouvelées le 30 mars 2009 pour une durée de cinq ans et le 30 mars 2014 pour une durée de trois ans. Les sociétés requérantes, qui exploitent une activité de restauration dans des locaux commerciaux de l'immeuble le Balthazar situé sur l'esplanade des droits de l'Homme, demandent à être indemnisées des fautes commises par la communauté d'agglomération devenu établissement public territorial (EPT) Plaine commune dans la gestion de cette portion de son domaine public.
2. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous (...) ". Aux termes de l'article R. 2122-1 du même code : " L'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut être consentie, à titre précaire et révocable, par la voie d'une décision unilatérale ou d'une convention ".
3. Il résulte de l'instruction que les conventions précitées ont prévu que les autorisations d'occupation du domaine public avaient une durée de validité de cinq ans pour les deux premières et de trois ans pour la dernière. Aucun des articles desdites convention ne prévoit que cette durée pouvait être affectée par la livraison de l'immeuble en construction le Balthazar et des espaces commerciaux qui y étaient prévus. Par suite, les sociétés le café Jules et Sushi shop King Kong ne sont pas fondés à soutenir que l'occupation temporaire du domaine publique autorisée par les conventions précitées devait cesser au jour de la livraison de l'immeuble le Balthazar et des espaces commerciaux qu'il abrite.
4. L'autorité chargée de la gestion du domaine public peut autoriser une personne privée à occuper une dépendance de ce domaine en vue d'y exercer une activité économique, à la condition que cette occupation soit compatible avec l'affectation et la conservation de ce domaine. La décision de délivrer ou non une telle autorisation, que l'administration n'est jamais tenue d'accorder, n'est pas susceptible, par elle-même, de porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, dont le respect implique, d'une part, que les personnes publiques n'apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi et, d'autre part, qu'elles ne puissent prendre elles-mêmes en charge une activité économique sans justifier d'un intérêt public. La personne publique ne peut toutefois délivrer légalement une telle autorisation lorsque sa décision aurait pour effet de méconnaître le droit de la concurrence, notamment en plaçant automatiquement l'occupant en situation d'abuser d'une position dominante, contrairement aux dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce. Les sociétés requérantes ne peuvent, dès lors, soutenir valablement que les autorisations renouvelées d'occupation du domaine publique délivrées aux sociétés FLAC et Pain délice, du fait de l'occupation d'une situation privilégiée sur l'esplanade des droits de l'homme et du caractère modéré des redevances mises à leur charge, auraient mis les sociétés FLAC et Pain délice en situation d'abuser d'une position dominante.
5. Les sociétés requérantes ne démontrent pas davantage que le renouvellement des autorisations d'occuper le domaine public accordé aux sociétés FLAC et Pain délice aurait porté atteinte à l'égalité des citoyens devant les charges publiques.
6. Le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit communautaire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de confiance légitime est inopérant.
7. Aucune des pièces du dossier ne permet d'attester de promesses faites par l'EPT Plaine commune aux sociétés requérantes ou aux promoteurs de l'immeuble le Balthazar de mettre fin aux autorisations d'occupation du domaine publique accordées aux sociétés FLAC et Pain délice à la date de livraison des espaces commerciaux de l'immeuble. Par suite, la responsabilité de l'EPT à raison de promesses non tenues ne peut être engagée.
8. Les autorités chargées de la police et de la conservation du domaine public sont tenues, par application des principes régissant la domanialité publique, de veiller à son utilisation normale et d'exercer à cet effet les pouvoirs qu'elles tiennent de la législation en vigueur, y compris celui d'engager des poursuites pour faire cesser les occupations sans titre. Il résulte de l'instruction que le président de l'EPT Plaine commune a adressé aux sociétés FLAC et Pain délice dès le 7 avril 2017 un courrier leur indiquant l'obligation pour elles de quitter le domaine public. Une mise en demeure de cesser l'occupation irrégulière du domaine publique leur a été adressée le 20 mars 2018 avant la saisine du juge administratif le 3 avril 2018. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la responsabilité de l'EPT serait engagée à raison d'une carence à faire cesser l'occupation irrégulière de son domaine public.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Le café Jules et la société Sushi shop King Kong ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge des sociétés Le café Jules et Sushi shop King Kong prises ensemble la somme de 2 000 euros à verser à l'EPT Plaine commune sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Le café Jules et de la société Sushi shop King Kong est rejetée.
Article 2 : Les sociétés Le café Jules et Sushi shop King Kong verseront à l'EPT Plaine commune la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 19VE00725