Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 octobre 2019, Mme B..., représentée par Me Verallo-Borivant, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler cet arrêté ;
3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;
4° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation par l'avocat à la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- il est insuffisamment motivé à défaut d'avoir pris en compte de très nombreux éléments ;
- le Tribunal administratif a commis une erreur de droit en omettant de procéder à une appréciation globale de sa situation ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- le Tribunal n'a pas correctement apprécié la régularité de son entrée en France, sa qualité d'étudiante, sa situation professionnelle, celle de son mari, la situation financière du couple, le respect de leurs obligations fiscales, sociales et de loyers ;
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé et procède d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale, en l'absence de menace pour l'ordre public et de méconnaissance de l'article L. 5221-5 du code du travail, au sens de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cet arrêté a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires complémentaires enregistrés les 1er et 11 décembre 2020, Mme B..., représentée par Me Langlois, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler cet arrêté ;
3° d'enjoindre, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;
4° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation par l'avocat à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
Sur la légalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas donné lieu à un examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'erreurs de droit et de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 6, 5) de l'accord franco-algérien ;
- elle a été édictée en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été adoptée en méconnaissance de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
- elle procède d'une erreur de droit, le préfet s'étant estimé à tort en situation de compétence liée ;
- elle a été prise en violation de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elle présente un défaut de motivation ;
- elle a été adoptée en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est affectée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle a été prise en violation de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur la légalité de la décision déterminant le pays de destination :
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elle a été adoptée en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en violation de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne, relève appel du jugement n° 1903841 du 20 juin 2019 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 4 février 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte du jugement n° 1903841 du 20 juin 2019 du Tribunal administratif de Montreuil que les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à tous les arguments avancés par Mme B..., ont répondu à l'ensemble des moyens qu'elle invoquait. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
3. Si Mme B... entend soutenir que le Tribunal administratif a commis une erreur de droit en omettant de procéder à une appréciation globale de sa situation, un tel moyen relève du bien-fondé du jugement et n'en affecte pas la régularité.
Sur le bien-fondé du jugement contesté :
4. L'arrêté du 4 février 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est ainsi suffisamment motivé, en toutes ses décisions distinctes, même s'il ne mentionne pas l'ensemble des éléments dont la requérante entend se prévaloir.
5. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis a procédé à un examen particulier de la situation que Mme B... lui a exposée au soutien de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour en France.
6. Dans la mesure où, en ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Toutefois, comme l'a à bon droit rappelé le Tribunal administratif de Montreuil, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
7. En l'espèce, il ressort du point 7 du jugement attaqué que les premiers juges ont, après avoir mentionné les conditions d'entrée en France de Mme B..., les études dentaires que celle-ci avaient suivies en Algérie et celles qu'elle entendait poursuivre en France et la situation professionnelle évolutive de son mari, estimé qu'en refusant, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de Mme B... sur le territoire français, de lui attribuer un certificat de résidence algérien dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a commis ni erreur de fait ni erreur manifeste d'appréciation. Si l'intéressée soutient qu'elle est entrée régulièrement en France sous couvert d'un visa de court séjour et produit en appel de nouvelles pièces en vue d'attester de la situation financière du couple et du respect de leurs obligations fiscales, sociales et de loyers, elle n'apporte ainsi aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée à bon droit par le Tribunal administratif de Montreuil sur son argumentation de première instance.
8. Mme B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas fait application en prenant, au motif que l'intéressée s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-1 du même code.
9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...). ".
10. Si Mme B..., née le 4 mai 1990, se prévaut de ce qu'elle est régulièrement entrée en France le 10 mars 2017, de ce qu'elle y vit avec son mari, ressortissant algérien qu'elle a épousé le 28 janvier 2016 en Algérie et qui détient un certificat de résidence algérien de dix ans valable du 6 février 2010 au 5 février 2020 et qu'ils sont parents d'un enfant né le 26 décembre 2017 en France, elle ne justifie pas de liens familiaux intenses, stables et anciens en France, ni de l'impossibilité à la poursuite de sa vie personnelle, familiale et professionnelle en Algérie d'où son époux et elle sont originaires. Dès lors, compte tenu des conditions du séjour en France de l'intéressée, et dans la mesure où le droit au respect de la vie privée et familiale ne saurait s'interpréter comme comportant pour un État l'obligation générale de respecter le choix, par les couples mariés, de leur pays de résidence, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B... et en décidant son éloignement le 4 février 2019, n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été édicté en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, ainsi que celui, en tout état de cause, de la méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Pour les mêmes motifs, l'arrêté préfectoral litigieux n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cet arrêté sur la situation de l'intéressée.
11. Aux termes des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
12. L'arrêté du 4 février 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite n'a ni pour objet ni pour effet de séparer l'intéressée de son enfant, né le 26 décembre 2017 en France, ni celui-ci de son père algérien. Dès lors, ces décisions distinctes ne portent pas atteinte à l'intérêt supérieur protégé par les stipulations, mentionnées au point 11, de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas exercé son pouvoir de régularisation avant de rejeter la demande de certificat de résidence algérien présentée par Mme B... ou se serait cru placé en situation de compétence liée pour décider l'éloignement de l'intéressée après avoir refusé de l'admettre au séjour en France. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
14. En l'absence d'illégalité établie des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré du défaut de base légale des décisions distinctes portant obligation de quitter le territoire français, fixation du délai de départ volontaire et détermination du pays de destination doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête. Par suite, ses conclusions en annulation doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
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N° 19VE03651