Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 octobre 2017, et un mémoire, enregistré le 28 avril 2018, M. A...C..., représenté par Me Christophel, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler les décisions du 22 août 2017 portant obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination ;
3° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, Me Christophel renonçant à percevoir la somme allouée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- le signataire de cette décision n'a pas reçu délégations de signature et de compétence ; la charge de la preuve repose sur l'administration ;
- cette décision est insuffisamment motivée en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen approfondi ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'intensité de sa vie privée et familiale en France, de sa situation régulière jusqu'en 2003 et en l'absence de toute attache dans son pays d'origine ; en se référant à la consultation du fichier automatisé des empreintes digitales, la préfecture de l'Essonne méconnait le principe de présomption d'innocence stipulé par l'article 6.2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- un refus de titre constituerait une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Sur la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision d'interdiction de retour pour une durée de trois ans :
- cette décision a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée en droit en l'absence de visa de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en fait sur ses deux enfants ;
- elle est entachée d'un vice de procédure par l'emploi d'une notion de " signalements " vague et sans aucun élément produit en ce sens ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Geffroy,
- et les observations de Me Christophel, avocat de M. A...C....
1. Considérant que M. A...C..., ressortissant de République démocratique du Congo né le 10 mars 1980, relève appel du jugement du 31 août 2017 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 août 2017 par lequel la préfète de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant, en premier lieu, que l'article 1er de l'arrêté de la préfète de l'Essonne
n° 2016-PREF-MCP-068 du 6 septembre 2016, régulièrement publié le 9 septembre 2016 au recueil des actes administratifs n° 088 de la préfecture de l'Essonne, donne délégation à Mme B..., directrice de l'immigration et de l'intégration, " pour signer, en toutes matières ressortissant à ses attributions, tous arrêtés, actes, décisions (...) pièces et correspondances relevant du ministère de l'intérieur (...) ", à l'exception des arrêtés à caractères réglementaires et de certains actes sans rapport avec le séjour et l'éloignement des ressortissants étrangers ; qu'eu égard au caractère réglementaire de cet acte, le moyen tiré de ce que le préfet n'a pas justifié de son existence en le versant au dossier est inopérant ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour manque en fait et doit être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du I de l'article
L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...)7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;
4. Considérant que la décision par laquelle le préfet de l'Essonne a fait obligation à M. A... C...de quitter le territoire français vise les dispositions de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique notamment que l'intéressé s'est vu refuser le renouvellement de son titre de séjour le 21 janvier 2003, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour et qu'ayant été condamné le 30 juin 2017 par le Tribunal correctionnel de Paris à quatre mois d'emprisonnement pour détention frauduleuse de faux document administratif et fourniture d'identité imaginaire, son comportement constitue un trouble à l'ordre public ; qu'ainsi, la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet s'est livré à un examen particulier de la situation de M. A... C... ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que si l'article 6 alinéa 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que " toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ", la décision portant obligation de quitter le territoire n'a pas méconnu, en tout état de cause, cette stipulation, laquelle n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire à l'administration d'édicter une mesure administrative au vu de faits, y compris ceux signalés par le fichier automatisé d'empreintes digitales, dont il lui revient d'apprécier la réalité ; que, par suite, M. A... C...ne peut invoquer utilement la violation de l'article 6 alinéa 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
7. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
8. Considérant que M. A... C...se prévaut de son séjour sur le territoire français depuis 2000 et de ce qu'il est le père de deux enfants nés en France et élève l'enfant né le 12 janvier 2006 avec une compagne de nationalité française ; que si M. A... C...a produit un justificatif du 15 janvier 2018 de la scolarité de son fils portant la même adresse que celle de l'avis d'imposition sur le revenu de sa compagne de nationalité française, ainsi qu'une attestation du 24 avril 2018 de cette dernière sur une vie maritale depuis juin 2016 ne comportant toutefois aucune mention de l'enfant et trois attestations de proches rédigées en termes convenus sur ses liens avec l'enfant et sans indiquer aucune période correspondante, il ressort cependant des pièces du dossier que l'intéressé a déclaré le 21 juillet 2017 à la police judiciaire que ses deux enfants de nationalité française étaient élevés chacun par leur mère respective ; qu'eu égard à des déclarations contradictoires notamment sur le lieu de résidence de ses enfants, les documents produits sont insuffisants à établir la réalité de ses liens privés et familiaux en France notamment avec ses enfants qui seraient de nationalité française ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué, en l'obligeant à quitter le territoire, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été édictée en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
9. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... C..., qui ne produit que des documents dépourvus de force probante, entretiendrait des liens avec ses deux enfants ni même qu'il participerait à leur entretien ou à leur éducation; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées ne peut être accueilli ;
10. Considérant, en sixième lieu, que, pour les mêmes motifs, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ;
Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
11. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente (...)" ;
12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant utilise sept alias, n'a pas de passeport valide et s'est soustrait à l'exécution d'une première mesure d'éloignement prise à son encontre le 15 février 2005 ; que, par suite, et en l'absence de circonstances particulières liées à la situation administrative et personnelle de l'intéressé, le préfet de l'Essonne n'a pas méconnu les dispositions précitées en refusant d'accorder à M. A... C...un délai de départ volontaire ;
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
13. Considérant qu'aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...)/Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. /(...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) " ;
14. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué mentionne qu'en application " du III de l'article L. 511-1 une interdiction de retour peut-être prononcée pour une durée allant jusqu'à trois ans " ; que cette interdiction est motivée par les circonstances que l'intéressé n'apporte aucun élément sur la communauté de vie avec sa compagne, ne fournit aucun justificatif sur sa participation à l'éducation de ses deux enfants, a utilisé des alias et qu'il s'est soustrait à une précédente reconduite à la frontière ; qu'elle mentionne en outre que la présence de l'intéressé sur le territoire français constitue un trouble pour l'ordre public en raison de nombreux signalements notamment pour escroqueries ou faux administratifs ; qu'ainsi la décision attaquée indique les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ;
15. Considérant, en deuxième lieu, qu'à supposer que M. A... C...conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés, à savoir des faits de conduite d'un véhicule sans permis, de détention de faux document administratif, de rébellion, de refus d'obtempérer et d'escroquerie, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le préfet produit un rapport de consultation du fichier automatisé des empreintes digitales documentant par la concordance des empreintes chaque signalement de comportement délictueux et, d'autre part, que
M. A... C...a été condamné à une peine de quatre de mois de prison pour détention frauduleuse de faux documents administratifs ; qu'eu égard à ces nombreux faits et alors que l'intéressé est obligé de quitter sans délai le territoire français et ne justifie, par ailleurs, d'aucune circonstance humanitaire, le préfet, n'a pas commis de vice de procédure ni d'erreur d'appréciation en estimant que le comportement de M. A... C..., qui constitue une menace pour l'ordre public, pouvait légalement être assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français de la durée maximale de trois ans ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que doivent également être rejetées, en conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...C...est rejetée.
N° 17VE03018 2