Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 mars 2020, M. B..., représenté par Me Giron, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour temporaire d'un an, sous astreinte de 150 euros par jour de retard;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- la décision de refus de séjour a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 6-5, 6-7, 7b et 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Orio a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien, né le 6 juin 1965, a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par un arrêté du 16 mars 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 1803652 du 17 septembre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté pour défaut d'examen particulier de la situation de requérant et a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. B..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par un nouvel arrêté du 2 août 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a indiqué, après avoir visé les 3°, 5° et 8° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. B... pourrait être reconduit d'office à destination du pays dont il a la nationalité. M. B... fait régulièrement appel du jugement du 13 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. En premier lieu, par un arrêté n°2019-2484 du 11 septembre 2019, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du 16 septembre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné à Mme C... A..., adjointe à la cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux, signataire de l'arrêté attaqué, délégation à effet de signer, notamment, les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté.
3. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait à l'origine de la décision. Il mentionne, en particulier, que M. B... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour pour raisons médicales et que l'avis de l'OFII indique que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier de soins appropriés en Algérie, pays vers lequel il peut voyager sans risque. Dès lors, le maintien en France de l'étranger ne peut se justifier au regard des dispositions du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par ailleurs, l'arrêté indique également que son épouse s'est vu refuser le renouvellement de son titre de séjour pour raisons de santé, que le fils majeur du couple réside en Algérie et que M. B... travaille de façon non déclarée, et, dès lors, que la mesure ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale. Il suit de là que les moyens tirés du défaut d'examen particulier de sa situation et de l'insuffisance de motivation ne peuvent qu'être écartés.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. Le certificat de résidence délivré au titre du présent article donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. (...) ". Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue du 3°de l'article 13 de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
5. Il résulte des stipulations et dispositions citées au point précédent qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mentionné au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire.
6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un accès effectif au traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
7. Pour rejeter la demande de M. B..., le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé notamment sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 11 avril 2019 selon lequel, si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut serait susceptible d'entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait néanmoins bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. A l'appui de sa contestation, M. B... produit un certificat médical daté du 23 septembre 2015 attestant de la gravité de son état de santé et indiquant en particulier que " (...) L'accès de la personne au traitement ne peut être garanti dans son pays d'origine ", un certificat médical du 20 septembre 2019 attestant qu'il nécessite une prise en charge médicale et un suivi régulier à vie et un rapport de l'OMS qui indique que l'Algérie souffre de réelles carences en matière d'accès aux soins. Toutefois, l'ensemble de ces documents ne permettent pas de remettre en cause le bien-fondé de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en ce qui concerne la disponibilité du traitement nécessaire à M. B... pour la prise en charge de sa pathologie. Par suite, la décision querellée n'a pas méconnu les dispositions et stipulations précitées.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien : " (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi [ministre chargé des travailleurs immigrés], un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié ". Par ailleurs aux termes de l'article 7bis : " Les ressortissants algériens visés à l'article 7 peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence dont ils peuvent faire état, parmi lesquels les conditions de leur activité professionnelle et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. (...) ".
9. Au soutien de son moyen tiré de la méconnaissance des articles 7b et 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, M. B... fait valoir qu'il est entré en France depuis 2015, où il réside depuis 5 ans de manière ininterrompue, et qu'il a été embauché par un contrat à durée indéterminée à temps complet daté du 31 avril 2019 pour un salaire mensuel de 1565,55 euros, en fournissant les fiches de paie afférentes à ce contrat de travail entre juin 2019 et janvier 2020. Toutefois, à la date de la décision en litige, son embauche était récente et les avis d'imposition produits par l'intéressé pour les années 2017 et 2018 faisaient état d'une absence de revenus de sa part et de très faibles revenus de son conjoint. Dès lors, quand bien même l'intéressé produirait six mois de fiches de paie entre juin 2019 et janvier 2020, cette seule circonstance n'est pas de nature à établir qu'il pourrait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations précitées de l'accord franco-algérien.
10. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Par ailleurs, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".
11. M. B..., né en 1965 en Algérie et entré en France en 2015, fait valoir qu'il a établi sa résidence en France depuis cinq ans, pays où il suit son traitement et où il élève un enfant scolarisé, dont son épouse à la charge en vertu d'un jugement de kafala, et qu'il est dépourvu d'attaches familiales en Algérie. Il n'est toutefois pas contesté que, selon les termes de l'arrêté en litige, son épouse, qui seule à la charge de l'enfant, et dont aucun certificat de scolarité n'est présenté pour les années 2016-2017 et 2017-2018, a fait l'objet d'un refus de renouvellement de son titre de séjour. Quand bien même le couple serait dépourvu d'un enfant majeur en Algérie, au regard de ce qui précède et de la circonstance que rien ne s'oppose à la prolongation de la vie familiale en Algérie où les intéressés ont vécu au moins jusqu'à leur cinquante ans, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
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N° 20VE00931