Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 avril 2017 et 19 janvier 2018, la SAS LFF, représentée par Me B...et MeA..., avocats, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la restitution sollicitée ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;
La SAS LFF soutient que :
- le tribunal, qui n'a pas procédé à une analyse correcte des dispositions en vigueur, s'est borné à se prononcer sur l'assiette de la taxe sur les salaires mais n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'à défaut d'un contrat de travail, les rémunérations des dirigeants non salariés n'entraient pas dans le champ d'application de cette taxe ; en outre, il n'a pas motivé le recours aux travaux parlementaires en vue d'interpréter l'article 231 du code général des impôts ;
- il ressort des dispositions de l'article 231 du code général des impôts, applicables à la période en litige, et qui ne recèlent aucune ambiguïté justifiant un recours aux travaux parlementaires dont elles sont issues, que seules sont soumises à la taxe sur les salaires les rémunérations versées aux salariés ; par suite, et dès lors qu'elle ne peut être regardée comme l'employeur du président de son directoire au sens du droit du travail, les rémunérations versées à ce dernier échappent au champ d'application de la taxe, peu importe que l'assiette de cette dernière soit alignée sur celles du régime général des cotisations sociales ou de la contribution sociale généralisée ;
- sur ce point, elle est fondée à se prévaloir, en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2000-1352 du 30 décembre 2000 de finances pour 2001 ;
- la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Huon,
- et les conclusions de M. Skzryerbak, rapporteur public.
1. Considérant que la SAS LABEYRIE FINE FOODS (LFF) relève appel du jugement du 2 mars 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes tendant à la restitution des cotisations de taxe sur les salaires qu'elle a acquittées au titre des années 2012 à 2014 à raison des rémunérations versées au président de son directoire ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administartive " Les jugements sont motivés " ;
3. Considérant, d'une part, qu'en se référant, comme d'ailleurs l'y invitait l'administration, aux travaux parlementaires dont sont issues les dispositions législatives applicables au litige, les premiers juges ont suffisamment motivé leur interprétation desdites dispositions ; qu'en revanche, le Tribunal, qui a ainsi nécessairement estimé que ces dispositions n'étaient pas suffisamment claires et s'est borné à exercer son office, n'était pas tenu d'expliciter les raisons l'ayant conduit à recourir aux travaux parlementaires ; que le jugement attaqué n'est donc pas entaché d'insuffisance de motivation de ce chef ;
4. Considérant, d'autre part, que le litige soulevé par la SAS LFF a trait aux rémunérations devant être ou non exclues de l'assiette de la taxe sur les salaires et non au champ d'application de cette taxe ; que, dès lors, le Tribunal n'avait pas à répondre à l'argumentation, ainsi inopérante, présentée sur ce deuxième point ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2012 : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale (...), et à la charge des personnes ou organismes (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. (...) " ; qu'aux termes de ce même article, dans sa rédaction applicable aux années 2013 et 2014 : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés, à l'exception de celles correspondant aux prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur, sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant évalué selon les règles prévues à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, sans qu'il soit toutefois fait application du deuxième alinéa du I du même article (...) " ; que l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale dispose : " I.- La contribution est assise sur le montant brut des traitements, indemnités, émoluments, salaires, allocations, pensions y compris les majorations et bonifications pour enfants, des rentes viagères autres que celles visées au 6 de l'article 158 du code général des impôts et des revenus tirés des activités exercées par les personnes mentionnées aux articles L. 311-2 et L. 311-3. (...) " ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'en présence d'une disposition législative obscure, ambigüe ou insuffisamment précise, il appartient au juge, auquel incombe le règlement du litige dont il est saisi, de l'interpréter, au besoin en recourant aux travaux préparatoires à l'adoption de la loi dont elle est issue ;
7. Considérant, en l'espèce, qu'alors que les dispositions de l'article 231 du code général des impôts n'excluent pas expressément les rémunérations des dirigeants de sociétés de l'assiette de la taxe sur les salaires, elles recèlent, notamment en raison de leurs rédactions successives, une obscurité sur ce point justifiant qu'il soit recouru, pour apprécier leur portée, aux travaux préparatoires de la loi dont elles sont issues ;
8. Considérant qu'il résulte des travaux parlementaires de l'article 10 de la loi du 30 décembre 2000 de finances pour 2001 et de l'article 13 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, dont sont respectivement issues les dispositions rappelées ci-dessus de l'article 231 du code général des impôts, qu'en alignant l'assiette de la taxe sur les salaires sur celle des cotisations de sécurité sociale puis sur celle de la contribution sociale généralisée, le législateur a entendu y inclure les rémunérations des dirigeants de sociétés visés à l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale et notamment celles des présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées ;
9. Considérant, par suite, que la SAS LFF ne peut faire valoir que les rémunérations versées à ses mandataires sociaux devraient être exclues de l'assiette de la taxe sur les salaires, et encore moins de son champ d'application, au motif que les intéressés n'auraient pas la qualité de salarié au sens du droit du travail ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...). " ;
11. Considérant que la SAS LFF n'est pas fondée à se prévaloir, en vertu de ces dispositions, des instructions qu'elle invoque, dès lors qu'elle ne conteste pas un rehaussement d'imposition et que, par ailleurs, elle a acquitté spontanément les impositions dont elle demande la restitution sans faire application de l'interprétation de la loi fiscale qui, selon elle, serait issue de ces instructions et qui serait favorable à sa thèse ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS LFF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS LABEYRIE FINE FOODS est rejetée.
4
N° 17VE01291