Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2017, et un mémoire enregistré le 16 janvier 2018, la société MIZUHO BANK LTD, représentée par Me Ugolini, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3° d'ordonner le remboursement de ces impositions assorti des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;
4° de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- dès lors qu'un établissement stable est un redevable de l'impôt, et conformément au principe de territorialité posé par l'article 209 du code général des impôts, le chiffre d'affaires à retenir pour déterminer l'assujettissement ou non à la contribution exceptionnelle visée par l'article 235 ter ZAA de ce code ne peut être que celui attribué à l'établissement stable pour les besoins de l'impôt sur les sociétés français ; c'est d'ailleurs ce principe qu'a retenu le Conseil d'État en matière d'imposition forfaitaire annuelle ;
- la position de l'administration est contraire à la clause de non-discrimination figurant à l'article 24 de la convention fiscale franco-japonaise ;
- les dispositions en cause introduisent également une différence de traitement entre les sociétés étrangères selon qu'elles disposent d'une filiale ou d'une succursale, laquelle est contraire aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 14 de ladite convention.
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- la convention signée le 3 mars 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Japon en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli,
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
1. Considérant que la société de droit japonais MIZUHO BANK LTD, qui exerce une activité bancaire, a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015 à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés en application de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts ; qu'elle relève appel du jugement du 4 juillet 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition à concurrence d'une somme totale de 614 096 euros ;
Sur les conclusions à fins de décharge :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts : " Les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables (...) / Le chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa du présent I s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant, et pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A ou à l'article 223 A bis, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe " ; qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article 209 du même code : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions " ; qu'aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-japonaise du 3 mars 1995 susvisée : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable (...) " ;
3. Considérant qu'en application de l'article 235 ter ZAA précité, l'assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés repose sur la qualité de redevable de l'impôt sur les sociétés et sur la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel d'au moins
250 millions d'euros ; que si la territorialité de l'impôt sur les sociétés résultant de l'article 209 du code général des impôts limite les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés à ceux réalisés en France, sous réserve des stipulations des conventions internationales relatives aux doubles impositions, elle n'a ni pour objet ni pour effet de limiter le chiffre d'affaires pris en compte pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle à celui réalisé en France ; qu'il en résulte que pour l'application de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, l'administration était fondée à retenir le chiffre d'affaires mondial réalisé par la société MIZUHO BANK Ltd ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-discrimination prévu au paragraphe 2 de l'article 24 de la convention fiscale franco-japonaise :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la convention fiscale franco-japonaise susvisée : " (...) 2. L'imposition d'un établissement stable qu'une entreprise d'un Etat contractant a dans l'autre Etat contractant n'est pas établie dans cet autre Etat d'une façon moins favorable que l'imposition des entreprises de cet autre Etat qui exercent la même activité. (...) " ;
5. Considérant d'une part, qu'au regard de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, une société établie au Japon disposant d'un établissement stable en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant un établissement stable en France ou à l'étranger, et notamment au Japon, dès lors que, dans l'une ou l'autre de ces situations, le seuil d'assujettissement à cette contribution s'apprécie au regard du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise et que, par ailleurs, seul le bénéfice réalisé en France est retenu pour l'assiette de l'impôt ;
6. Considérant, d'autre part, que la société requérante ne saurait utilement soutenir qu'elle se trouve placée dans une situation plus défavorable que celle qui serait la sienne si son activité était exercée en France par l'intermédiaire d'une filiale, et non d'une succursale, dès lors que le principe de non-discrimination n'implique pas que les différentes structures susceptibles d'être choisies par les opérateurs pour exercer leurs activités économiques soient soumises à un seul et même traitement fiscal alors, de surcroît, que la filiale et la succursale françaises d'une société résidente ne sont pas elles-mêmes l'objet d'un traitement similaire ;
7. Considérant, par suite, que le moyen tiré de ce que les modalités d'application de la contribution exceptionnelle, telles que précisées ci-dessus, méconnaîtraient la clause de non-discrimination prévue à l'article 24 de la convention fiscale franco-japonaise ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non discrimination prévu à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette même convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens (...) " ; qu'il en résulte qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations de l'article 14 de la convention, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ;
9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la différence de chiffres d'affaires à prendre en compte selon que la société étrangère exerce son activité en France par l'intermédiaire d'une succursale ou d'une filiale est la conséquence nécessaire de l'absence de personnalité propre de la succursale et qu'elle ne peut être regardée comme étant, en elle-même, à l'origine d'une discrimination prohibée ; que dès lors, le moyen tiré de ce qu'il existerait, de ce fait, une différence de traitement à l'origine d'une discrimination prohibée par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société MIZUHO BANK LTD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant au versement des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société MIZUHO BANK LTD au titre des frais exposés par elle et non comprise dans les dépens ;
Sur les dépens :
13. Considérant qu'en l'absence de dépens, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société MIZUHO BANK LTD est rejetée.
N° 17VE02892 2