Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 mai 2019, le préfet du Val-d'Oise demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige est suffisamment motivé dès lors que, s'agissant de tirer les conséquences d'un refus d'admission au séjour au titre de l'asile, il n'avait pas à examiner la situation de M. A... au regard de sa vie privée et familiale ;
- la demande d'asile de M. A... ayant été rejetée, ce dernier n'avait plus le droit de se maintenir sur le territoire français, conformément aux dispositions de l'article 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant népalais, né le 4 Janvier 1971 à Kaski (Népal), a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 13 juillet 2017. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) le 29 décembre 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 16 novembre 2018. Par la requête susvisée, le préfet du Val-d'Oise fait appel du jugement du 29 avril 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 18 février 2019 faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de l'arrêté en litige :
" I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ". L'article L. 743-1 du même code dispose : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. (...) ".
3. Pour annuler l'arrêté du 18 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a considéré que cette décision ne comporte pas l'énoncé des considérations de fait et de droit qui la fondent et doit être regardée comme insuffisamment motivée en raison de l'absence de mention de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de tout élément de fait sur la situation personnelle et familiale de M. A..., sur l'ancienneté de ses liens et la durée de son séjour en France. Cependant, l'arrêté en litige vise notamment le 6° du I de l'article L. 5111 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que la demande d'asile de M. A... a fait l'objet d'un refus de l'OFPRA et de la CNDA, respectivement les 29 décembre 2017 et 16 novembre 2018. Il comporte ainsi l'énoncé des éléments de fait et de droit qui la fondent. Dès lors que l'autorité préfectorale n'était pas tenue de viser l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel, s'il peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision en litige n'en constitue toutefois pas le fondement légal, et alors qu'il ne ressort pas du dossier qu'auraient été portés à sa connaissance des éléments sur ce point, notamment le certificat médical daté du 1er février 2019 et l'attestation du centre municipal de santé de Malakoff datée du 26 août 2020 dont il est fait état, l'absence de ce visa et de référence à la situation personnelle et familiale de M. A... est, en l'espèce, sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation de l'arrêté du 18 février 2019.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Val-d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a retenu l'existence d'une insuffisance de motivation pour annuler l'arrêté du 18 février 2019.
5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
En ce qui concerne la légalité externe :
6. En premier lieu, par un arrêté n° 18-060 du 27 septembre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le Val-d'Oise du 28 septembre 2018, le chef du bureau de l'intégration et des naturalisations, signataire de l'arrêté en litige, avait reçu délégation à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement du directeur des migrations et de l'intégration, notamment, les décisions portant obligation de quitter le territoire français avec fixation ou non d'un délai de départ volontaire et les décisions fixant le pays de destination. En outre, il appartient à la partie qui conteste la qualité de délégataire pour signer la décision attaquée d'établir que l'autorité délégante n'était pas empêchée et il ne ressort pas des pièces du dossier que celle-ci n'était pas absente ou empêchée. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige manque en fait et doit être écarté.
7. En second lieu, l'arrêté en litige vise notamment l'article L. 5132 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et indique que M. A... pourra être reconduit d'office à la frontière à destination du pays dont il a la nationalité sans violer les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait remis à l'autorité préfectorale d'autres éléments que ceux qu'il a pu faire valoir dans le cadre de la procédure d'examen de sa demande d'asile, la procédure de réexamen de cette demande n'ayant été engagée que le 1er septembre 2020. Dès lors la décision fixant le pays de destination, qui comporte l'énoncé des éléments de fait et de droit qui la fondent, est suffisamment motivée. Par suite, le moyen doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne de la décision portant obligation de quitter le territoire :
8. En premier lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision en litige que le préfet du Val-d'Oise, qui a fait état de l'ensemble des éléments relatifs à la situation de M. A... qui avaient été effectivement portés à sa connaissance, aurait estimé qu'il était en situation de compétence liée pour obliger l'intéressé à quitter le territoire français. Les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation doivent, par suite, être écartés.
9. En second lieu, M. A... soutient qu'il ne pouvait faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire dans la mesure où il pouvait prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour au regard de sa situation personnelle et médicale. Au soutien de ses dires, il produit un certificat médical d'un médecin de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, daté du 1er février 2019, lequel indique que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que les soins ne peuvent être dispensés dans le pays d'origine de l'intéressé. Cependant, outre qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du
Val-d'Oise aurait eu connaissance de ces éléments avant de prendre sa décision, ni d'ailleurs qu'une demande de titre de séjour pour raisons de santé aurait été déposée et aurait été en cours d'instruction, l'attestation du centre municipal de santé de Malakoff, datée quant à elle du
26 août 2020 précise seulement que l'état de M. A... nécessite des " soins spécialisés de longue durée ". Dès lors, l'intéressé ne démontre pas, par les seuls éléments produits, qu'il remplissait, à la date de la décision attaquée, les conditions pour pouvoir prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour, soit au titre de la vie privée et familiale, soit pour motif médical quand bien même il n'avait pas formulé de demande en ce sens. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
10. En dernier lieu, en l'absence de tout élément relatif à la vie familiale de M. A..., qui a déclaré être célibataire et sans enfant, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit également être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne de la décision fixant le pays de destination :
11. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de M. A... a été rejetée par des décisions rendues successivement par l'OFPRA le 29 décembre 2017 et par la CNDA le 16 novembre 2018. L'intéressé ne verse au dossier comme nouvel élément qu'un récépissé de demande de réexamen, laquelle a été enregistrée sous procédure accélérée le 1er septembre 2020. Ce seul document, au demeurant postérieur à la décision du préfet du Val-d'Oise, n'est pas suffisant, à lui seul, pour établir que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Val-d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 18 février 2019 portant obligation de quitter le territoire de M. A... dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination et a mis à la charge de l'État le versement à M. A... de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées en appel par
M. A... au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1903156 du 29 avril 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de
Cergy-Pontoise et ses conclusions d'appel présentées au titre de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991 sont rejetées.
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N° 19VE01932