Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de la situation de M. A... était fondé ; il a en effet examiné la situation de l'intéressé au regard de sa situation médicale, au regard de sa situation personnelle, mais aussi, et conformément à sa demande formulée par courrier du 24 avril 2019, au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; aucun élément en possession de l'administration ne permet de tenir pour fondées les allégations du requérant, qui ne justifie ni de son passage en préfecture à la date indiquée, ni du dépôt du formulaire de demande d'autorisation de travail qu'il prétend avoir transmis, ni même n'établit le refus qui lui aurait été opposé au guichet concernant l'enregistrement d'autres éléments au dossier ; en tout état de cause, la seule remise d'une autorisation de travail ne pouvait suffire à accueillir favorablement sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, et il aurait pris la même décision ;
- le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;
- la décision attaquée énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est suffisamment motivée ;
- l'intéressé ne démontre pas l'existence de liens personnels et familiaux en France, ni de liens professionnels et sociaux ;
- en estimant que la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. A... ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas davantage au regard de motifs exceptionnels, il n'a commis ni erreur manifeste d'appréciation, ni erreur de droit, dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- n'ayant pas pris les dispositions nécessaires pour compléter sa demande du
24 avril 2019, il ne saurait se prévaloir d'une erreur de fait ;
- la décision de refus de séjour étant légale, la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi sont également légales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi ne portent pas une atteinte manifeste au droit de l'intéressé de mener une vie privée et familiale normale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 31 décembre 1982, a obtenu un titre de séjour pour soins valable du 8 avril 2015 au 7 octobre 2015, dont il a sollicité le renouvellement le
7 juin 2017 sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un jugement n° 1801414 en date du 12 juin 2018, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 15 janvier 2018, par lequel le préfet de la
Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit, et a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois. Dans le cadre de ce réexamen, ce même préfet lui a, à nouveau, par un arrêté du 2 juillet 2019 refusé le renouvellement de son titre de séjour, fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Le préfet de la
Seine-Saint-Denis fait appel du jugement n° 1908156 du 19 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté en litige, les premiers juges ont estimé que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'avait pas procédé à un examen sérieux de la situation de
M. A..., faute pour l'autorité administrative, qui s'est notamment fondée sur l'absence de promesse d'embauche récente, ou de tout autre document attestant d'une intégration professionnelle en France, d'avoir pris en compte et enregistré des documents complémentaires ayant trait à son activité professionnelle. Ils ont ainsi relevé que si l'intéressé n'a pas fait état d'éléments nouveaux lors du rendez-vous de réexamen de sa demande du 9 juillet 2018, il s'est présenté en préfecture le 15 novembre 2018 afin de joindre de nouveaux documents à son dossier, permettant l'examen de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment un formulaire de demande d'autorisation de travail rempli et signé par son employeur, sans toutefois pouvoir faire enregistrer les autres documents en sa possession. Toutefois, et ainsi que le fait valoir le préfet, M. A... ne justifie ni de son passage en préfecture à la date indiquée, ni du dépôt du formulaire de demande d'autorisation de travail qu'il prétend avoir transmis, ni n'établit le refus qui lui aurait été opposé au guichet concernant l'enregistrement d'autres éléments au dossier, ces faits ne résultant que des affirmations de son conseil dans ses échanges avec la préfecture, à savoir deux courriels des 10 avril et 24 juin 2019 et un courrier recommandé du 24 avril 2019, reçu le 26, auxquels les documents en cause n'étaient au demeurant pas joints. Il ressort, en outre, des termes de la décision attaquée que le préfet de la Seine-Saint-Denis a procédé à l'examen de la situation de M. A..., au regard de sa situation médicale, au regard de sa situation personnelle, mais aussi au regard de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le préfet s'est estimé saisi par un courrier du 24 avril 2019. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant l'arrêté en litige, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé. Dans ces conditions, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 2 juillet 2019.
3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A....
Sur les autres moyens de la demande présentée par M. A... :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme E... B..., attachée d'administration de l'Etat, adjointe à la cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux, disposait, à la date de la décision attaquée, d'une délégation de signature consentie par arrêté
n° 2019-1076 du 29 avril 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis régulièrement publié le même jour, à l'effet de signer, notamment, les obligations de quitter le territoire français, les décisions fixant le délai de départ, ainsi que celles fixant le pays de renvoi. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté comme manquant en fait.
5. En deuxième lieu, la mesure en litige, qui vise notamment le 11° de l'article
L. 313-11, l'article L. 313-14 et n'avait pas à viser le 7° de l'article L. 313-11, en l'absence de demande de titre de séjour présentée sur ce fondement, mentionne, avec une précision suffisante pour permettre à M. A... d'en comprendre les motifs les considérations de droit et de fait, dépourvues de caractère stéréotypé, qui en constituent le fondement. Elle indique, notamment, que la situation de M. A..., a été évaluée par un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui a considéré que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquence d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine, qu'il est, par ailleurs, célibataire sans charge de famille, et conserve de fortes attaches familiales au Sénégal. Enfin, elle précise que l'intéressé ne présente aucune promesse d'embauche récente ou de justificatifs de toute nature établissant son intégration professionnelle justifiant son admission au séjour à titre exceptionnel. Par suite, le moyen tiré de ce que cette mesure serait insuffisamment motivée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, doit être écarté.
6. En troisième lieu, l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations ". Toutefois, une demande présentée par un étranger sur le fondement de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'a d'ailleurs pas à être instruite dans les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à son article L. 5221-2, n'exige pas de pièces ou informations spécifiquement requises par des dispositions législatives ou règlementaires. En outre, M. A... ne saurait au demeurant utilement se prévaloir des dispositions précitées dès lors que le préfet ne s'est pas fondé sur l'absence de documents ou de justificatifs nécessaires à l'instruction de sa demande de titre de séjour mais sur la circonstance qu'il ne remplissait pas les conditions de fond permettant de lui accorder l'admission au séjour à titre exceptionnel.
7. En quatrième lieu, il ne résulte ni des termes de l'arrêté attaqué, ni des pièces du dossier, que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait estimé être en situation de compétence liée au regard de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII pour décider de refuser le séjour à M. A....
8. En cinquième lieu, si M. A... soutient que la décision est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il a remis le 15 novembre 2018 un formulaire de demande d'autorisation de travail rempli et signé par son employeur, il résulte de ce qui a été dit au point 2. qu'il ne justifie ni de son passage en préfecture à la date indiquée, ni du dépôt du formulaire qu'il prétend avoir transmis.
9. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".
10. En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement des dispositions de l'article L.313-14 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des motifs exceptionnels exigés par la loi. En effet, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
11. D'une part, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que M. A... est célibataire sans enfant, et conserve de fortes attaches familiales au Sénégal, notamment ses deux enfants, sa mère, ses deux soeurs et ses deux frères, ainsi que l'a relevé l'arrêté en litige, qui mentionne que sa vie privée et familiale en France ne saurait justifier son admission au séjour. M. A... n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet n'aurait pas examiné si la demande d'admission exceptionnelle au séjour se justifiait par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale ".
12. D'autre part, si le requérant se prévaut d'une demande d'autorisation de travail et justifie d'une activité ponctuelle de plongeur ou manutentionnaire exercée dans le cadre de missions de travail temporaire en 2015, 2017, 2018 et 2019, ces seuls éléments ne sauraient suffire à caractériser un motif exceptionnel d'admission au séjour pour la délivrance d'un titre portant la mention " salarié " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit, dès lors, être écarté.
13. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
14. Ainsi qu'il a été dit au point 11., M. A... est célibataire sans charge de famille, et dispose de fortes attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de
trente-et-un ans. Les seules circonstances tenant à ce qu'il ait travaillé ponctuellement entre 2015 et 2019 et à ce qu'il soit titulaire d'une demande d'autorisation de travail de la société Adecco qui souhaite l'embaucher sont insuffisantes pour caractériser une insertion professionnelle et sociale telle qu'une décision portant refus de titre de séjour serait de nature à porter atteinte à sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen, invoqué par voie d'exception, tiré de l'illégalité de cette décision à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 14. ci-dessus, l'intéressé ne saurait se prévaloir d'une vocation à se voir délivrer un titre de plein droit sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et peut légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Toujours pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté en tant qu'il est soulevé à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.
17. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté contesté du 2 juillet 2019.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1908156 du tribunal administratif de Montreuil en date du
2 juillet 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
N° 20VE00019 4