Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juin 2017, l'EURL CRIS RENOVATION, représentée par Me Sanchez, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3° subsidiairement, de saisir la Cour européenne des droits de l'homme d'une question préjudicielle portant sur la conformité des dispositions de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales avec les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4° de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière, le service vérificateur n'ayant pas respecté la durée de trois mois prévue, au cas présent, par l'article L. 52 du livre des procédures fiscales pour procéder à la vérification de sa comptabilité ;
- les opérations de contrôle n'ont pas donné lieu à un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, notamment en ce qui concerne les copies des chèques obtenues par le service dans le cadre de son droit de communication, et qui ne pouvaient être écartées du débat au motif qu'il ne s'agirait pas de pièces comptables ;
- elle n'a pas été mise en mesure de procéder à la régularisation spontanée de ses obligation fiscales comme le lui permettait l'article L. 62 du livre des procédures fiscales ; l'administration fiscale ne pouvait lui opposer la circonstance selon laquelle elle a demandé à bénéficier de ce droit à régularisation après la notification de la proposition de rectification, dès lors que celle-ci n'a été précédée d'aucun débat contradictoire ; les dispositions de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales méconnaissent, en tout état de cause, le principe de confiance légitime et le droit à l'égalité des armes garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il y aurait donc lieu pour la Cour de saisir la Cour européenne des droits de l'homme d'une question préjudicielle portant sur la conformité à ces stipulations de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales et de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse de la Cour ;
- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée au regard de l'article
L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration ne lui a pas transmis la copie des chèques obtenus auprès de son établissement bancaire dans le cadre de son droit de communication et a ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- en se fondant sur le caractère fictif des factures émises par ses sous-traitants, l'administration fiscale s'est implicitement placée sur le terrain de la commission d'un abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, sans lui offrir les garanties attachées à l'engagement de cette procédure ;
- l'administration fiscale, dans l'ensemble de la procédure de contrôle et d'imposition, a manqué à son obligation de loyauté ;
- l'ensemble de ces irrégularités de procédure revêt un caractère substantiel qui doit entraîner la décharge des impositions litigieuses en vertu de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
- l'administration fiscale ne démontre pas le caractère complaisant des factures de ses sous-traitants et, par suite, le caractère non déductible de la taxe sur la valeur ajoutée qui y est portée ;
- l'absence de bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée emporte, par voie de conséquence, le défaut de bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés litigieuses, résultant de la constatation par l'administration fiscale d'un profit sur le Trésor, ainsi que celui de la majoration pour manquement délibéré appliquée par le service ;
- le caractère délibéré des manquements invoqués par l'administration fiscale n'est pas établi.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses premier et seizième protocoles additionnels ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Livenais,
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL CRIS RENOVATION exerce une activité de réalisation de travaux de plomberie, maçonnerie et menuiserie. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2013. A l'issue de ces opérations de contrôle, le service vérificateur a estimé que l'EURL CRIS RENOVATION avait, à tort, déduit la taxe sur la valeur ajoutée grevant certaines factures qui devaient, être regardées comme des factures de complaisance, et en a déduit l'existence d'un profit sur le Trésor réalisé de ce fait. L'EURL CRIS RENOVATION s'est donc vue notifier, selon la procédure de redressement contradictoire, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge au titre de la période du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2012 ainsi des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012, augmentés de l'application des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts. L'EURL CRIS RENOVATION fait appel du jugement du 24 avril 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable au litige : " I.-Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts... ". L'article 302 septies A du code général des impôts dans sa version applicable au litige dispose pour sa part : " I. Il est institué par décret en Conseil d'Etat un régime simplifié de liquidation des taxes sur le chiffre d'affaires dues par les personnes dont le chiffre d'affaires, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation au cours de l'année civile, n'excède pas 777 000 euros, s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou
234 000 euros, s'il s'agit d'autres entreprises. Ces limites s'apprécient en faisant abstraction de la taxe sur la valeur ajoutée et des taxes assimilées. (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que l'EURL CRIS RENOVATION exerce une activité de prestation de services dans le secteur de la construction et du bâtiment, et qu'elle n'est donc pas une entreprise commerciale vendant des marchandises au sens des dispositions rappelées ci-dessus de l'article 302 septies A du code général des impôts. La société requérante ayant réalisé un chiffre d'affaires de 1 129 429 euros au titre de l'exercice clos le 30 juin 2011, 490 965 euros au titre de l'exercice clos le 30 juin 2012 et 456 785 euros pour la période du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012, le montant de son chiffre d'affaires excède ainsi, pour l'ensemble de la période vérifiée, le plafond de 234 000 euros prévu par ces mêmes dispositions pour les entreprises qui réalisent des prestations de services qui lui est applicable en l'espèce. Par suite, la vérification sur place des livres ou documents comptables de l'EURL CRIS RENOVATION pouvait s'étendre sur une durée supérieure à trois mois. Dès lors, les opérations de contrôle se sont déroulées sans méconnaître les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, contrairement à ce que soutient l'EURL requérante.
4. En deuxième lieu, l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable, dispose : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. ". L'article L. 47 du même livre dispose : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / (...) L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil ".
5. D'une part, dans le cas où la vérification de comptabilité a été effectuée, comme en l'espèce, dans les propres locaux de la société requérante, comme il est de règle en application de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, il appartient au contribuable, qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat soit avec ses mandataires sociaux, soit avec ses conseils. Il résulte, toutefois, de l'instruction que les opérations de contrôle ont donné lieu à au moins deux entretiens entre le vérificateur et le gérant de l'EURL CRIS RENOVATION, le 14 mai 2013 et le 19 mai 2014. La société requérante, qui ne conteste pas la tenue de ces entretiens, n'établit pas qu'au cours de ses rencontres avec le vérificateur, celui-ci se serait refusé à tout échange de vues sur la situation de l'entreprise, notamment lors de la dernière réunion de synthèse qui s'est tenue le 10 mai 2014 au cours de laquelle les conclusions résultant des opérations de vérification lui ont été présentées.
6. D'autre part, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte, au cours du contrôle, tout ou partie de la comptabilité tenue par l'entreprise vérifiée mais se trouvant chez un tiers, de soumettre l'examen des pièces obtenues à un débat oral et contradictoire. Il en va différemment, cependant, lorsque les documents qui lui sont communiqués ne présentent pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée. En l'espèce, il résulte de l'instruction que les pièces obtenues par l'administration auprès de l'établissement bancaire de la société requérante consistent en des copies de chèques. Ces documents ne présentant pas le caractère de pièces de la comptabilité de cette dernière détenues par un tiers, le vérificateur n'était pas retenu de soumettre ces pièces au débat oral et contradictoire. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'EURL CRIS RENOVATION aurait été privée de la possibilité d'engager avec le service vérificateur un débat oral et contradictoire préalablement à la notification des rehaussements envisagés doit être écarté en toutes ses branches.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable au litige : " Au cours d'une vérification de comptabilité et pour les impôts sur lesquels porte cette vérification, le contribuable peut régulariser les erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances dans les déclarations souscrites dans les délais, moyennant le paiement d'un intérêt de retard égal à 70 % de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Cette procédure de régularisation spontanée ne peut être appliquée que si : 1° Le contribuable en fait la demande avant toute proposition de rectification ; 2° La régularisation ne concerne pas une infraction exclusive de bonne foi... ".
8. Il résulte de l'instruction que, dès lors que l'administration fiscale a retenu à l'encontre de l'EURL CRIS RENOVATION l'existence de manquements délibérés justifiant l'application de la majoration prévue à l'article 1729 du code général des impôts, la demande de régularisation qu'elle a formé ne pouvait être regardée que comme concernant des " infractions exclusives de bonne foi " au sens de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales précitées ce qui faisait, en tout état de cause, obstacle à ce qu'une telle demande soit favorablement accueillie. La société ne peut donc utilement faire valoir qu'elle n'aurait pas été régulièrement informée et mise en mesure de solliciter à temps le bénéfice de ces dispositions dès lors que ces majorations sont fondées ainsi qu'il sera expliqué ci-après.
9. En outre, d'une part, l'EURL CRIS RENOVATION ne peut utilement soutenir, en se prévalant des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que les dispositions de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales méconnaîtraient le principe de confiance légitime qui n'est pas au nombre des principes garantis par cette convention. D'autre part, elle ne peut pas davantage se prévaloir de ce que ces mêmes dispositions porteraient également atteinte au principe d'égalité des armes garanti par les stipulations de l'article 6 de la même convention, dès lors que ces stipulations ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale et qu'à ce titre, elles ne sauraient être invocables à l'encontre des dispositions de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales qui n'ont d'incidence que sur l'application aux impositions concernées des intérêts de retard, lesquels ne présentent pas le caractère d'une sanction.
10. Enfin, les stipulations de l'article 1er du seizième protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales réservent aux seules juridictions suprêmes des États parties à cette convention la faculté de saisir la Cour européenne des droits de l'homme de demandes d'avis consultatifs sur des questions de principe relatives à l'interprétation ou à l'application des droits et libertés définis par la Convention ou ses protocoles. Par suite, les conclusions de l'EURL CRIS RENOVATION tendant à ce que la Cour européenne des droits de l'homme soit saisie d'une " question préjudicielle " portant sur la conformité de l'article L. 62 du livre des procédure fiscale avec les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être rejetées.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales :
" L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.
12. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 10 juin 2014 comporte la désignation des impositions litigieuses, de la période et des exercices objets du redressement, ainsi que des bases de ces impositions. Elle précise également les motifs de ces redressements, et notamment qu'ils sont consécutifs au rejet de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les factures émises en particulier par les sociétés Atelec, DSR Communication et RC Bati, sous-traitantes de la société requérante à raison du caractère complaisant de ces factures, et expose les motifs conduisant le service à qualifier ainsi ces factures. Enfin, elle décrit les conséquences financières pour la société des rehaussements envisagés. Dans ces conditions, et à supposer même que les motifs retenus par l'administration pour procéder aux redressements contestés ne soient pas fondés, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.
13. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. Les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel qui est rendu public. ".
14. Pour fonder les impositions supplémentaires litigieuses, le service vérificateur a relevé, sans remettre en cause la réalité des prestations facturées à l'EURL CRIS RENOVATION que, d'une part, la correspondance entre ces prestations et les factures produites par la société vérifiée n'était pas avérée, compte tenu notamment de l'absence de toute preuve de relation contractuelle de sous-traitance entre l'EURL CRIS RENOVATION et les sociétés Atelec, DSR Communication et RC Bati, et que, d'autre part, les sommes correspondant à ces factures avaient été réglées au profit de tiers à ces sociétés, toutes circonstances de nature à établir que les factures comptabilisées par la société vérifiées étaient de complaisance et que cette circonstance faisait obstacle à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée y figurant. En se fondant sur ces constatations de fait, le service vérificateur n'a pas entendu opposer à la société vérifiée l'existence d'actes fictifs ou d'une fraude à la loi au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales précité, quand bien même il aurait constaté que ces faits révélaient la participation de la société à un circuit de rémunération occulte. Il s'ensuit que l'EURL CRIS RENOVATION ne peut utilement soutenir que l'administration fiscale se serait placée, même implicitement, sur le terrain de ces dispositions pour lui infliger les redressements litigieux et qu'elle aurait été, par voie de conséquence, irrégulièrement privée des garanties qu'elles offrent, dans ce cas, au contribuable.
15. En sixième lieu, aucune disposition du livre des procédures fiscales ne faisait obligation au vérificateur d'exercer le droit de communication prévu à l'article L. 81 du livre des procédures fiscales auprès des fournisseurs de la société avant lui notifier des redressements relatifs à l'existence de factures de complaisance.
16. En septième lieu, dès lors que, comme il vient d'être dit, l'EURL CRIS RENOVATION n'a été privée d'aucune des garanties offertes au contribuable dans le cadre d'une vérification de comptabilité, elle ne peut sérieusement soutenir que l'administration fiscale aurait manqué à son obligation de loyauté dans ses rapports avec le contribuable vérifié au cours de la procédure d'imposition.
17. En huitième et dernier lieu, il résulte des points précédents du présent arrêt que la procédure mise en oeuvre par l'administration n'est entachée d'aucune irrégularité.
En conséquence, la société requérante ne peut invoquer utilement les dispositions du 1er alinéa de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé des impositions :
18. En premier lieu, en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui n'est pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée. Dans le cas où l'auteur de la facture est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et se présente comme tel à ses clients, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y est mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture de complaisance et que le contribuable le savait ou ne pouvait l'ignorer. Si l'administration apporte des éléments suffisants en ce sens, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur cette opération, sans qu'il ne puisse être exigé de lui des vérifications qui ne lui incombent pas.
19. L'administration fiscale a estimé que certaines factures de travaux réalisés en
sous-traitance pour le compte de l'EURL CRIS RENOVATION et émises par les sociétés Atelec, DSR Communication et RC Bati avaient été réglées à des personnes, physiques ou morales, distinctes de ces dernières. Elle rapporte la preuve, qui lui incombe, de ce que les factures en cause sont de complaisance dès lors que, d'une part, elle justifie par la production des chèques de règlement de ces factures annexées aux propositions de rectification que l'EURL CRIS RENOVATION a effectivement libellé les chèques émis en paiement de ces factures au nom de tiers, en particulier le gérant et deux salariés de la société vérifiée, et que ce sont ces derniers qui ont endossé ces moyens de paiement et que, d'autre part, elle fait valoir sans être sérieusement contredite que l'EURL CRIS RENOVATION n'était liée aux trois sociétés précitées par aucun contrat de sous-traitance ni aucun bon de commande, que ces sociétés, dont l'une d'entre elle est d'ailleurs enregistrée au registre du commerce et des sociétés comme exerçant une activité de fourniture de prestations de publicité et de communication, ne disposaient pas sur l'ensemble de la période des moyens matériels et humains leur permettant d'effectuer les prestations facturées, et que leurs factures, qui d'ailleurs ne comportent pas de numéros consécutifs, retraçaient des opérations globales sans qu'il soit possible d'identifier les prestations individuelles auxquelles elles auraient été susceptibles, le cas échéant, de se rapporter. L'EURL CRIS RENOVATION, pour sa part, n'établit pas que ces sociétés auraient effectivement réalisé les prestations ayant fait l'objet des factures en litige en se bornant à soutenir que l'administration fiscale n'a pas interrogé les sociétés présentées comme ses
sous-traitantes et que le service vérificateur n'aurait fondé son appréciation sur la nature des factures présentées que sur le manquement aux dispositions du code du travail relatives à la constitution des dossiers de sous-traitance auprès de l'employeur principal, cette dernière circonstance manquant d'ailleurs en fait. Il suit de là que la société requérante qui savait nécessairement au vu des éléments précédemment rappelés qu'elle était en présence de factures de complaisance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur ces factures.
20. En second lieu, il résulte de ce qui vent d'être dit que l'EURL CRIS RENOVATION n'est pas fondée à soutenir que l'absence de bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige doit emporter, par voie de conséquence, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge en raison de la constatation du profit sur le Trésor qu'a dégagé la société requérante en procédant à tort à la déduction des montants de taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures de complaisance.
Sur les pénalités :
21. En premier lieu, dès lors que les rappels et cotisations supplémentaires litigieux sont, ainsi qu'il vient d'être dit, fondés, l'EURL CRIS RENOVATION ne peut demander la décharge, par voie de conséquence, des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré dont ils ont été assortis.
22. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
23. En l'espèce, et dès lors que, notamment, le gérant et des salariés de l'EURL CRIS RENOVATION ont été les bénéficiaires effectifs des règlements consentis par la société en échange des factures en cause, dont la société, pour les motifs exposés ci-dessus, ne pouvait ignorer le caractère complaisant, c'est à bon droit que l'administration fiscale a pu regarder les manquements en cause comme procédant du comportement délibéré de la société requérante et mettre à sa charge la majoration de 40 % prévue par le a) de l'article 1729 du code général des impôts précité.
24. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL CRIS RENOVATION n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EURL CRIS RENOVATION est rejetée.
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N° 17VE01937