Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2015, M.A..., représenté par Me Le Go, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3° de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A...soutient que :
- la reconstitution des recettes de la SARL Viande Hallal Service par la méthode des ratios " espèces / chèques + CB ", adoptée après entrevue avec l'interlocuteur départemental des finances publiques, n'a pas bénéficié de la procédure contradictoire en l'absence de proposition de rectification en faisant état ;
- cette méthode est viciée par l'application d'un ratio constant sur l'ensemble de la période contrôlée, à savoir 2007-2009, puisque le vérificateur a lui-même constaté que la part des règlements par chèques dans le chiffre d'affaire est de 16,14 % en 2007-2008, de 12,51 % en 2008-2009, de 11,53 % entre mars et décembre 2009 et de 6 % en mai 2010 lors du contrôle sur place ; cette diminution de la part des règlements par chèque dans les recettes est causée par les chèques impayés, par la paupérisation de la ville de Trappes où près d'un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté et où le nombre de personnes interdites bancaires augmente, ainsi que par la baisse des ventes aux professionnels ;
- s'il est vrai qu'aucun texte n'imposait au vérificateur de recourir à plusieurs méthodes de reconstitution de recettes, il se devait toutefois de corroborer sa méthode de reconstitution, sommaire, par une autre méthode, fut-elle tout aussi sommaire ;
- la méthode de reconstitution des recettes qui a été finalement retenue aboutit à un résultat assez proche de celui déclaré par la société, surtout que les chèques impayés, qui sont une perte sèche pour l'entreprise et ont été dûment constatés par le vérificateur, doivent être déduits des montants ainsi rehaussés ; par suite, les distributions ne sont plus justifiées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- en vertu du principe d'indépendance des procédures concernant d'une part, la société et d'autre part, le requérant qui en est le dirigeant, M. A...ne peut utilement soulever le moyen tiré du défaut de contradictoire s'agissant de la mise en oeuvre, après interlocution, de la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires qui a annulé et remplacé celle utilisée par le vérificateur pendant les opérations de vérification de comptabilité ;
- sur la charge de la preuve : elle pèse sur M.A..., qui s'est abstenu de contester, dans le délai légal prévu à cet effet, les rectifications mentionnées dans la proposition de rectification du 9 juillet 2010 ;
- sur le bien-fondé des impositions : si M. A...fait valoir que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires mise en oeuvre suite à interlocution, méthode que la SARL Viande Hallal Service a d'ailleurs elle-même proposée, serait viciée en raison de l'application du même ratio espèces / autres moyens de paiement sur toute la période vérifiée alors que les paiements par chèques auraient diminué tout au long de cette période, il ne l'établit pas en se bornant à invoquer une diminution des ventes aux professionnels, la paupérisation de la ville de Trappes ou l'augmentation du nombre d'interdits bancaires ; s'il reproche à l'administration de ne pas avoir utilisé une autre méthode de reconstitution pour corroborer les résultats de celle ayant finalement été utilisée, celle-ci n'était pas tenue de le faire ;
- M. A...n'est pas fondé à se prévaloir d'un écart prétendument faible entre les résultats déclarés par la société Viande Hallal Service et ceux qui sont issus de la reconstitution effectuée par l'administration ; enfin, les chèques impayés ne peuvent pas venir en déduction des minorations de chiffre d'affaire ainsi constatées, dès lors que l'activité de vente de la société exige la comptabilisation des recettes, ainsi que leur déclaration, au moment de la facturation ; d'ailleurs, le requérant ne démontre pas qu'une autre méthode aurait été plus adaptée aux résultats de sa société.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Moulin-Zys,
- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.
1. Considérant qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la SARL Viande Hallal Service dont il est gérant et principal associé, M. A... s'est vu notifier, sur son impôt sur le revenu des années 2008 et 2009, des impositions supplémentaires correspondant aux revenus distribués constatés en conséquence du rehaussement des résultats imposables de cette société ; qu'il relève appel du jugement du 12 mai 2015 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, outre pénalités correspondantes, auxquelles il a ainsi été assujetti au titre des années 2008 et 2009 ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'en vertu du principe de l'indépendance des procédures d'imposition, M. A... ne peut utilement se prévaloir, dans le présent litige, de l'irrégularité dont aurait été entachée, selon lui, la procédure d'imposition de la SARL VIANDE HALLAL SERVICE, du fait d'une méconnaissance du principe du contradictoire ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné sont accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) " ; qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, M.A..., qui n'a formulé aucune observation suite à la réception de la proposition de rectification datée du 9 juillet 2010, supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions contestées ;
4. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts :
" 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) " ; qu'à l'issue de la vérification de la comptabilité de la SARL Viande Hallal Service, l'administration a imposé entre les mains de
M.A..., en tant que revenus distribués au sens des dispositions précitées du code général des impôts, les sommes correspondant aux rehaussements résultant de la reconstitution du chiffre d'affaires de cette société ;
5. Considérant, en premier lieu, que M.A..., qui ne conteste pas que le service a pu rejeter à bon droit la comptabilité de la SARL Viande Hallal Service, soutient que le vérificateur aurait dû corroborer par une autre méthode de reconstitution du chiffre d'affaires les résultats de la méthode mise en oeuvre, pour valider ceux-ci ; que, cependant, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait une telle obligation au service vérificateur ; qu'ainsi, en invoquant le non-respect d'une obligation inexistante, M. A...ne remet pas utilement en cause la détermination des bases des suppléments d'imposition contestés, faisant suite à la vérification de comptabilité de la SARL Viande Hallal Service ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que M. A...fait valoir que la méthode de reconstitution mise en oeuvre, constituée par l'application d'un ratio " espèces / chèques + cartes de crédit ", est viciée par l'application, sur l'ensemble de la période contrôlée, à savoir les exercices clos en 2008 et 2009, du ratio constaté sur la seule période de mars à décembre 2009, alors que la part des règlements par chèques dans le chiffre d'affaire aurait constamment baissé sur la période concernée puisqu'elle était de 16,14 % en 2007-2008, de 12,51 % en 2008-2009 et de 11,53 % entre mars et décembre 2009 ; que, toutefois, ce ratio de 11,53 % constaté entre mars et décembre 2009 émane des relevés faits par la société elle-même de sa propre initiative, dont elle avait demandé l'application au stade de l'interlocution ; qu'en tout état de cause, M. A...n'apporte aucun élément probant permettant d'étayer ses allégations, selon lesquelles la diminution des paiements par chèques serait due à la baisse des ventes aux professionnels ou à la paupérisation de la ville de Trappes où les clients sont de plus en plus interdits bancaires ; que, s'agissant du pourcentage extrêmement faible de 6 % constaté par le vérificateur en mai 2010, lors du contrôle sur place, ce dernier a mentionné dans la proposition de rectification qu'il " ne peut être qu'inférieur à la réalité " ; qu'ainsi, M.A..., qui se borne à critiquer les chiffres sur lesquels l'administration s'est finalement fondée, sans produire d'éléments probants permettant de justifier d'une régression significative des règlements par chèques au cours de la période concernée, n'établit pas le caractère excessif des résultats issus de la mise en oeuvre de la seconde méthode, fondée sur le ratio entre les recettes en espèces et les recettes en chèques et cartes bancaires, ni, par suite, que les bases des rehaussements contestés seraient exagérées pour ce motif ;
7. Considérant, enfin, que M. A...fait valoir que la méthode de reconstitution des recettes finalement retenue aboutit à un résultat très proche de celui déclaré par la SARL Viande Hallal Service, ce qui, selon lui, remet en cause le bien-fondé des rehaussements issus d'une méthode de reconstitution nécessairement approximative ; que, toutefois, s'il est exact que, suite à la mise en oeuvre de la seconde méthode de reconstitution du chiffre d'affaires, la différence entre le chiffre d'affaires déclaré et le chiffre d'affaires reconstitué est passée de 328 868 euros à 32 292 euros pour l'exercice clos en 2008, et de 83 036 euros à 23 830 euros pour l'exercice clos en 2009, elle demeure toutefois conséquente, ainsi qu'il en avait déjà été le cas, d'ailleurs, à l'issue d'un précédent contrôle où la comptabilité de la SARL Viande Hallal Service avait été écartée et son chiffre d'affaires reconstitué ; que, dans ces circonstances, et en tout état de cause, le moyen analysé ci-dessus doit être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 23 février 2016, à laquelle siégeaient :
M. Bergeret, président,
M. Huon, premier conseiller,
Mme Moulin-Zys, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2016.
Le rapporteur,
M.-C. MOULIN-ZYSLe président,
Y. BERGERETLe greffier,
C. FOURTEAU
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
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N° 15VE02269 2