Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 novembre 2017et régularisée le 20 décembre 2017 et des mémoires enregistrés les 5 mars 2019 et 28 mars 2019, M. et Mme D...-E..., représentés en dernier lieu par Me Sniegula, avocat, demandent à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus et de contributions sociales au titre des années 2010 à 2012 en litige ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure de rectification est irrégulière ; en premier lieu, la proposition de rectification qui leur a été adressée est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, seul un extrait de la proposition de rectification de la société étant joint qui ne permet pas de vérifier la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre de la société Nurteks, notamment au regard des exigences de l'article L. 76 du même livre; en second lieu, il n'a pas été tenu compte des observations et des pièces qu'ils ont produits en réponse à la proposition de rectification du 17 décembre 2013 ;
- la charge de la preuve incombe à l'administration dans la mesure où, en application de la doctrine dont ils entendent se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le courrier du 30 juin 2014 constitue des observations au sens des articles R. 57 et R. 194-1 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration ne démontre pas que M. D... aurait été le seul maître de l'affaire, durant les années concernées et qu'il ait appréhendé les sommes distribuées par la société Nurteks, ce qu'ils contestent ; la présomption d'appréhension des revenus distribués au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ne peut donc leur être opposée;
- la méthode sommaire mise en oeuvre pour reconstituer les résultats de la société Nurteks France ne permet pas de s'assurer du bien-fondé des rectifications opérées ; ils démontrent que les résultats reconstitués sont erronés puisque la société était structurellement déficitaire, que les déficits antérieurs n'ont pas été imputés conformément au I de l'article 209,
alinéa 3 du code général des impôts, que les taux de charge retenus sont inappropriés et que l'administration ne justifie pas de leur pertinence, ceux-ci ne pouvant être inférieurs à 80 % ;
- ils n'ont reçu aucun certificat de dégrèvement en ce qui concerne l'application de la majoration de 25 % du montant des cotisations supplémentaires de contributions sociales prévue par les dispositions, inconstitutionnelles, du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts ;
- les majorations mises à leur charge sont injustifiées.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les observations de Me Sniegula, avocat de M. et Mm D...-E... ;
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la vérification de comptabilité de la SARL Nurteks France,
M. et Mme D...-E... ont vu mettre à leur charge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, correspondant à des revenus réputés distribués par la société et appréhendés par les intéressés au titre des années 2010 à 2012. Par un jugement n° 1508672 du 14 novembre 2017 dont
M. et Mme D...-E... font appel, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur requête à fin de décharge de l'ensemble de ces sommes.
Sur l'étendue du litige :
2. L'administration fiscale fait valoir qu'elle a prononcé le 3 juillet 2018 un dégrèvement d'un montant de 6 880 euros en application de la décision du Conseil constitutionnel QPC n° 2016-610 du 10 février 2017 relative à la non majoration de la base d'imposition des revenus distribués pour le calcul des prélèvements sociaux. Dès lors que l'administration a produit un avis de dégrèvement d'un montant de 6 879 euros, correspondant à la majoration en cause, les conclusions présentées par M. et Mme D...-E... tendant à la décharge de cette somme sont devenues sans objet et il n'y a, ainsi, plus lieu d'y statuer.
Sur le bien-fondé des impositions :
3. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) " et aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) ".
4. Est qualifiée de maître de l'affaire une personne qui exerce la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société et dispose sans contrôle de ses fonds. Si l'administration fiscale entend imposer des revenus réputés distribués sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts au nom du maître de l'affaire, elle doit justifier de cette qualification, laquelle nécessite une analyse des circonstances propres à l'affaire et notamment du fonctionnement spécifique de l'entreprise. Le contribuable peut établir que les éléments apportés par l'administration sont insuffisants pour justifier de cette qualification. S'il est reconnu seul maître de l'affaire, il est alors réputé avoir appréhendé la totalité des revenus distribués par la société.
5. Il résulte de l'instruction que M. D... détenait 35 % du capital de la SARL Nurteks au cours des années concernées. Cependant, au cours de la même période, 60 % puis 65 % du capital social étaient dans les mains d'un deuxième associé, ainsi que cela ressort des statuts de la société comme du procès verbal de l'assemblée générale du 20 décembre 2005, date à laquelle M. D... a d'ailleurs cessé d'exercer les fonctions de gérant de droit ainsi que cela ressort également de l'extrait Kbis de la société. Pour démontrer la qualité de maître de l'affaire de M. D..., l'administration fiscale se fonde sur le fait que ce dernier est le seul titulaire des cartes bancaires associées aux comptes de la société. Cependant, elle reconnait dans ses écritures en défense que M. D... a, le 5 janvier 2006, donné au nouveau gérant délégation de signature pour deux des comptes de la société et qu'il disposait d'une signature conjointe pour le troisième, l'appelant produisant quant à lui une série de chèques dont il n'est pas contesté qu'ils auraient été signés par le gérant statutaire. Si l'administration fait également valoir que le gérant statutaire est inconnu de ses services et que M. D... a été son seul interlocuteur au cours de la procédure de contrôle, il résulte de l'instruction que M. D... a constamment contesté sa qualité de gérant de la société Nurteks au titre des années en litige et communiqué aux services, dès le 14 octobre 2013, l'adresse électronique à laquelle le gérant en exercice pouvait être joint, l'administration n'établissant pas avoir tenté en vain de contacter cette personne par la seule production du courrier électronique du 12 novembre 2013 dont elle fait état. En outre, si le bilan de l'exercice 2009, déposé en 2011, a été signé par M. D..., celui-ci ne porte pas sur les années contrôlées au titre desquelles les bilans ont bien été déposés par le gérant statutaire. Par ailleurs, les appelants produisent plusieurs documents établis au nom de la société par le gérant statutaire ainsi qu'une attestation selon laquelle l'intéressé exerçait les fonctions de directeur commercial au sein d'une autre société au cours de l'année 2010. Il suit de là que s'il ne peut être exclu que M. D... ait disposé de certains fonds sociaux, le ministre échoue à démontrer, ainsi qu'il lui incombe, que M. D..., qui n'était pas gérant de droit au cours des années concernées, aurait exercé seul l'entière maîtrise administrative, financière et commerciale de la société Nurteks. Par suite, l'administration fiscale ne peut pas se prévaloir de la présomption d'appréhension des distributions, attachée à la qualité de seul maître de l'affaire. Dès lors, à défaut pour l'administration d'invoquer tout autre élément susceptible de démontrer que M. D... aurait effectivement appréhendé tout ou partie des sommes distribuées par la société Nurteks, les appelants doivent être déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 à 2012 ainsi que des pénalités correspondantes.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme D...-E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 14 novembre 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande. Il y a enfin lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'État à verser à M. et Mme D...-E... la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme D...-E... à hauteur de la somme de 6 879 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1508672 du 14 novembre 2017 du Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise est annulé.
Article 3 : M. et Mme D...-E... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 à 2012.
Article 4 : L'État versera à M. et Mme D...-E... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 17VE03456