Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2018, Mme B... épouse D..., représentée par Me Lévy, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2° d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant autorisation de travailler dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3° de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- le préfet n'a pas saisi préalablement la commission du titre de séjour en violation des articles L. 312-1, L. 312-2 et du 4° de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que compte tenu de sa situation personnelle, de ses attaches familiales et de la durée de sa présence en France, elle peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte-tenu en particulier de la présence de toute sa famille en France, de la durée de son séjour et de son intégration et celle de son fils sur le territoire ;
- elle est également contraire à l'article 3§1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision litigieuse sur sa situation personnelle et familiale ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- le préfet a commis une erreur de droit dès lors qu'elle remplissait les conditions pour obtenir la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en application de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les observations de Me E..., substituant Me Levy, avocat de Mme B..., épouse D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse D..., ressortissante marocaine née le 25 septembre 1967, fait appel du jugement du 25 octobre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juin 2018 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a l'obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
3. Mme B... épouse D..., qui soutient être séparée de son époux, ressortissant marocain vivant en Italie dont elle a eu un fils né en France en 2005, se prévaut de l'ancienneté de sa présence en France depuis 2004, de la nationalité française de son père et de trois de ses frères et soeurs, de la résidence régulière en France, outre des membres de sa famille ci-dessus désignés, de sa mère et de ses trois autres frères et soeurs, et de son insertion sociale et professionnelle en France pour soutenir que le préfet a méconnu les dispositions mentionnées au point précédent. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme B... épouse
D..., qui s'est bornée à produire, au titre des années 2004 à 2014, des pièces d'ordre médical et des avis d'impôt des années 2007, 2008, 2013 et 2014 ne faisant état d'aucun revenu, n'établit pas avoir résidé habituellement en France avant, au plus tôt, septembre 2014 lors de la scolarisation de son fils en classe de CM1, soit moins de quatre ans avant la décision de refus de titre attaquée. Si elle établit que ses parents et sa fratrie, dont certains membres sont de nationalité française, résident de manière régulière en France et que son fils, âgé de 12 ans à la date de la décision en litige, y est scolarisé depuis 4 ans, les pièces produites, notamment l'attestation stéréotypée établie par des parents, sont insuffisantes à établir qu'elle serait effectivement séparée de son époux, lequel exerce la profession de commerçant en Italie et est titulaire d'une carte de résident longue durée-CE délivrée par les autorités italiennes en cours de validité. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer dans ce pays, où Mme B... épouse D... est elle-même titulaire d'un titre de séjour en cours de validité et a déjà vécu avec son fils pendant plusieurs années. Enfin, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la requérante, qui n'a sollicité la régularisation de sa situation administrative qu'au cours de l'année 2016 et se borne à produire un contrat de travail conclu postérieurement à la décision attaquée, serait bien insérée en France, notamment sur le plan professionnel. Dès lors, au regard de l'ensemble de ces éléments, la décision par laquelle le préfet des Yvelines a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B... épouse D... ne peut être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but qu'elle poursuit. Les moyens tirés de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent ainsi qu'être écartés.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
5. La circonstance que l'enfant de Mme B... épouse D... est scolarisé en France depuis 2014 en classes primaires puis au collège ne saurait suffire à établir que le refus de délivrance d'un titre de séjour opposé à sa mère porterait atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant, qui peut également être scolarisé hors de France, notamment en Italie où il a déjà vécu et été scolarisé pendant trois ans, et où réside régulièrement son père. Dans ces conditions, en prenant à l'encontre de Mme B... épouse D..., la décision attaquée, le préfet des Yvelines n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant de l'appelante, protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Et aux termes de l'article L. 313-14 de ce même code : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".
7. Il résulte de ce qui a été dit au point 3. que Mme B... épouse D... ne justifie ni résider de manière habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, ni entrer dans les catégories d'étrangers devant se voir délivrer un titre de séjour de plein droit sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'un vice de procédure faute pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour ne peut qu'être écarté.
8. En quatrième et dernier lieu, il ne résulte pas des circonstances de fait recensées au point 3 que le préfet des Yvelines aurait entaché le refus de délivrance de titre attaqué d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire français en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.
10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 3 et 5 du présent arrêt, le préfet des Yvelines n'a pas entaché la décision contestée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de celle-ci sur la situation personnelle de Mme B... épouse D... et n'a pas davantage méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse D... est rejetée.
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N° 18VE03911