Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mai 2018 et régularisée le 25 juin 2018, et un mémoire en réplique, enregistré le 24 décembre 2018, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :
1° d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement ;
2° de remettre à la charge de la SA MMA Iard les impositions restituées.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de droit dans la mesure où le risque que la société Covea Fleet fasse l'objet de rappels en matière de cotisation minimale de taxe professionnelle et de taxe sur les conventions d'assurances au cours d'un exercice ultérieur à 2003 ne constituait pas une charge probable au sens des dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ;
- il est également entaché d'une erreur de qualification juridique des faits au regard des mêmes dispositions, dès lors que les éléments en cause, à savoir les résultats des contrôles fiscaux antérieurs et le maintien de positions ayant donné lieu à des rehaussements, ne constituent pas des événements en cours à la clôture de l'exercice de constitution de la provision, bien qu'ils puissent permettre d'apprécier les conditions de déductibilité de la charge quant à sa précision et sa probabilité ; or, à la clôture de l'exercice 2007, la société ne faisait pas l'objet d'un contrôle fiscal et n'avait pas reçu d'avis de vérification portant sur les exercices clos de 2005 à 2007 ;
- les définitions comptable et fiscale d'une provision ne permettent de regarder celle-ci comme déductible que dans la mesure où elle couvre une sortie de ressources à venir en raison d'un événement probable à la clôture de l'exercice de sa constitution ; un lien direct doit exister entre cet événement et la sortie de ressources provisionnée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
- la provision pour rappel d'impôts constituée au titre de l'exercice clos en 2007 ne peut donc être admise en déduction du résultat fiscal.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Covea Fleet, qui exerce une activité d'assureur et aux droits de laquelle vient la SA MMA Iard, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2007. Par une proposition de rectification du 13 décembre 2010, l'administration lui a notifié un redressement en matière d'impôts sur les sociétés visant à rehausser les bases d'imposition en conséquence de la remise en cause de la déduction de provisions comptabilisées au 31 décembre 2017 pour couvrir le risque découlant d'un contrôle fiscal et, par suite, de rehaussements, d'une part, en matière de taxe sur les garanties d'assurances au titre des années 2005 à 2007, pour les garanties " assistance " et " pannes mécaniques et pertes pécuniaires ", et, d'autre part, en matière de cotisation minimale de taxe professionnelle. Par la requête susvisée, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS fait appel du jugement du 18 janvier 2018, par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a ordonné la restitution à la SA MMA Iard des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, et de contribution sociale à cet impôt, auxquels elle a été assujettie, à hauteur
de 3 357 192 euros.
Sur les conclusions aux fins de rétablissements des impositions supplémentaires :
2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise.
3. Il résulte de l'instruction, et il n'est pas sérieusement contesté, qu'à la date du
31 décembre 2007, il existait des divergences notoires, qualifiées de " sujets de place ", entre les membres de la fédération professionnelle des assurances et la direction des vérifications nationales et internationales sur le champ du taux supérieur de la taxe sur les conventions d'assurance pour ce qui concerne la garantie assistance ainsi que sur l'assiette de la cotisation minimale de taxe professionnelle. S'agissant de l'application du taux supérieur de la taxe sur les conventions d'assurance à la garantie " pannes mécaniques " et " pertes pécuniaires ", il n'est pas contesté que la société Covea Fleet avait fait l'objet de redressements sur ce terrain au titre des années 2002 et 2003. En outre, il n'est pas sérieusement contesté que l'ensemble des compagnies d'assurance relevaient d'une seule brigade spécialisée de la direction des vérifications nationales et internationales, laquelle procède à des contrôles très réguliers de l'ensemble des compagnies d'assurance en leur appliquant une doctrine homogène, ainsi que l'a d'ailleurs admis la Commission nationale des impôts dans son avis du 29 mars 2013. Toutefois, il est constant que la société Covea Fleet n'avait reçu au 31 décembre 2007, date de constitution de la provision litigieuse, aucun avis de vérification attestant de la volonté de l'administration fiscale de la contrôler sur ces points, au titre des exercices 2005 et 2007, cette administration ne l'ayant effectivement redressé sur ces terrains qu'au titre des exercices clos en 2002 et 2003. Ainsi, les circonstances invoquées par la société requérante, si elles étaient de nature à rendre éventuellement plausible un risque de nouveau contrôle fiscal de la société Covea Fleet, étaient en revanche insuffisantes à le rendre probable au sens et pour l'application des dispositions précitées du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts et, par suite, à justifier la constitution de provisions au 31 décembre 2007.
4. Il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la SA MMA Iard des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale à cet impôt auxquels la société Covea Fleet a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2007 à hauteur de 3 357 192 euros. Par suite, il y a lieu de remettre à la charge de la SA MMA Iard les impositions restituées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante, la somme que la SA MMA Iard demande au titre des frais exposés par elle dans le cadre de la présente instance et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1703324 du Tribunal administratif de Montreuil en date du 18 janvier 2018 sont annulés.
Article 2 : La somme de 3 357 192 euros est remise à la charge de la SA MMA Iard.
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N° 18VE01700