Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2019 et régularisée le 17 décembre 2019, M. D..., représenté par Me Levy, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'enjoindre à la préfecture de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente, en l'absence de délégation de signature et de justification d'une absence ou d'un empêchement du préfet ;
- il est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît l'article
L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant ghanéen né le 17 juin 1974 à Duyan Nkanta (Ghana), a sollicité, le 19 janvier 2018, la délivrance d'une carte de séjour au titre de l'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 24 juillet 2019, le préfet de la
Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Il fait appel du jugement du 22 novembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les moyens communs aux décisions attaquées :
2. D'une part, il ressort de l'examen de l'arrêté attaqué qu'il comporte la mention " Pour le préfet, et par délégation, l'adjointe au chef du bureau de l'éloignement et du contentieux, Juliette Le Bras ". Par un arrêté du 29 avril 2019, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à Mme F... E... adjointe au chef du bureau de l'éloignement et du contentieux, pour signer, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme C..., directrice des migrations et de l'intégration, et de Mme G..., chef du bureau de l'éloignement et du contentieux, l'ensemble des actes relevant des attributions de ce dernier bureau. Il n'est pas établi qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées le jour de la signature de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision aurait été signée par une autorité incompétente doit être écarté.
3. D'autre part, pour faire valoir l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué,
M. D... conteste, sur le fond, l'appréciation portée par les premiers juges quant au respect des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en soulignant l'absence de " réelle prise en compte de [ses] ressources financières et de [son] intégration professionnelle ". Toutefois, cette contestation, qui a trait au seul bien-fondé du jugement du Tribunal administratif, est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis, lequel vise, notamment, les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions des articles L. 313-10, L. 313-11-7°, L. 313-14,
L. 511-1 I 3° et 4°, II et III et L. 513-1 à 4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article L. 5221-1 du code du travail, et précise, de façon circonstanciée, les considérations de fait fondant les décisions attaquées, notamment les conditions de séjour en France de l'intéressé, sa situation personnelle, familiale et professionnelle ou encore le fait qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté. Il ressort également des pièces du dossier, et en particulier de la motivation précédemment analysée de la décision contestée, que le préfet de la Seine-Saint-Denis a procédé à un examen suffisant de la situation de M. D..., sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le préfet n'aurait pas rappelé l'ensemble des circonstances caractérisant la situation personnelle du requérant.
Sur les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ". En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail, ne saurait être regardé comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
5. M. D... doit être regardé comme excipant de l'illégalité du refus de titre de séjour et reprend en appel le moyen soulevé en première instance et tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans son volet " salarié " en faisant valoir, d'une part, l'ancienneté de son séjour en France depuis 2012 et, d'autre part, son insertion professionnelle. Toutefois, les seules pièces qu'il produit, peu nombreuses et lacunaires, ne permettent pas d'établir la réalité de sa présence continue en France avant, à tout le moins, l'année 2016. Il ne fait d'ailleurs état d'aucune forme d'intégration sociale ou familiale. Par ailleurs et ainsi que l'ont à juste titre estimé les premiers juges, le seul fait que l'intéressé est titulaire d'un emploi en qualité d'agent de service, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée conclu le 19 novembre 2018 avec la société Derichebourg, ainsi que d'un second emploi en qualité d'agent de service, depuis le mois de mai 2019, auprès de la société Global services, pour une rémunération mensuelle totale pouvant varier jusqu'à 1 800 euros, n'est pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à caractériser un motif exceptionnel au sens des dispositions précitées. Par suite, la décision litigieuse n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. D... fait valoir une vie stable et pérenne sur le territoire français où est établi le centre de ses intérêts professionnels et privés. Toutefois, ainsi qu'il a été rappelé au point 5., il ne justifie pas, par les seules pièces qu'il produit, la réalité de sa présence continue en France avant, à tout le moins, l'année 2016. Par ailleurs, il ne justifie d'aucune forme d'intégration autre que professionnelle sur le territoire français, alors qu'il est constant qu'il est célibataire, sans charge de famille et n'établit, ni même n'allègue, être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident ses parents, sa fratrie et sa fille et où il a vécu, selon ses dires, au moins jusqu'à l'âge de trente-sept ans. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur le moyen dirigé contre l'interdiction de retour sur le territoire français :
8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier (...) alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
9. La décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans à l'encontre de M. D... a été prise au motif que ce dernier s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prise par le préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 19 novembre 2013. La décision attaquée indique également qu'elle a été prise en considération des circonstances propres au cas d'espèce, qui sont précisés par l'arrêté attaqué. Si l'intéressé fait, de nouveau valoir, la durée de son séjour en France et le fait qu'il ne représente pas une menace à l'ordre public, ces circonstances ne sont pas suffisantes, en l'espèce, à faire regarder l'interdiction de retour en France de deux ans prononcée à son encontre comme méconnaissant les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
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N° 19VE04065