Procédures devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2018, et un mémoire en réplique, enregistré le 15 mai 2019, Mme B..., épouse C..., représentée par Me D..., avocate, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'enjoindre à la ministre des armées de lui attribuer une nouvelle notation au titre du bulletin de notation " millésime 2014 " conforme à ses réels mérites, dans les termes qu'elle définit ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la décision contestée est entachée d'un détournement de pouvoir et d'une erreur manifeste d'appréciation.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., avocat de Mme B..., épouse C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., épouse C..., commandant de l'armée de terre, alors affectée au sein du service de maintenance industrielle terrestre (SMITer) de Versailles, a pris connaissance, le 24 mai 2014, de sa notation au premier degré, " millésime 2014 ". Ayant formulé des observations, elle a été informée, le 12 juin 2014, du maintien de cette notation en l'état et, le 12 juillet suivant, son bulletin de notation des officiers (BNO) au second degré lui a été notifié. Elle a saisi, le 26 août 2014, la commission des recours des militaires (CRM) d'une demande en annulation de son BNO. Elle a ensuite saisi, le 23 février 2015, le Tribunal administratif de Versailles d'un recours en annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration à la suite de ce recours administratif préalable obligatoire. Par décision du 2 juin 2015, prise après avis de la CRM, le ministre de la défense a rejeté partiellement son recours, décision que Mme B..., épouse C..., a également contestée devant le Tribunal administratif de Versailles. Elle fait appel du jugement du 11 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de révision de notation ainsi que de la décision du 2 juin 2015. Mme B..., épouse C..., doit toutefois être regardée comme sollicitant, en appel, la seule annulation de cette dernière décision du 2 juin 2015, qui s'est d'ailleurs substituée à la décision implicite de rejet susmentionnée, en tant qu'elle n'a pas fait intégralement droit à sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 4135-1 du code de la défense : " Les militaires sont notés au moins une fois par an. La notation est traduite par des notes et des appréciations qui sont obligatoirement communiquées chaque année aux militaires. A l'occasion de la notation, le chef fait connaître à chacun de ses subordonnés directs son appréciation sur sa manière de servir. (...) ". Aux termes de l'article R. 4135-1 du même code : " La notation est une évaluation par l'autorité hiérarchique des qualités morales, intellectuelles et professionnelles du militaire, de son aptitude physique, de sa manière de servir pendant une période déterminée et de son aptitude à tenir dans l'immédiat et ultérieurement des emplois de niveau plus élevé. ", de son article R. 4135-2 : " La notation est traduite : / 1° Par des appréciations générales, qui doivent notamment comporter les appréciations littérales données par l'une au moins des autorités chargées de la notation ; / 2° Par des niveaux de valeur ou par des notes chiffrées respectivement déterminés selon une échelle ou selon une cotation définie, dans chaque armée ou formation rattachée, en fonction des corps qui la composent. / (...). " et de son article R. 4135-3 : " Le militaire est noté à un ou plusieurs degrés par les autorités militaires ou civiles dont il relève. (...). / Pour établir la notation du militaire, ces autorités doivent prendre en considération l'ensemble des activités liées au service exécutées par l'intéressé au cours de la période de notation, (...). / (...) ". Il résulte de ces dispositions que la notation d'un officier constitue une appréciation par l'autorité hiérarchique des qualités et aptitudes dont il a fait preuve pendant la période de notation.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., épouse C..., est entrée en service au sein de l'armée de terre le 1er janvier 1989 et a été promue au grade de commandant, le 1er avril 2009. Elle a été affectée, à compter du 1er août 2011, au sein du SMITer de Versailles, où elle a occupé successivement les fonctions d'officier supérieur adjoint au Général de division Vandenbussche, directeur du SMITer, celles d'officier supérieur adjoint du Général de division Hocquard, à compter du 1er août 2013 puis celles d'officier de maintenance à compter du 1er août 2014. Ses notations au titre des millésimes 2011 à 2013 se situaient à A " Excellent " s'agissant de la qualité des services rendus avec des appréciations de 3/5 à 5/5 s'agissant des aptitudes, des compétences liées au commandement et du management pour le millésime 2011 et de 4/5 à 5/5 pour les millésimes 2012 et 2013. Sa notation au titre du millésime 2014 a baissé à C " Bon " s'agissant de la qualité des services rendus avec des appréciations de 2/5 à 4/5 s'agissant des aptitudes, des compétences liées au commandement et du management. Il ressort du bulletin de notation des officiers " millésime 2014 " qu'au titre de la rubrique " performance dans l'année de notation / Si cet officier m'était à nouveau proposé pour servir sous mes ordres ", la case " je préfèrerais ne pas l'avoir " est cochée, qu'au titre des " Commentaires éventuels ", il est notamment relevé, après occultation des mentions imposée par la décision du 2 juin 2015, que " Le commandant C... a mis cette année à rude épreuve son entourage professionnel, (...). Le renouvellement de l'équipe de direction, la préparation d'une mutation en poste OTAN sont professionnellement à l'origine d'une année en deçà des résultats précédemment observés " et, qu'au titre des " Bilan et observations " il est indiqué qu'elle " peine à prendre en compte un objectif à moyen terme, en planifiant et déclenchant son action en conséquence. Ce trait de caractère se reporte sur la capacité à organiser et déléguer ".
4. En premier lieu, Mme B..., épouse C..., soutient que la décision du 2 juin 2015 rejetant partiellement sa demande de révision de notation serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où, d'une part, elle n'a eu de cesse de déployer ses hautes qualités professionnelles et humaines et où, d'autre part, l'abaissement de sa notation se justifie par l'inimitié de son chef de corps, notateur en premier ressort, à son encontre révélée par la contestation systématique de ses initiatives de commandement et répondant à sa volonté d'être mutée hors du SMITer. Elle fait également état d'une dégradation de ses conditions de travail, de l'altération de son état de santé et des difficultés rencontrées quant à son avenir professionnel. Toutefois et d'une part, elle ne conteste pas que les résultats de l'année évaluée sont " en deçà des résultats précédemment observés ", ainsi que cela figure dans la rubrique " Performance dans l'année de notation ", alors que la ministre des armées souligne en défense, sans être davantage contestée par des éléments précis, une mauvaise gestion d'équipe et de la charge de travail ainsi que la non-réalisation des missions confiées telles que la mise en place d'un contrôle des cartes d'achats, l'élaboration d'un dossier sécurité de l'Etat-major, la mise en place d'un sous-officier de sécurité, le transfert de la charge relative aux opérations d'entretien au conducteur du directeur adjoint ou encore la recherche d'un savoir-être approprié. D'autre part, si Mme B..., épouse C..., impute la baisse de sa notation à une supposée inimitié de son chef de corps, elle n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations, alors que, comme le souligne la ministre des armées, l'évaluation effectuée par le premier notateur a été confirmée par un second notateur et très largement confirmée également par la commission des recours des militaires. Enfin, si elle fait état de la dégradation de ses conditions de travail, ayant entraîné une altération de son état de santé et des arrêts de travail, du fait d'une situation de sous-effectifs et de l'arrivée de nouveaux agents ayant besoin d'être formé, il ressort des mentions portées sur le BNO " millesime 2014 " que cette circonstance a été prise en considération, celui-ci justifiant la baisse des résultats notamment par le renouvellement de l'équipe de direction et soulignant, également, le " contexte d'embasement qui se stabilise sur la garnison ". Par ailleurs, il est justement opposé à Mme B..., épouse C..., ses difficultés à prendre en compte " un objectif à moyen terme, en planifiant et déclenchant son action en conséquence ", ce " trait de caractère se report[ant] sur la capacité à organiser et déléguer ", alors qu'elle est affectée à son poste depuis deux années et exerce des fonctions de soutien d'état-major depuis sept ans. Le BNO " millésime 2013 " de l'intéressée soulignait d'ailleurs déjà une nécessité de " poser davantage son action ". Enfin, elle concède une moindre disponibilité de l'ordre de 30%, avec, en outre, des charges supplémentaires à assumer, au titre de l'année évaluée du fait du suivi d'une " formation OTAN " qui, s'il a certes fait l'objet d'un accord de sa hiérarchie, résultait néanmoins nécessairement d'une demande de sa part en lien avec sa volonté d'obtenir une nouvelle affectation auprès de l'OTAN ou en ambassades, formalisée dès sa " FIDEMUT Officier " établie le 3 juin 2013 et maintenue par la suite, et ce alors même qu'il est constant que, dès l'été 2013, elle était au fait de l'effectif qu'elle aurait à gérer. Dès lors, en refusant de modifier plus amplement le BNO " millésime 2014 " qui reconnaît par ailleurs de réelles qualités personnelles et professionnelles à l'intéressée, son investissement ainsi que sa disponibilité, et fixe à C " Bon " la qualité des services rendus, le ministre de la défense n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, quand bien même, ses moindres résultats sont pour partie imputables aux évolutions des effectifs de son service.
5. En second lieu et d'une part, la seule circonstance que le ministre de la défense ait, dans les motifs de sa décision du 2 juin 2015, admis que la sévérité excessive de la notation figurant initialement dans le BNO ainsi que le fait qu'elle mérite d'être atténuée, et retenu, à l'article 2 de son dispositif, la nécessité de n'occulter qu'une mention figurant dans la rubrique " commentaires éventuels " de ce BNO, n'est pas à elle-seule de nature à révéler que ce dernier serait entaché d'un détournement de pouvoir, alors que la notation d'un militaire comprend, en vertu de l'article R. 4135-2 précité du code de la défense, des appréciations générales, ainsi que des niveaux de valeur ou des notes chiffrées, qui ont un caractère indivisible.
6. D'autre part, contrairement à ce que soutient la requérante et ainsi qu'il a été rappelé au point 5., il ressort des pièces du dossier que sa notation pour le " millésime 2014 " est fondée sur une appréciation objective de sa manière de servir se traduisant par des critères de notation, et non pas sur des considérations étrangères à l'intérêt du service. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir en ce que son abaissement de notation s'inscrirait dans une entreprise de harcèlement moral doit être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B..., épouse C..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B..., épouse C..., est rejetée.
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N° 18VE02474