Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mars 2016, MmeB..., représentée par Me Gardet, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler l'article 2 de ce jugement ;
2° de prononcer la décharge des impositions supplémentaires maintenues à sa charge ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'exercice de son activité de prostitution ayant été révélé à l'occasion de la procédure pénale, soit avant l'engagement de l'examen de sa situation fiscale personnelle, l'administration était tenue d'engager une vérification de comptabilité de cette activité ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé sur ce point ;
- la vérification de comptabilité a été initiée irrégulièrement dès le 9 avril 2010 sans qu'elle ait été mise en mesure de se faire assister par un conseil de son choix ;
- elle n'a pas exercé d'activité occulte, mais a simplement omis de déclarer ses revenus, si bien que l'article L. 47 C n'était pas applicable à sa situation ;
- le jugement attaqué n'est pas davantage motivé sur ces deux autres points ;
- la méthode de reconstitution des recettes est excessivement sommaire et radicalement viciée dès lors que sa déclaration orale au vérificateur selon laquelle elle percevait 42 000 euros d'honoraires annuels était fantaisiste, en ce que ce chiffre d'affaires excédait les sommes créditées sur son unique compte bancaire ; en outre, retenir un pourcentage de charges constant, de 10 %, au cours de chacune des années vérifiées, est irréaliste et par trop sommaire ; ces anomalies sont de nature à rapporter la preuve de l'exagération de ses impositions ;
- l'exercice de l'activité de prostitution n'ayant pas été découvert lors de l'examen de sa situation fiscale personnelle, la pénalité prévue au c) du 1. de l'article 1728 du code général des impôts n'était pas applicable ;
- la majoration d'assiette prévue à l'article 158 du même code ne saurait être appliquée à des revenus qui ont été irrégulièrement déterminés ;
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Locatelli,
- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.
1. Considérant que Mme B...a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2007 et 2008 initié par un avis du 9 février 2010, au cours duquel elle a admis se livrer, depuis l'année 2004, à l'exercice d'une activité occulte de prostitution ; que, parallèlement, et pour les années 2004 à 2006, l'activité occulte de l'intéressée a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ; qu'aux termes de ces procédures, l'administration, ayant décidé de prendre en compte l'exercice, par MmeB..., d'une activité non déclarée de prostitution, lui a, en conséquence, notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus non commerciaux au titre des années 2004 à 2008 selon la procédure d'évaluation d'office prévue au 2° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales ; que la requérante relève appel du jugement du 21 janvier 2006 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté le surplus de sa demande en décharge des impositions supplémentaires laissées à sa charge au titre de ces années ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du jugement attaqué que le tribunal administratif a expressément écarté les moyens soulevés par la demanderesse tirés, d'une part, de ce que l'administration ne pouvait rectifier ses bénéfices non commerciaux issus de l'exercice d'une activité occulte de prostitution au titre des années 2007 à 2008 sans, au préalable, engager une vérification de comptabilité de cette activité et, d'autre part, de l'irrégularité de la vérification de comptabilité initiée au titre des années 2004 à 2006 ;
3. Considérant, en second lieu, qu'en jugeant qu'il n'était pas contesté que Mme B...n'avait ni fait connaître son activité auprès d'un centre de formalité des entreprises, ni déclaré les sommes en résultant dans ses déclarations de revenus et qu'ainsi, une telle activité devait être réputée occulte au sens des articles L. 169 et L. 47 C du livre des procédures fiscales, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de ce que n'ayant exercé aucune activité occulte mais s'étant seulement abstenue de déposer ses déclarations, les dispositions de l'article L. 47 C ne lui étaient pas applicables ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est entaché d'aucune des irrégularités dont il lui est fait grief ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu (...) par exception (...) le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite " ;
6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 47 C du livre des procédures fiscales : " Lorsque, au cours d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, sont découvertes des activités occultes ou mises en évidence des conditions d'exercice non déclarées de l'activité d'un contribuable, l'administration n'est pas tenue d'engager une vérification de comptabilité pour régulariser la situation fiscale du contribuable au regard de cette activité " ; que ces dispositions ont pour seul objet de dispenser l'administration de l'obligation d'engager une vérification de comptabilité dans l'hypothèse où la découverte des activités occultes ou la mise en évidence des conditions d'exercice non déclarées de l'activité interviennent au cours d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle du contribuable ; qu'il ne s'en infère pas, cependant, que l'administration serait dans l'obligation d'engager une telle vérification dans l'hypothèse où l'activité occulte serait découverte en amont de l'engagement de ce contrôle sur place ; qu'enfin, les dispositions de l'article L. 47 C font obstacle à ce que soient invoquées les éventuelles irrégularités entachant l'engagement de la vérification de comptabilité portant sur l'activité du contribuable qui n'a fait l'objet d'aucune déclaration de sa part et qui a été mise en évidence au cours d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme B...exerce, depuis 2004, une activité de prostitution, dont il est constant qu'elle ne l'a déclarée ni aux services fiscaux, ni à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce dont elle dépendait ; que, dès lors, c'est à juste titre, contrairement à ce qu'elle soutient, que le vérificateur a réputé occulte au sens des articles L. 169 et L 47 C - qui était applicable - l'activité de prostitution exercée par Mme B...; qu'à supposer même que l'administration ait eu connaissance de l'exercice de cette activité occulte avant même d'engager l'examen contradictoire de la situation personnelle de Mme B...- ce qui ne résulte nullement de l'instruction - une telle circonstance ne peut avoir eu pour conséquence d'obliger l'administration à initier une vérification de comptabilité de cette activité exercée au titre des années 2007 et 2008 ; qu'en outre, l'article L. 47 C du livre des procédures fiscales faisait obstacle à ce que la requérante put se prévaloir utilement des irrégularités dont serait éventuellement entachée la vérification de comptabilité de l'activité occulte de prostitution exercée au titre des années 2004 à 2006 ; qu'enfin, et au surplus, Mme B...relevant de la procédure de l'évaluation d'office, les irrégularités, qui, selon elle, entacheraient la procédure de vérification de comptabilité à laquelle l'administration a procédé sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
8. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales que : " Peuvent être évalués d'office : (...) 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux (...) lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...) / (...) Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux (...) 2° (...). " ; qu'il résulte du 3° de ce dernier article, dans sa rédaction alors en vigueur, que la procédure d'évaluation d'office du bénéfice imposable est applicable " si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce " ; que Mme B...n'ayant ni déclaré, ni fait connaître son activité de prostitution dont les profits relèvent des bénéfices non commerciaux, à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce ainsi qu'il a déjà été dit, l'administration était dès lors fondée à mettre en oeuvre à son encontre la procédure d'imposition d'office ;
9. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " et qu'aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré " ; que MmeB..., dont les bénéfices non commerciaux non déclarés ont été régulièrement évalués d'office en application du 2° de l'article L. 73 et de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, ne peut, en application des articles L. 193 et R. 193 précités, obtenir la décharge ou la réduction des impositions supplémentaires qu'elle conteste qu'en rapportant la preuve de leur exagération ; qu'à cette fin, et dès lors qu'elle n'est pas en mesure d'établir le montant exact du chiffre d'affaires et des bénéfices en résultant en s'appuyant sur les données d'une comptabilité régulière et probante, elle peut, soit critiquer la méthode de reconstitution que l'administration a mise en oeuvre en vue de démontrer en quoi elle aboutit à des évaluations exagérées, soit soumettre à l'appréciation du juge de l'impôt une méthode d'évaluation alternative aboutissant à des résultats plus satisfaisants ;
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires et des bénéfices imposables :
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour reconstituer les recettes de l'activité de prostitution exercée par MmeB..., le vérificateur, faute de pouvoir déterminer le ou les tarifs unitaires réellement pratiqués ainsi que le nombre de prestations réalisées à partir d'éléments précis et propres à cette activité en raison du défaut de tenue de comptabilité ou de tous autres éléments de justifications, était fondé à recourir aux propres déclarations de la contribuable énoncées lors de l'entretien contradictoire du 10 mars 2010 - et non démenties à l'occasion de l'entretien du 2 avril suivant et de l'envoi des deux procès-verbaux d'audition qui s'en sont suivis - selon lesquelles l'intéressée reconnaissait réaliser, depuis 2004, une activité occulte de prostitution dont le chiffre d'affaires annuel moyen s'élevait à 42 000 euros, son revenu mensuel oscillant entre 3000 et 3500 euros ; qu'en se bornant à affirmer devant le juge de l'impôt que cet aveu était dépourvu de caractère sérieux, Mme B...n'établit pas, par cette seule affirmation non étayée, ainsi qu'elle en a la charge, l'exagération des rectifications litigieuses ; qu'en outre, en retenant, pour l'établissement des bénéfices non commerciaux imposables, un pourcentage de charges déductibles égal à 10 % du chiffre d'affaires au titre de chacune des années vérifiées, alors que l'intéressée ne justifiait d'aucune dépense, le vérificateur ne peut être regardé comme ayant mis en oeuvre une méthode de reconstitution radicalement viciée ou excessivement sommaire ; qu'enfin, compte tenu des modalités de règlement, en espèces, des prestations en cause, la circonstance que le montant du chiffre d'affaires retenu par le service excédait les montants crédités sur l'unique compte bancaire de la requérante n'est pas de nature à rapporter la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge ;
En ce qui concerne l'application de la majoration de 25 % prévue au 7° de l'article 158 du code général des impôts :
11. Considérant qu'aux termes du 7°. de l'article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : 1° Aux titulaires de revenus passibles de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie (...) des bénéfices non commerciaux (...) réalisés par des contribuables soumis à un régime réel d'imposition qui ne sont pas adhérents d'un centre de gestion ou association agréé (...) " ;
12. Considérant que la circonstance que l'activité occulte de la requérante n'aurait pas été découverte à l'occasion d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de MmeB..., au demeurant non démontrée, n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à l'application de la majoration prévue par le 7°. de l'article 158 du code général des impôts précité ;
Sur la pénalité :
13. Considérant que les suppléments d'impôt mis à la charge de Mme B...étant établis à l'issue d'une procédure régulière et étant fondés, ne peut, par suite, qu'être rejeté le moyen tiré de ce que la pénalité infligée en cas de découverte d'une activité occulte prévue à l'article 1728 devrait être déchargée par voie de conséquence de l'irrégularité et du mal fondé du principal de l'impôt ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté le surplus de sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
N° 16VE00902 4