Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 30 mars 2018, 6 juin 2018 et 3 septembre 2019, FRANCEAGRIMER, représenté par Me B..., avocate, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter les demandes de première instance de la SA Société Générale ;
3° de mettre à la charge de la SA Société Générale une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative en ce qu'il n'analyse qu'imparfaitement les moyens des parties, en particulier ceux de FRANCEAGRIMER ;
- le tribunal administratif a soulevé d'office, à tort, le moyen tiré de la prescription de la créance d'intérêts à raison de celle de la créance principale, qui constitue un régime de prescription différent de celui invoqué par la SA Société Générale ;
- le tribunal administratif a méconnu le principe du contradictoire, FRANCEAGRIMER n'ayant pas été mis à même de répondre au moyen tiré de l'application de la règle de prescription retenue par le Tribunal ;
- les créances principales n'étaient pas prescrites à la date à laquelle il a réclamé le versement des intérêts moratoires correspondants ;
- le délai de prescription quadriennal prévu par l'article 3 du règlement n° 2988/95 du 18 décembre 1995 était inapplicable à la créance principale, les règles jurisprudentielles dégagées par la Cour de justice de l'Union européenne dans ses arrêts du 29 mars 2012, rendus dans l'affaire C-564/10 Pfeifer et Langen KG, et du 5 mai 2011 Ze Fu Fleischhandel GmbH et Vion Trading GmbH (affaires C-201/10 et C-202/10), étant postérieures à l'extinction de cette créance par son paiement par la SA Société Générale, les 27 mai et 4 octobre 2010 ; le régime applicable était alors celui de la prescription trentenaire découlant de l'article 2262 du code civil ;
- à supposer que le délai de prescription quadriennale prévu par l'article 3 du règlement du 18 décembre 1995 trouve à s'appliquer, celui-ci a valablement été interrompu par les demandes de règlement des 4 février et 25 juin 1997, puis par la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Biret International, sans que puisse être opposé le délai " butoir " de huit ans fixé par le quatrième alinéa du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement du 18 décembre 1995, lequel ne trouve à s'appliquer qu'au prononcé de sanctions administratives ;
- la prescription des créances principales ne constituait pas un obstacle à la réclamation des intérêts moratoires ;
- le délai de prescription de cinq ans des actions personnelles et mobilières, issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, satisfait aux exigences de proportionnalité dégagées par la Cour de justice de l'Union européenne, et trouve donc à s'appliquer aux créances principales en l'espèce ;
- la SA Société Générale doit être regardée comme ayant renoncé à la prescription des créances principales, en application de l'article 2251 du code civil, par le paiement de celles-ci, et donc à la prescription des créances d'intérêts moratoires exigés à raison du retard dans le paiement de ces créances principales.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européenne ;
- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ;
- la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bonfils, rapporteur ;
- les conclusions de M. Huon, rapporteur public ;
- les observations de Me B..., pour FRANCEAGRIMER ;
- les observations de Me A..., pour la SA Société Générale.
Considérant ce qui suit :
1. Par quinze contrats conclus entre le 6 avril 1992 et le 10 décembre 1993 avec la Société interprofessionnelle du Bétail et des Viandes (SIBEV), chargée d'intervenir dans le cadre de la politique agricole commune et de l'organisation commune du marché de la viande sur le marché de la viande bovine pour le compte de l'Office Interprofessionnel des Viandes, de l'Elevage et de l'Aviculture (OFIVAL), la société Biret International a acquis plusieurs tonnes de viandes dites " d'intervention ". La SA Société Générale s'est portée caution des sommes dont cette société pouvait être redevable en cas de non-respect de son obligation d'exportation ainsi que pour plusieurs autres opérations pour lesquelles cette société avait perçu de l'OFIVAL des restitutions d'exportations versées par avance ou sous le régime du préfinancement. Le 7 décembre 1995, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société Biret International, à laquelle la SIBEV et l'OFIVAL, ayant constaté que la société Biret International n'avait pas respecté ses obligations d'exportation, ont procédé, le 18 janvier 1996, à la déclaration de leurs créances. Ces créances ont été partiellement admises par quatre ordonnances du juge commissaire de la liquidation judiciaire le 3 juillet 1997. Par trois arrêts du 8 septembre 2009, la Cour d'appel de Paris a partiellement confirmé les ordonnances du juge commissaire en fixant les créances de la SIBEV et l'OFIVAL, aux droits desquels est venu FRANCEAGRIMER, à la somme de 8 926 279, 25 euros. La SA Société Générale a procédé au paiement de cette somme à FRANCEAGRIMER par deux versements des 27 mai et 4 octobre 2010 à la suite des demandes de paiement adressées par l'établissement le 17 janvier 2006 et le 17 mai 2010. Par un courrier du 2 août 2011, FRANCEAGRIMER a réclamé à la SA Société Générale le versement d'une somme de 3 237 063, 30 euros au titre d'intérêts moratoires. Par un arrêt du 4 octobre 2011, la Cour de cassation a cassé partiellement deux des trois arrêts de la Cour d'appel de Paris et renvoyé les affaires devant cette juridiction laquelle, par un arrêt du 30 avril 2014, devenu définitif, a fixé le montant de la créance de FRANCEAGRIMER à la somme de 892 164 euros. Par un courrier en date du 8 août 2014, l'établissement a réduit le montant des intérêts moratoires réclamés à la somme de 431 532, 38 euros et invité la SA Société Générale à présenter ses observations, laquelle a répondu par courrier du 17 mars 2015. Par un titre de recettes émis le 18 juillet 2016, le directeur général de FRANCEAGRIMER a réclamé à la SA Société Générale, sur le fondement de l'article 1153 du code civil, le paiement de la somme de 431 532, 38 euros d'intérêts moratoires, se décomposant en 365 441,13 euros calculés sur les sommes dues par la société Biret International en raison du non-respect de son obligation d'exportation résultant des contrats d'achats de viande conclus entre le 6 avril 1992 et le 10 décembre 1993, 65 719,14 euros calculés sur les avances de restitutions à l'exportation indûment perçues par cette même société et 372,11 euros calculés sur les préfinancements de restitutions à l'exportation indûment perçus par cette société. FRANCEAGRIMER fait appel du jugement du 1er février 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé ce titre de recettes et déchargé la SA Société Générale du paiement de la somme qui lui était réclamée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".
3. Il ressort du jugement attaqué que celui-ci vise les conclusions présentées par FRANCEAGRIMER, ainsi que les moyens soulevés par les parties, FRANCEAGRIMER se bornant, dans son mémoire en défense, à répondre aux moyens soulevés par la SA Société Générale. Ainsi, les juges de première instance ont régulièrement analysé les moyens et conclusions des parties. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative doit être écarté en tant qu'il manque en fait.
4. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que la créance de l'administration est prescrite n'est pas d'ordre public. Si un requérant invoque, au soutien de sa demande, un régime de prescription qui n'est pas applicable, il n'appartient pas au juge de rechercher, d'office, si une autre règle de prescription, n'ayant pas été invoquée par le débiteur, est de nature à faire obstacle au recouvrement de la créance de l'administration et, le cas échéant, de faire application de cette autre règle de prescription.
5. Il résulte de l'instruction que, dans sa requête du 19 septembre 2016, la SA Société Générale a expressément soulevé le moyen tiré de ce que la créance d'intérêts en litige était prescrite en application du règlement n° 2988/95 du 18 décembre 1995, et notamment cité les articles 1er et 3 dudit règlement en liant le sort des " intérêts de retard au regard des créances au principal ". S'il est vrai que ces articles régissaient la prescription des créances principales, les juges de première instance n'ont pas outrepassé leur office, au vu du moyen ainsi soulevé, en tirant les conséquences sur les créances d'intérêts, objet de la requête dont ils étaient saisis, de l'application des textes cités par la partie requérante aux créances principales.
6. En troisième lieu, si FRANCEAGRIMER soutient qu'elle n'a pas été mise en mesure de discuter le moyen d'annulation retenu par le Tribunal, tenant à la prescription des créances principales, dans la mesure où la SA Société Générale invoquait sur le fondement du règlement n° 2988/95 du 18 décembre 1995 la prescription des seules créances d'intérêts, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les premiers juges n'ont pas soulevé d'office un nouveau moyen mais seulement tiré toutes les conséquences du moyen soulevé devant eux. Par suite, la requérante, qui au demeurant a répondu au moyen dans un mémoire en défense enregistré le 8 décembre 2016 en faisant valoir que ce texte n'était pas applicable aux créances d'intérêts, n'est pas fondée à faire valoir qu'elle n'a pas été mise en mesure de répondre au moyen retenu par les juges de première instance. Le moyen tiré de l'atteinte au principe du contradictoire doit donc être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
7. D'une part, aux termes de l'article 1er du règlement (CE) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 susvisé : " 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense. ". Aux termes de son article 3 : " 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité (...) / La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l'autorité compétente et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif. / Toutefois, la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration, sans que l'autorité compétente ait prononcé une sanction, sauf dans les cas où la procédure administrative a été suspendue conformément à l'article 6 paragraphe 1. (...) / 3 Les Etats membres conservent la possibilité d'appliquer un délai plus long que celui prévu (...) au paragraphe 1 (...) ". Enfin, aux termes de son article 6 : " 1. Sans préjudice des mesures et sanctions administratives communautaires arrêtées sur la base des règlements sectoriels existant au moment de l'entrée en vigueur du présent règlement, l'imposition des sanctions pécuniaires, telles que les amendes administratives, peut être suspendue par décision de l'autorité compétente si une procédure pénale a été ouverte contre la personne en cause et porte sur les mêmes faits. La suspension de la procédure administrative suspend le délai de prescription prévu à l'article 3. ".
8. D'autre part, l'article 2262 du code civil dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 19 juin 2008 prévoyait : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans ". Aux termes de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008 : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ". L'article 26 de cette loi dispose que : " I. - Les dispositions de la présente loi qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. II. - Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. III. - Lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation. / La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat ".
9. FRANCEAGRIMER, sans contester le fait que la créance principale à l'origine des intérêts figurant sur le titre de recettes du 18 juillet 2016 relève du régime de prescription découlant des articles 1er et 3 du règlement (CE) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 précité, fait notamment valoir que ce règlement, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre du droit national et notamment du délai de prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil ou à défaut du délai de prescription de cinq ans prévu par l'article 2224 du même code dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et en déduit qu'au regard de ces textes la créance principale n'était pas prescrite.
10. Il résulte de l'arrêt du 5 mai 2011 Ze Fu Fleischhandel GmbH et Vion Trading GmbH de la Cour de justice de l'Union européenne (affaires C-201/10 et C-202/10) que le principe de sécurité juridique s'oppose à ce qu'un délai de prescription tel que le délai de la prescription trentenaire fixé antérieurement par l'article 2262 du code civil puisse être appliqué aux actions des organismes d'intervention agricole lorsqu'ils réclament le reversement d'une aide indûment versée. Si FRANCEAGRIMER demande également que soit appliqué le délai de prescription de cinq ans prévu par l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-551 du 17 juin 2008, au demeurant inapplicable à une action pour laquelle le délai de prescription était déjà expiré antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, en l'absence d'un texte spécial fixant, dans le respect du principe de proportionnalité, un délai de prescription plus long pour le reversement des aides accordées, seul le délai de prescription de quatre années prévu au premier alinéa du 1 de l'article 3 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 cité ci-dessus est applicable.
11. Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, découlant notamment de l'arrêt du 27 mars 1980 Denkavit Italiana (affaire n° 61-79), que l'interprétation, dans l'exercice que lui confère l'article 267 du traité sur le fondement de l'Union européenne, que la Cour de justice donne d'une règle du droit l'Union européenne, éclaire et précise, lorsque besoin est, la signification et la portée de cette règle, telle qu'elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de son entrée en vigueur. Il découle donc que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant l'arrêt statuant sur la demande d'interprétation, si par ailleurs les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l'application de ladite règle se trouvent réunies.
12. Il résulte de l'instruction que les créances principales, sur le fondement desquelles les intérêts moratoires réclamés à la SA Société Générale par FRANCEAGRIMER ont été calculés, ont fait l'objet de demandes de paiement, s'agissant de la créance résultant du non-respect par la société Biret International de son obligation d'exportation résultant des contrats d'achat de viande conclus entre 1992 et 1993, par un courrier du 25 juin 1997, puis par une sommation de payer du 17 mai 2010, s'agissant de la créance résultant d'avances de restitutions à l'exportation indûment perçues par la société Biret International, par un courrier du 4 février 1997 puis par une sommation de payer du 17 janvier 2006, enfin, s'agissant de la créance résultant de préfinancements de restitutions à l'exportation indûment perçus par la société Biret International, par une sommation de payer adressée par l'OFIVAL le 17 janvier 2006. L'ensemble de ces créances a fait l'objet de deux versements de la SA Société Générale les 27 mai et 4 octobre 2010.
13. En premier lieu, d'une part, s'il est constant que les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne du 15 mai 2011 et du 29 mars 2012 précités sont intervenus à des dates postérieures d'une part à la naissance des créances en cause, et d'autre part au paiement de ces créances par le débiteur, il résulte du principe de la rétroactivité des interprétations de la Cour de justice de l'Union européenne, tel qu'exposé au point 11, que cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause l'applicabilité de l'interprétation dégagée par ces arrêts aux créances en litige.
14. D'autre part, il résulte de l'instruction que les créances en litige, qui concernent des intérêts moratoires exigés à raison du retard dans le paiement par la SA Société Générale des créances principales dont elles constituent l'accessoire, ont pu être régulièrement contestées devant le juge administratif par leur débiteur. Ainsi, à la date d'enregistrement du recours de la SA Société Générale devant le Tribunal administratif de Montreuil, le 19 septembre 2016, les conditions permettant de porter devant la juridiction compétente le litige relatif à ces créances doivent être regardées comme remplies. FRANCEAGRIMER n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les interprétations de la Cour de justice de l'Union européenne résultant des arrêts du 15 mai 2011 et du 29 mars 2012 ne sauraient s'appliquer au présent litige faute pour ces conditions d'être remplies, nonobstant la circonstance que l'appréciation de la faculté de recouvrer des créances d'intérêts moratoires implique, pour le juge, d'apprécier la prescription des créances principales, dont la contestation n'est pas l'objet du présent litige.
15. En deuxième lieu, en ce qui concerne la créance de 365 441,13 euros, correspondant à des intérêts moratoires réclamés à la SA Société Générale à raison du retard dans le remboursement de sommes dues par la société Biret International faute d'avoir respecté ses obligations d'exportation des viandes achetées à la SIBEV entre le 6 avril 1992 et le 10 décembre 1993, le point de départ du délai de prescription de la créance principale est intervenu à la date limite impartie pour l'exportation des viandes achetées. Il résulte de l'instruction, notamment des arrêts de la Cour d'appel de Paris n° 08/10025 du 8 septembre 2009 et n° 11/18951 du 30 avril 2014, que la date limite la plus tardive impartie pour l'exportation des viandes est intervenue le 15 octobre 1994. En ce qui concerne la créance de 65 719,14 euros, correspondant à des intérêts moratoires réclamés à la SA Société Générale en raison du retard dans le remboursement d'avances de restitutions à l'exportation indûment perçues par la société Biret International, il résulte de l'instruction, notamment de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris n° 08/10028 du 8 septembre 2009, que le point de départ du délai de prescription, à savoir la date limite impartie et non respectée pour l'exportation des viandes est intervenu en octobre 1993 pour des demandes de paiement adressées par la SIBEV à la SA Société Générale le 4 février 1997. En ce qui concerne la créance de 372,11 euros, correspondant à des intérêts moratoires réclamés à la SA Société Générale en application d'un acte de cautionnement du 18 avril 1994 et en raison du retard dans le remboursement de préfinancements de restitutions à l'exportation indûment perçus par la société Biret International, il résulte de l'instruction, notamment du courrier adressé par FRANCEAGRIMER à la SA Société Générale le 17 mai 2010, que la société Biret International a bénéficié d'un préfinancement pour des viandes placées en entrepôt douanier mais n'a ensuite pas respecté le délai de sortie du territoire communautaire fixé par l'article 32, paragraphe 1, du règlement n° 3665/87. Ce délai étant fixé à 60 jours par cet article, et dès lors que l'acte de cautionnement, daté du 18 avril 1994, est concomitant au placement en entrepôt douanier des viandes et au versement du préfinancement de la restitution à l'exportation, l'irrégularité, et par conséquent le point de départ du délai de prescription, sont nécessairement intervenus avant la fin de l'année 1994. Ainsi, dans tous les cas, un délai de plus de quatre ans s'était écoulé depuis le fait générateur de la créance principale à l'origine des intérêts de retard, à la date du 2 août 2011 à laquelle le paiement des intérêts moratoires découlant de cette créance a été demandé.
16. Il résulte toutefois encore de l'instruction que FRANCEAGRIMER a déclaré ses créances à la procédure collective ouverte le 7 décembre 1995, le 18 janvier 1996. Cette déclaration constitue un acte de nature à interrompre la prescription de créance jusqu'à la clôture de la procédure, le 8 septembre 2009, à l'issue de laquelle l'admission des créances de FRANCEAGRIMER au passif de la société Biret International, a été confirmée. Par suite, à la date du 2 août 2011, la prescription quadriennale prévue par l'article 3 du règlement n° 2988/95 n'était pas acquise.
17. Toutefois, et en troisième lieu, par un arrêt du 3 septembre 2015 FranceAgriMer c/ Sodiaal International (affaire n° C-383/14), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le délai de prescription " butoir " fixé par l'article 3, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement n° 2988/95, égal au double du délai de quatre ans, est applicable non seulement aux poursuites d'irrégularités conduisant à l'application de sanctions administratives au sens de l'article 5 de ce règlement, mais aussi aux poursuites conduisant à l'adoption de mesures administratives, au sens de l'article 4 du même règlement, dont relèvent les mesures tendant au remboursement d'un avantage indu à la suite d'une irrégularité commise par le bénéficiaire d'une aide communautaire. Dans ces conditions, et alors même qu'il n'est ni établi, ni allégué qu'une procédure pénale ait été engagée à l'encontre de la société Biret International, la prescription de l'action en recouvrement des créances principales de FRANCEAGRIMER était acquise au bout de l'écoulement du délai de huit ans depuis la réalisation des irrégularités, soit au plus tard en 2002. Ainsi, à la date du 2 août 2011 à laquelle FRANCEAGRIMER a réclamé le paiement des intérêts moratoires sur ses créances à la SA Société Générale, la créance principale support de ces intérêts était prescrite.
18. En quatrième lieu, contrairement à ce que fait valoir FRANCEAGRIMER, l'extinction des créances principales par leur paiement intervenu les 27 mai et 4 octobre 2010, est sans incidence sur l'intervention de la prescription de ces dernières à une date antérieure à leur règlement et ne fait pas obstacle à la constatation par le juge d'une telle prescription.
19. En dernier lieu, aux termes de l'article 2250 du code civil : " Seule une prescription acquise est susceptible de renonciation. ". Aux termes de l'article 2251 du même code : " La renonciation à la prescription est expresse ou tacite. / La renonciation tacite résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription ".
20. En admettant même que le règlement par la SA Société Générale des créances principales, les 27 mai et 4 octobre 2010, puisse être valablement regardé comme ayant constitué une renonciation tacite à la prescription, acquise, de ces créances ainsi que le soutient FRANCEAGRIMER, il est constant que le présent litige, ainsi qu'il a été rappelé au point 14, ne porte pas sur ces créances principales, mais sur les créances distinctes d'intérêt moratoires, qui ont pour leur part fait l'objet de contestations non équivoques par la SA Société Générale, ainsi qu'il ressort notamment des courriers adressés à FRANCEAGRIMER les 3 janvier et 26 juillet 2011. FRANCEAGRIMER ne peut donc utilement soutenir que la SA Société Générale aurait tacitement renoncé à la prescription des créances d'intérêts moratoires en litige.
21. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Montreuil a estimé que les créances d'intérêts moratoires en litige, réclamées pour la première fois par FRANCEAGRIMER le 2 août 2011, ne pouvaient plus l'être à cette date, les créances principales étant prescrites au regard des règles de droit applicables. C'est donc à bon droit que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé le titre de recettes du 18 juillet 2016 et déchargé la SA Société Générale du paiement de la somme réclamée.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Les dispositions de l'article L. 761 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SA Société Générale, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par FRANCEAGRIMER au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, compte tenu des circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de FRANCEAGRIMER le versement d'une somme de 2000 euros à la SA Société Générale au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Sur les dépens :
23. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions de la SA Société Générale tendant à ce que l'appelant soit condamné aux dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de FRANCEAGRIMER est rejetée.
Article 2 : FRANCEAGRIMER versera à la SA Société Générale la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la SA Société Générale est rejeté.
18VE01114 2