Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 août 2017, le PREFET DES YVELINES, représenté par Me Claisse, avocat, demande à la Cour d'annuler l'article 1er de ce jugement en tant qu'il a annulé ses arrêtés du 16 juin 2017.
Le PREFET DES YVELINES soutient que :
- le moyen tiré du défaut d'entretien individuel est inopérant dès lors qu'il n'y avait pas lieu de s'interroger sur la détermination de l'Etat responsable et que seule l'application erronée d'un critère de responsabilité pouvait être utilement invoquée ;
- le moyen tiré du défaut d'entretien individuel manque en fait dès lors qu'il a effectivement eu lieu et que l'intéressée comprend la langue française ;
- le signataire des arrêtés bénéficiait d'une délégation de signature ;
- les décisions sont suffisamment motivées ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par la mesure d'assignation à résidence doit être écarté ;
- elles n'ont pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Margerit a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant russe d'origine tchétchène né le 2 février 1986, a fait l'objet de deux arrêtés préfectoraux pris le 16 juin 2017 le premier portant transfert aux autorités belges en application du règlement Dublin III et le second l'assignant à résidence. La magistrate désignée par la présidente du Tribunal administratif de Versailles, faisant droit à sa demande, a annulé ces deux arrêtés par jugement du 3 juillet 2017. Le PREFET DES YVELINES relève donc appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné par le Tribunal administratif de Versailles :
2. Aux termes de l'article 5 du règlement européen n° 604/2013/CE du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 4. (...) L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ".
3. Il ressort du résumé de l'entretien individuel paraphé par M. A...que l'entretien prévu à l'article 5 du règlement précité a eu lieu le 30 janvier 2017, de 14h45 à 15h10, à la préfecture de Versailles. S'il s'est tenu en langue française, que M. A...ne conteste pas comprendre et parler, cet entretien a été repris en langue russe, langue parfaitement comprise, lue, écrite et parlée par l'intéressé. Par ailleurs, aucune pièce du dossier ne permet de supposer qu'il n'a pas été conduit par une personne " qualifiée en vertu du droit national " au sens du 5) de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 . Dès lors, le PREFET DES YVELINES est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé ses arrêtés du 16 juin 2017 au motif que l'entretien individuel de M. A...n'aurait pas été régulièrement mené.
4.Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le Tribunal administratif.
Sur le bien fondé de la demande :
En ce qui concerne les moyens communs aux deux arrêtés :
5. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation personnelle du requérant.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. M. A...est entré en France le 5 décembre 2016, soit moins de sept mois avant l'intervention de la décision attaquée. Son épouse, MmeC..., fait également l'objet d'une décision de transfert aux autorités belges en vue de l'examen de sa demande d'asile. Si l'intéressé se prévaut de la naissance de leur fils, Abrehan, né le 20 juin 2011 à Arlon en Belgique, cette circonstance ne suffit pas à établir l'existence d'une vie privée et familiale établie de manière stable en France. Ainsi, l'arrêté par lequel le PREFET DES YVELINES a décidé son transfert aux autorités belges ne peut être regardé comme ayant porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A...une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'arrêté de transfert :
8.L'arrêté attaqué comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde alors même qu'il ne décrirait pas la composition de la cellule familiale de M. A...sur le territoire national. Ainsi, le PREFET DES YVELINES a suffisamment motivé sa décision.
En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :
9.Aux termes de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers assignés à résidence sur le fondement des articles L. 552-4 et L. 561-2 se voient remettre une information sur les modalités d'exercice de leurs droits, sur les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, sur la possibilité de bénéficier d'une aide au retour ". Aux termes de l'article R. 561-5 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une assignation à résidence en application de l'article L. 552-4 ou de l'article L. 561-2 est informé de ses droits et obligations par la remise d'un formulaire à l'occasion de la notification de la décision par l'autorité administrative ou, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou de gendarmerie. / (...) Ce formulaire est traduit dans les langues les plus couramment utilisées désignées par un arrêté du ministre chargé de l'immigration ".
10. Les dispositions précitées des articles L. 561-2-1 et R. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, impliquent que l'auteur de la décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 du même code porte à la connaissance de l'étranger assigné à résidence une information supplémentaire explicitant les droits et obligations de ce dernier pour la préparation de son départ. Ces dispositions imposent que l'information qu'elles prévoient soit communiquée, une fois la décision notifiée, au plus tard lors de la première présentation de l'assigné à résidence aux services de police ou de gendarmerie. Il en résulte que l'absence d'information telle que prévue aux articles L. 561-2-1 et R. 561-5 précités est sans incidence sur la légalité de la décision d'assignation à résidence contestée, laquelle s'apprécie à la date de son édiction. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure résultant de la méconnaissance de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme inopérant.
11. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) ". Aux termes de l'article R. 561-2 de ce même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application (...) de l'article L. 561-2 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence (...) ".
12. Si M. A...soutient qu'il a été illégalement assigné à résidence dans les Yvelines alors qu'il réside à Longwy, aucune pièce du dossier ne vient attester d'une adresse dans le département de Meurthe-et-Moselle. Le moyen doit donc être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DES YVELINES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé ses arrêtés du 16 juin 2017 décidant le transfert de M. A...auprès des autorités belges ainsi que son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1704413 du magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Versailles du 3 juillet 2017 est annulé.
Article 2 : La demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet des Yvelines du 16 juin 2017 présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Versailles est rejetée.
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N° 17VE02731