Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 16 mars 2017, le centre hospitalier intercommunal (CHI) de Poissy-Saint-Germain-en-Laye et la société hospitalière d'assurance mutuelles (SHAM), représentés par Me I..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demandent à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1405505 du 6 décembre 2016 du Tribunal administratif de Versailles ;
2° de rejeter la demande.
Ils soutiennent que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le centre hospitalier avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- c'est à tort que la rupture utérine dont la patiente a été victime et la paralysie cérébrale de l'enfant ont été imputées aux fautes du centre hospitalier intercommunal ;
- c'est à tort que le tribunal jugé la responsabilité du centre hospitalier engagée sur le fondement du défaut d'information ;
- à titre subsidiaire, le tribunal administratif a procédé à une évaluation excessive des préjudices.
...............................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme K...,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,
- et les observations de Me H..., substituant Me I..., pour le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye et de Me D... pour Mme B... et M. J....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., alors âgée de 28 ans et enceinte de son troisième enfant, a bénéficié d'une échographie le 12 novembre 2010 à 41,2 semaines d'aménorrhées soit alors que le terme de sa grossesse était dépassé de deux jours. Cette échographie a révélé une quantité anormalement faible de liquide amniotique et, le lendemain, la patiente a été hospitalisée en vue de provoquer son accouchement. Un protocole médicamenteux a été mis en oeuvre à cette fin par les praticiens du centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye, conduisant, le 13 novembre, à l'administration de Cytotec(r) à 4h30 puis à la pose d'une perfusion de Syntocinon(r) à 14h30. A 15h25, des anomalies cardiaques foetales, alors que la mère de l'enfant était par ailleurs très algique, sont apparues ayant donné lieu à un accouchement par ventouse à 16h13. Mme B... bénéficiera le soir même de soins liés à une rupture utérine. L'enfant C..., né en état de mort apparente, sera réanimé et intubé permettant une remontée du score Agpar qui était de 1 à une minute de naissance à 6 à dix minutes. L'enfant, aujourd'hui âgé de 10 ans, conserve un retard psychomoteur sévère correspondant à une paralysie cérébrale.
2. Dans un avis rendu le 20 mars 2013, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) d'Ile-de-France, statuant au vu du rapport de l'expertise qu'elle avait confiée au Docteur Fournet et au Professeur Marret, a retenu l'existence de fautes de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier. Par lettre du 22 juillet 2013, la SHAM, assureur du centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye a refusé d'indemniser Mme B... et M. J.... Conformément aux dispositions de l'article L.1142-14 du code de la santé publique, Mme B... et M. J... ont, le 6 septembre 2013, requis de l'ONIAM qu'il se substitue à l'assureur défaillant, ce qui a été accepté par lettre du 16 décembre 2013. L'offre faite a toutefois été refusée et, par courrier en date du 7 avril 2014, les consorts B... ont formé une demande préalable indemnitaire auprès du centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye à laquelle il n'a pas été répondu. Mme B... et M. J... ont alors demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner solidairement le CHI de Poissy - Saint-Germain-en-Laye et la SHAM à les indemniser de leurs préjudices. Par un jugement n°1405505 du 6 décembre 2016, le Tribunal administratif de Versailles a partiellement fait droit à leurs demandes. Le centre hospitalier et son assureur relèvent appel de ce jugement. Mme B... et M. J... formulent, quant à eux, un appel incident.
Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme B... et M. J... :
3. Le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye et la SHAM ont présenté, dans le délai de recours, devant la cour administrative d'appel, une requête d'appel qui comporte, même sommairement, outre une critique du jugement rendu par le tribunal administratif, les motifs justifiant, selon lui, le rejet des prétentions de Mme B... et M. J.... Cette motivation répond ainsi aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par Mme B... et M. J... et tirée de l'irrecevabilité de la requête du centre hospitalier, au motif que celle-ci ne serait pas motivée, doit être écartée.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier intercommunal et la SHAM aux prétentions indemnitaires de Mme B... et M. J... :
4. La personne qui a demandé au tribunal administratif la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors qu'ils se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle. Dès lors, le centre hospitalier et son assureur ne sont pas fondé à soutenir que les conclusions indemnitaires tendant à l'indemnisation du préjudice d'assistance par une tierce personne, dont le montant a été relevé en appel en conséquence de son aggravation, seraient irrecevables en tant qu'elles excèdent le montant chiffré en première instance.
Sur la régularité du jugement :
5. Il résulte de l'instruction que le grief, invoqué très sommairement dans la requête introductive d'instance, tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué manque en fait. Il ne peut donc qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les fautes relatives aux choix thérapeutiques :
6. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".
7. Afin de provoquer l'accouchement de Mme B..., les praticiens du CHI de Poissy - Saint-Germain-en-Laye ont utilisé, le 13 novembre 2010, 50 microgrammes de Cytotec(r), administré par voie vaginale, puis effectué une perfusion de Syntocinon(r). Il résulte de l'instruction que le Cytotec(r) était alors une molécule habituellement utilisée pour les interruptions de grossesse mais également fréquemment dans le cadre de processus de maturation du col pour des grossesses à terme, foetus vivant. Si ce médicament ne bénéficiait en 2010 d'aucune autorisation de mise sur le marché, cette circonstance ne permet pas à elle-seule de regarder son usage comme fautif dès lors, ainsi que le l'indique le rapport d'expertise, que l'absence d'autorisation de mise sur le marché n'implique pas que le produit ne présente pas tous les caractères de qualité, d'efficacité et de sécurité que demande l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui est responsable de la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché et qu'en spécialité obstétrique, l'utilisation hors autorisation de mise sur le marché de médicaments pour la prise en charge des déclenchements est un fait quotidien, soutenable dans sa pratique. Les études produites au dossier attestent par ailleurs de l'efficacité de cette molécule utilisée dans les processus de maturation du col pour des grossesses à terme.
8. Toutefois, d'une part, il résulte également du rapport d'expertise, que les comprimés de Cytotec(r) disponibles sur le marché à la date de l'accouchement de Mme B... étaient des comprimés de 200 microgrammes. Si le centre hospitalier a ainsi fait réaliser par sa pharmacie des dosages précis à 50 microgrammes impliquant donc une section des comprimés, le rapport d'expertise indique que le risque d'hypercinésie ou d'hypertonie avec ou sans modification du rythme cardiaque foetal était retrouvé dans toutes les études avec les doses de 50 microgrammes, certes sans pour autant augmenter la morbidité néonatale ni le taux de césarienne et que les doses les plus faibles étaient ainsi à privilégier. Le rapport indique également que, dans le cas de Mme B..., " il a été utilisé un dosage à 50 µg alors que les publications françaises et américaines recommandent plutôt l'utilisation d'un dosage à 25 µg (...) ". Si le centre hospitalier conteste ces conclusions indiquant qu'à la date de l'accouchement de Mme B..., ces préconisations n'existaient pas encore de sorte qu'à cette date un usage de cette molécule dosée à 50 microgrammes ne pouvait être regardé comme fautif, les recommandations de la Haute autorité de santé, produites au dossier et datant de 2008, étaient déjà dans le sens d'un usage à des doses plus faibles que celle utilisée.
9. D'autre part, il résulte de l'instruction que le centre hospitalier a administré, en plus du Cytotec(r) dans la forme et au dosage sus-rappelés, à Mme B..., par voie de perfusion, à 14h30, du Syntocinon(r) alors que, selon les experts, le recours à un second ocytocique n'était pas justifié car il n'existait pas de stagnation de la dilatation du col et a pu contribuer à la survenue de la rupture utérine. Si le rapport du Docteur Sagot contredit ce constat en relevant que le délai entre l'administration de Cytotec(r) et de Syntocinon(r) a été respecté par le centre hospitalier et qu'il est raisonnable de penser que l'organisme de Mme B... avait éliminé le Cytotec(r) compte tenu de ce délai, il résulte de l'instruction que le délai d'élimination du produit administré par voie vaginale peut être très long et que le comprimé administré par cette voie peut ne pas être complétement dissous plusieurs heures après son administration.
10. Dès lors, en administrant successivement et donc cumulativement, à Mme B... L... Cytotec(r), à une dose de 50 microgrammes, puis ultérieurement du Syntocinon(r) soit un second ocytocique sous forme de perfusion, le CHI de Poissy - Saint-Germain-en-Laye a commis une faute médicale de nature à engager sa responsabilité.
11. Or il résulte de l'instruction que l'enfant C... est né après une grossesse normale et que, selon les experts, son handicap, lié à une paralysie cérébrale, est vraisemblablement consécutif à une anoxie périnatale intervenue dans un contexte de rupture utérine qui a déterminé cette encéphalopathie précoce. En effet, il résulte de l'instruction que le tableau clinique présenté par Mme B... la veille de l'accouchement rendait nécessaire un déclenchement de ce dernier. Le jour de l'accouchement, à 15h25, la patiente était agitée, algique, et des anomalies du rythme cardiaque foetales ont été détectées à partir de 15h32, avec un liquide amniotique tinté. Pour les experts, il est vraisemblable que la rupture utérine, conséquence d'une d'hypercinésie ou d'hypertonie de l'utérus, a eu lieu vers 16h et que cette dernière a été à l'origine du défaut d'oxygénation de l'enfant. Aucun élément permettant d'évoquer d'autres étiologies qu'elle soit congénitale, d'origine génétique ou métabolique n'a d'ailleurs été relevé. Pour les experts, cette thèse est étayée par plusieurs indices, à savoir " outre la présentation clinique et électroencéphalographie initiale de l'encéphalopathie néonatale précoce, (...), l'évolution clinique de l'enfant vers l'amélioration initiale de l'encéphalopathie néonatale puis l'apparition de séquelles motrices secondaires au cours de son développement, l'association à l'atteinte neurologie initiale d'une discrète atteinte hépatique et rénale d'évolution rapidement favorable en quelques jours, l'absence de tout élément pour une maladie congénitale d'origine génétique ou métabolique devant l'absence d'antécédents familiaux de malformations chez l'enfant ou de dysmorphie. ". L'existence d'une maladie congénitale par atteinte de la fonction mitochondriale a ainsi été exclue par les experts en raison de la régression de l'acidose métabolique et de la discrète atteinte hépatique, de l'absence d'hypotrophie à la naissance, de l'absence d'atteinte multivicérale prolongée, de l'absence de malformations cérébrales, de l'absence d'autre évènement aigu ou d'épilepsie au cours de l'évolution, de l'absence de signes évoquant une maladie évolutive mais au contraire d'un tableau neurologique en faveur d'une lésion cérébrale fixée, et de la prédominance dans ce cas des séquelles motrices sur les séquelles cérébrales. Le rapport du Docteur Rouet est également en ce sens. Si le rapport du Professeur Sagot qui, comporte un certain nombre de réserves liées notamment, à l'absence d'atteinte des noyaux gris à l'IRM faite à J+1 à défaut d'IRM de contrôle, et à l'état antérieur de la patiente, il résulte de l'instruction que la seconde IRM a finalement été réalisée le 24 mars 2014 et que son compte rendu conclut à la : " Présence d'hyper signaux symétriques des deux thalamus et de la partie postérieure des noyaux lenticulaires compatibles avec les séquelles d'anoxo ischémie à terme ". Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que le morphotype de la patiente, qui a pu faire obstacle à l'enregistrement de probable hypertonie et hypercinésie ayant précédé la rupture utérine, ait été à l'origine de cette dernière ou ait contribué à l'anoxie foetale dont l'enfant a été victime.
12. Dès lors, il résulte de tout ce qui précède que le Tribunal administratif de Versailles a pu, à bon droit, juger que le handicap de l'enfant devait être regardé comme la conséquence d'une paralysie cérébrale consécutive à une anoxie périnatale intervenue dans un contexte de rupture utérine elle-même à l'origine de cette anoxie.
En ce qui concerne le défaut d'information :
13. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. ".
14. Lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de leur obligation. Lorsqu'une thérapeutique ou une technique opératoire est récente et n'a pas été appliquée à un nombre suffisant de patients pour que les risques qu'elle comporte soient connus et que rien ne permet d'exclure avec certitude l'existence de tels risques, le patient doit en être informé
15. Il résulte de l'instruction et est constant que Mme B... n'a pas été informée de ce que les risques liés à l'utilisation de la molécule de Cytotec(r) alors qu'il n'est pas établi que l'intervention en cause présentait un caractère d'urgence ou que cette information était rendue impossible. Dès lors, le défaut d'information de Mme B... est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du CHI de Poissy - Saint-Germain-en-Laye à son égard.
En ce qui concerne les préjudices résultant des fautes relatives aux choix thérapeutiques :
S'agissant des préjudices de l'enfant C... :
En ce qui concerne les dépenses de santé :
16. Si les consorts B...-J... justifient avoir exposé des dépenses d'analyses médicales à hauteur de 149,58 euros et des frais de transports et de logement d'un montant de 376,71 euros et de 215, 60 euros, il ne résulte pas de l'instruction que ces dépenses, qui présentent un lien de causalité direct et exclusif avec la faute commise par le centre hospitalier, auraient été prises en charge par la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines qui a indiqué, dans le cadre de l'instruction en première instance, ne pas être en mesure de faire valoir sa créance dans ce dossier. En revanche, si les consorts B...-J... demandent également le remboursement de la somme de 4 550 euros correspondant aux frais relatifs à un traitement, dont l'enfant a bénéficié en Espagne, de myoténofasciotomie, qui consiste à réaliser des opérations sous-cutanées en intervenant sur les fibres musculaires lorsqu'elles ont été lésées pathologiquement limitant ainsi les mouvements, il ne résulte pas de l'instruction que ce traitement, dont l'efficacité n'est pas prouvée, offre des chances d'amélioration de l'état de santé de l'enfant. Il y a lieu, en conséquence, ramener la somme mise à la charge du CHI de Poissy - Saint-Germain-en-Laye par le Tribunal administratif de Versailles au titre des dépenses de santé exposées pour les soins de l'enfant C... à la somme de 741, 89 euros.
En ce qui concerne l'assistance d'une tierce personne :
17. Il résulte de l'instruction que le jeune C... connait un déficit fonctionnel temporaire de 80% qui nécessite l'assistance active d'une tierce personne. Eu égard à la lourdeur du handicap du jeune C..., la nécessité d'une assistance à tierce personne à domicile peut être estimée à 14 heures par jour dès lors que, ainsi que le relève le rapport d'expertise, le sommeil de l'enfant est normal. Par ailleurs, pour l'indemnisation de ce poste de préjudice, les premiers juges ont pu, à bon droit, juger qu'il n'y avait pas lieu d'inclure la période correspondant aux deux premières années de C..., compte tenu des soins nécessités par tout enfant de cet âge et arrêter la période d'indemnisation au 13 novembre 2022, jour des douze ans de C..., dès lors que le rapport d'expertise conclut à l'absence de consolidation de l'état de l'enfant qui est susceptible d'évoluer sans qu'il y ait d'obstacle, ainsi que l'a rappelé le tribunal administratif, à ce que les parents de l'enfant, s'ils s'y croient fondés, saisissent ultérieurement le juge de la responsabilité de nouvelles conclusions tendant au remboursement de ces frais en fonction de l'évolution de l'état de santé du jeune C....
Pour la période du 13 novembre 2012 au 3 novembre 2020 jour du présent arrêt :
18. En vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune.
19. Aux termes de l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale : " Toute personne qui assume la charge d'un enfant handicapé a droit à une allocation d'éducation de l'enfant handicapé, si l'incapacité permanente de l'enfant est au moins égale à un taux déterminé. / Un complément d'allocation est accordé pour l'enfant atteint d'un handicap dont la nature ou la gravité exige des dépenses particulièrement coûteuses ou nécessite le recours fréquent à l'aide d'une tierce personne. Son montant varie suivant l'importance des dépenses supplémentaires engagées ou la permanence de l'aide nécessaire. / (...) L'allocation d'éducation de l'enfant handicapé n'est pas due lorsque l'enfant est placé en internat avec prise en charge intégrale des frais de séjour par l'assurance maladie, l'Etat ou l'aide sociale, sauf pour les périodes de congés ou de suspension de la prise en charge ". Il résulte de ces dispositions que l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé est destinée à compenser les frais de toute nature liés au handicap et qu'elle peut faire l'objet d'un complément lorsque ces frais sont particulièrement élevés ou que l'état de l'enfant nécessite l'assistance fréquente d'une tierce personne. Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit la récupération de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé en cas de retour de son bénéficiaire à meilleure fortune, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges. Il suit de là que le montant de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et de son complément éventuel peut être déduit d'une rente ou indemnité allouée au titre de l'assistance par tierce personne.
20. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'enfant C... réside au domicile de sa famille. Pour évaluer le nombre d'heures concernées par ce besoin d'assistance par une tierce personne, les premiers juges ont pu déduire de ce temps de présence de l'enfant au domicile familial le temps correspondant à sa scolarisation, que l'instruction permet d'estimer à 10 heures hebdomadaires pour la période comprise entre le 23 septembre 2013 et le mois de juin 2017. Ils ne pouvaient en revanche déduire de ce temps, les heures correspondant aux soins de psychomotricité orthophonie, kinésithérapie équithérapie et ergothérapie dont bénéficie l'enfant depuis le mois de septembre 2013, dès lors que, ainsi que le font valoir les parents de l'enfant, la présence de Mme B... auprès de son fils est absolument nécessaire lors de ces séances, pour l'accompagner et l'assister compte tenu de son état de dépendance totale. Par ailleurs, s'agissant du chiffrage de ce poste de préjudice, le centre hospitalier n'est pas fondé à solliciter que le taux de cette aide à domicile, fixé à 14,50 euros de l'heure par les premiers juges, soit ramené à la somme de 13 euros même s'agissant d'une aide sans qualification spécifique. Il est en revanche fondé, ainsi qu'il résulte du point 18 du présent arrêt, que soient déduites de cette indemnisation les sommes perçues par les parents de l'enfant au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé.
21. Dès lors, compte tenu des modalités de calcul de l'indemnisation définies au point précédent, il y a lieu de porter le montant de l'indemnité allouée par le Tribunal administratif de Versailles au titre de l'assistance par une tierce personne à la somme de 618 060 euros pour la période comprise entre le 13 novembre 2004 et le 3 novembre 2020.
Pour la période du 4 novembre 2020 au 13 novembre 2022 :
22. Pour l'indemnisation de ce poste de préjudice, les premiers juges ont pu relever que si l'enfant réside chez ses parents tout en étant scolarisé à la date du jugement, il ne pouvait être exclu qu'à l'avenir son état requiert le placement dans une institution spécialisée ou des séjours dans un établissement hospitalier. Ils ont pu, en conséquence, estimer que les frais afférents au besoin d'une tierce personne seraient réparés par une rente trimestrielle qu'il convient de calculer toutefois sur la base d'une assistance de 14 heures par jour, s'il vit au domicile de ses parents ou d'un membre de sa famille et prévoir que cette rente serait revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale et, en cas de placement de l'intéressé dans un établissement, sera versée au prorata du nombre d'heures passées au domicile. Ils ont pu enfin prévoir qu'il appartiendrait aux requérants, le cas échéant, de saisir ultérieurement le juge de la responsabilité de nouvelles conclusions tendant au remboursement des frais de prise en charge du jeune C... dans un centre de rééducation et prévoir que, dans l'hypothèse où il viendrait à percevoir une somme au titre de la prestation de compensation du handicap, s'agissant d'un besoin d'aides humaines, ces sommes seraient déduites de la rente précédemment mentionnée. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 20 du présent arrêt, le centre hospitalier n'est pas fondé à demander que le taux horaire de cette aide soit ramené à la somme de 13 euros.
S'agissant des frais d'acquisition d'un nouveau véhicule :
23. Si les Mme B... et M. J... font valoir que l'appareillage de leur fils a nécessité l'acquisition d'un véhicule plus grand, les premiers juges ont pu, à bon droit, juger que ce préjudice ne pouvait être estimé à la somme correspondant exactement à la différence de prix entre leur ancien véhicule et celui nouvellement acquis pour estimer que seule une fraction de cette somme était indemnisable. Il pourra toutefois être fait une juste appréciation de ce préjudice en portant la somme allouée par les premiers juges à ce titre à la somme de 5 000 euros.
S'agissant des préjudices extra patrimoniaux :
24. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, que l'enfant C... est atteint d'un déficit fonctionnel temporaire de 80% qui est susceptible d'amélioration. Il sera fait une juste appréciation de ce déficit fonctionnel temporaire pour la période du 13 novembre 2012 au 3 novembre 2020, jour du présent arrêt, en portant l'indemnité accordée à ce titre par les premiers juges à la somme 48 000 euros. L'indemnité allouée par les premiers juges au titre du pretium doloris de l'enfant, évalué à 4 sur une échelle de 7, ainsi de de son préjudice esthétique évalué à 3 sur une échelle de 7 par les experts, pourra être portée à la somme de 11 000 euros.
25. Il résulte de ce qui précède que les consorts B...-J... sont fondés à solliciter le relèvement de l'indemnité mise à la charge du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye en réparation des préjudices de l'enfant à la somme de 682 280, 89 euros.
Quant aux préjudices des victimes indirectes :
26. Si Mme B... sollicite l'indemnisation de ses pertes de revenus dès lors qu'elle n'a pu reprendre son travail de femme de ménage à temps partiel, ainsi qu'il a été jugé en première instance, l'indemnité allouée par le présent jugement tient compte de la nécessité de l'aide constante d'une tierce personne. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté les demandes de Mme B... au titre de l'incidence professionnelle.
27. Les premiers juges ont par ailleurs fait une juste appréciation des préjudices d'affectation de Mme B... et M. J..., en leur nom et en celui de leurs deux enfants mineurs, A... F... et Manon F..., témoins des souffrances et difficultés endurées par leur demi-frère en leur accordant, respectivement, une somme de 10 000 euros pour chacun des parents et une somme de 7 000 euros pour chacun des deux enfants.
En ce qui concerne les préjudices relatifs au défaut d'information :
28. Il résulte des écritures de Mme B... et M. J... que ceux-ci ne se prévalent d'aucun préjudice spécifique lié au défaut d'information imputable au centre hospitalier.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
29. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire du CHI de Poissy - Saint-Germain-en-Laye et de la SHAM une somme de 2 000 euros à verser à Mme B... et M. J... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le CHI de Poissy - Saint-Germain-en-Laye et la SHAM sont solidairement condamnés à verser au jeune C... B..., représenté par sa mère Mme E... B..., une somme de 682 280, 89 euros (six cent quatre-vingt deux mille deux cent quatre-vingt euros et quatre-vingt neuf cents).
Article 2 : La rente trimestrielle au versement de laquelle le CHI de Poissy - Saint-Germain-en-Laye et la SHAM ont été condamnés à l'article 2 du jugement sera calculée sur la base d'une assistance de 14 heures par jour si l'enfant C... vit au domicile de ses parents ou d'un membre de sa famille.
Article 3 : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1405505 du 6 décembre 2016 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le CHI de Poissy - Saint-Germain-en-Laye et la SHAM verseront solidairement aux consorts B...-J... une somme globale 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
N°17VE00843 2