II. La société Frisquet a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite de rejet née le 6 mai 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la 9ème section de la Seine-Saint-Denis a refusé d'autoriser le licenciement de M. D....
Par un jugement n° 1406090 du 1er décembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
III. La société Frisquet a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 25 mars 2015 par laquelle l'inspecteur du travail de la 9ème section de la Seine-Saint-Denis a refusé d'autoriser le licenciement de M. D....
Par un jugement n° 1504517 du 1er décembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédures devant la Cour :
I. Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 29 janvier 2016, 15 novembre 2017 et 21 juin 2018 sous le n° 16VE00293, la société Frisquet, représentée par Me C..., demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :
1° d'annuler le jugement n° 1406158 du 1er décembre 2015, et les décisions de l'inspecteur du travail du 29 novembre 2013, ainsi que la décision du ministre du travail du 28 mai 2014 ;
2° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. D... a commis plusieurs fautes de nature à justifier son licenciement dont la matérialité est établie ; en effet, lors de son intervention du 8 juillet 2013, celui-ci n'a pas vérifié l'étanchéité de la chambre de combustion, ce qui démontre qu'il l'avait mal repositionnée, et n'a pas cherché à vérifier pourquoi le brûleur s'était allumé violemment ; l'absence de relevé de monoxyde de carbone ne permet pas de déduire une mise en place correcte de la chambre de combustion ; en outre, la fuite d'eau détectée sur la chaudière est en lien direct avec l'opération de maintenance effectuée par le salarié ;
- il n'existe aucun lien entre la demande d'autorisation de licenciement et la situation de salarié protégé de M. D....
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II. Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 29 janvier 2016, 15 novembre 2017 et 21 juin 2018 sous le n° 16VE00294, la société Frisquet, représentée par Me C..., demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :
1° d'annuler le jugement n° 1406090 du 1er décembre 2015 et la décision implicite de rejet de l'inspecteur du travail du 6 mai 2014 ;
2° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les faits reprochés à M. D... sont suffisamment graves pour justifier son licenciement ; en effet, celui-ci n'a pas relevé l'absence de diaphragme lors de son intervention du 14 décembre 2012 à l'origine du sur-débit de gaz, et s'est contenté de réduire le débit en fermant à moitié le robinet du gaz, ce qui entraînait un débit de gaz supérieur à ce qui était préconisé et faisait courir un risque d'intoxication au client ; en outre, M. D... n'a ni établi d'attestation d'entretien, ni fait signer la fiche d'intervention au client ;
- il n'existe aucun lien entre la demande d'autorisation de licenciement et la situation de salarié protégé de M. D....
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III. Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 29 janvier 2016, 15 novembre 2017 et 21 juin 2018 sous le n° 16VE00295, la société Frisquet, représentée par Me C..., demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :
1° d'annuler le jugement n° 1504517 du 1er décembre 2015 et la décision de l'inspecteur du travail du 25 mars 2015 refusant d'autoriser le licenciement de M. D... ;
2° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne fait pas état des pièces qu'elle a produites ;
- c'est à tort que le tribunal a conclu à l'absence de faute grave de M. D... ; en effet, il est établi que la fuite de gaz, détectée le lendemain de son intervention, est entièrement imputable à ce dernier ; la matérialité des faits est ainsi établie ;
- ce comportement est d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement dès lors qu'il a fait courir un danger mortel au client et à sa famille ;
- il n'existe aucun lien entre la demande d'autorisation de licenciement et la situation de salarié protégé de M. D....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,
- les observations de Me C... pour la société Frisquet, et celles de Me B... pour M. D....
Considérant ce qui suit :
Sur la jonction :
1. Les requêtes ci-dessus visées présentées par la société Frisquet concernent la situation d'un même salarié, présentent à juger de questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 16VE00293 :
2. Le 30 septembre 2013, la société Frisquet a demandé l'autorisation de licencier pour faute grave M. F... D..., engagé en tant qu'agent de maintenance chauffagiste par contrat à durée indéterminée en date du 8 avril 2002, délégué du personnel et membre du comité d'établissement. Par une décision du 29 novembre 2013, l'inspecteur du travail de la 9ème section de la Seine-Saint-Denis, a refusé d'autoriser le licenciement de M. D.... Saisi d'un recours hiérarchique contre cette décision, le ministre du travail a confirmé le refus par une décision du 28 mai 2014. Par un jugement n° 1406158 du 1er décembre 2015, dont la société Frisquet relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 29 novembre 2013 et 28 mai 2014.
3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des représentants du personnel, qui bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent d'une protection exceptionnelle, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'autorité compétente de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que pour refuser l'autorisation de licenciement de M. D..., l'inspecteur du travail puis le ministre du travail ont relevé, d'une part, que si l'employeur reprochait à son salarié de n'avoir pas procédé au contrôle exhaustif de la chaudière lors d'une intervention en date du 8 juillet 2013, en particulier au contrôle de l'étanchéité aéraulique, et d'avoir ainsi mis en danger mortel le client, la matérialité des faits reprochés n'était pas établie et, d'autre part, que quand bien même les faits seraient établis, leur gravité n'était pas justifiée. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. D... a indiqué sur la fiche d'intervention qu'il a remplie, avoir procédé à tous les contrôles obligatoires. Il a ainsi retiré puis remis en place la chambre de combustion contenant les brûleurs. Or lors de l'intervention de M. G..., supérieur hiérarchique de M. D..., le 15 juillet 2013 chez le même client et motivée par une fuite d'eau au niveau de la chaudière, celui-ci a constaté que la chambre de combustion était déboitée et laissait ainsi échapper des produits de combustion, constituant un risque d'intoxication, et que le brûleur s'allumait violemment. Dans ces conditions, la chronologie des faits permet d'établir que le mauvais repositionnement constaté de la chambre de combustion est imputable à la visite d'entretien effectuée une semaine auparavant, et constitue, compte tenu des risques encourus pour le client, une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres fautes invoquées à l'encontre de M. D..., et sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'aucune mesure du taux de monoxyde de carbone n'a été effectuée.
5. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement serait en lien avec le mandat syndical du requérant.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Frisquet est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1406158 attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 29 novembre 2013 et 28 mai 2014.
Sur la requête n° 16VE00294 :
7. Le 5 mars 2014, la société Frisquet a demandé l'autorisation de licencier pour faute grave M. F... D..., salarié protégé. Une décision implicite de rejet est née le 6 mai 2014 du silence gardé par l'inspecteur du travail. Par un jugement n° 1406090 du 1er décembre 2015 dont la société Frisquet relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du 6 mai 2014.
8. En premier lieu, pour demander l'autorisation de licencier M. D..., la société s'est fondée sur le fait que lors de la visite d'entretien d'une chaudière le 14 décembre 2012, celui-ci a laissé la chaudière en sur-débit de gaz, créant ainsi une situation dangereuse d'intoxication, qu'il a commis une erreur de diagnostic en n'identifiant pas l'absence de diaphragme, qu'il n'a pas établi l'attestation d'entretien et de réglage, et de n'a pas fait signer par le client la fiche d'intervention. Il lui était également reproché de ne pas avoir contrôlé le taux de monoxyde de carbone sur trois chaudières le 9 janvier 2014.
9. D'une part, s'il est constant que M. D... n'a pas diagnostiqué l'absence de diaphragme de la chaudière, ce qui a été relevé le 13 décembre 2013, soit un an plus tard, lors d'une visite d'entretien effectuée par M. A..., il ressort des pièces du dossier que ce n'est que trois jours plus tard, le 16 décembre 2013, qu'un diaphragme permettant de calibrer le débit de gaz a été posé sur la chaudière du client. Dans ces conditions, si une faute peut effectivement être imputée à M. D..., il n'est pas établi qu'elle revêtirait un caractère de gravité suffisant justifiant son licenciement.
10. D'autre part, si l'employeur soutient que son salarié n'a pas établi d'attestation d'entretien lors de son intervention du 14 décembre 2012, il ressort toutefois de la fiche d'intervention de M. D... que le tampon " fiche contrôlée " a été apposé, ainsi que le fait valoir le salarié. Au surplus, le comité d'entreprise avait également relevé cet élément et conclut que le salarié avait bien fourni l'ensemble des pièces. Enfin, la circonstance que M. D... n'a pas fait signer la fiche d'intervention, n'est pas de nature à établir que celui-ci aurait commis une faute d'une gravité suffisante justifiant son licenciement.
11. Dans ces conditions, et alors que la société Frisquet ne reprend pas dans sa requête d'appel les griefs formulés à l'encontre de son salarié tenant à l'absence de contrôle du taux de monoxyde de carbone, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. D....
12. L'inspecteur du travail ne s'étant pas fondé sur le motif tiré de l'existence d'un lien entre le licenciement de M. D... et son statut de salarié protégé, le moyen de la société Frisquet tiré de l'absence d'un tel lien est inopérant.
13. Il résulte de ce qui précède que la société Frisquet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1406090 attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du 6 mai 2014.
Sur la requête n° 16VE00295 :
14. Le 22 janvier 2015, la société Frisquet a demandé l'autorisation de licencier pour faute grave M. F... D..., salarié protégé. Par une décision du 25 mars 2015, l'inspecteur du travail de la 9ème section de la Seine-Saint-Denis, a refusé d'autoriser le licenciement de M. D.... Par un jugement n° 1504517 du 1er décembre 2015 dont la société Frisquet relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 mars 2015.
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
15. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments développés par la société requérante ni de faire état des documents produits devant eux, ont suffisamment motivé leur réponse aux moyens présentés par la société Frisquet. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
16. Pour refuser l'autorisation de licenciement de M. D..., l'inspecteur du travail a relevé que si l'employeur reprochait à son salarié de ne pas avoir respecté les consignes de vérification des étanchéités du circuit gaz d'une chaudière lors d'une visite d'entretien chez un client le 19 novembre 2014 et d'avoir ainsi été à l'origine d'une fuite de gaz, la matérialité des faits ne pouvait être regardée comme établie.
17. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la fuite de gaz, détectée le lendemain de l'intervention de M. D..., soit 20 novembre 2014, a nécessité l'intervention des pompiers et d'un agent de Gaz de France (GDF). Le lendemain, le 21 novembre 2014, M. G..., supérieur de M. D... est intervenu au domicile du client en présence d'un agent de GDF, a procédé aux essais nécessaires avant de remettre en fonctionnement la chaudière. La fuite de gaz a alors été identifiée comme provenant de la chaudière, plus particulièrement de l'écrou qui n'était pas serré, et non d'une canalisation de gaz. Compte tenu de l'origine de la fuite de gaz, provenant de l'écrou de la chaudière, mal resserré, et de son emplacement à l'intérieur de la chaudière, difficilement accessible et nécessitant l'utilisation d'une clef, le défaut de serrage de cet écrou imputé à M. D... est ainsi suffisamment établi, et constitue, compte tenu des risques encourus par le client, une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement.
18. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement serait en lien avec le mandat syndical du requérant.
19. Il résulte de ce qui précède que la société Frisquet est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 25 mars 2015.
20. M. D... ayant été licencié par la suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction présentées par la société Frisquet.
Sur les frais liés aux différents litiges:
21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat ou de la société Frisquet, le versement d'une somme à ce titre.
DECIDE :
Article 1er : Les jugements nos 1406158 et 1504517 du Tribunal administratif de Montreuil sont annulés, ainsi que les décisions de l'inspecteur du travail des 29 novembre 2013 et 25 mars 2015, et la décision du ministre du travail du 28 mai 2014.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction présentées par la société Frisquet.
Article 3 : La requête n° 16VE00294 présentée par la société Frisquet est rejetée.
Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour chacune des instances nos 16VE00293, 16VE00294 et 16VE00295 par la société Frisquet ou M. D... sont rejetées.
Nos 16VE00293, 16VE00294, 16VE00295 2