Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2016, M. B..., représenté par Me A..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement du 22 septembre 2016 ainsi que la décision du 18 juillet 2013 ;
2° de condamner la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines à l'indemniser des préjudices économiques et moraux subis ;
3° de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurances maladie des Yvelines la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure prévue par l'article 7.3.1 de la convention nationale des chirurgiens dentistes n'a pas été respectée ;
- la décision n'est pas motivée ;
- la décision est entachée de défaut de base légale ;
- la décision est entachée de détournement de pouvoir ;
- la caisse fait preuve d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de la notion de tact et mesure qui ne peut s'apprécier sur la base d'un seul mois alors que la base de remboursement par la sécurité sociale n'a pas évolué ;
- il a fait preuve de tact et de mesure ;
-la sanction prononcée a généré un préjudice économique et un préjudice moral.
...............................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- l'arrêté du 14 juin 2006 portant approbation de la convention nationale des chirurgiens-dentistes destinée à régir les rapports entre les chirurgiens-dentistes et les caisses d'assurance maladie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...
- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,
- et les observations de Me A... pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 25 septembre 2012, faisant suite à un contrôle effectué entre janvier et juin 2011, la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines a informé M. B..., chirurgien-dentiste, spécialisé en orthodontie faciale, sis au Vésinet, que ses dépassements d'honoraires représentaient 620 746 euros pour un total de 755 164 euros perçus, l'a invité à modifier sa pratique et l'a informé d'une nouvelle analyse de son activité. Par un courrier du 5 novembre 2012, le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines a répondu à la lettre du 23 octobre 2012 du docteur B... pour lui donner les indications précises permettant de considérer sa pratique tarifaire comme non conforme à la notion de tact et de mesure. Par une lettre du 11 décembre 2012, le docteur B... a répondu au directeur de la caisse primaire d'assurance maladie que les cotations du traitement d'orthodontie étant définies pour un semestre, il lui était impossible de modifier sa pratique en un mois comme il le lui demandait. Par un courrier du 19 décembre 2012, la caisse a fait part à M. B... de l'absence d'évolution pour la période du 7 novembre au 7 décembre 2012 et l'a informé de la mise en oeuvre de la procédure conventionnelle de sanction, prévue par les stipulations mentionnées au 2. M. B... a été entendu par la commission paritaire départementale des chirurgiens-dentistes lors de ses séances des 21 février 2013 et 18 mars 2013 afin d'exposer ses arguments. Cette commission n'a pris aucun avis, faute de départage des voix. La commission paritaire nationale des chirurgiens-dentistes s'est réunie le 27 avril 2013 et a émis un avis favorable à la mesure envisagée. En accord avec le directeur de la caisse de mutualité sociale agricole d'Île-de-France et le directeur de la caisse du régime social des indépendants d'Île-de-France, le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines a, par un courrier du 18 juillet 2013, notifié à M. B... la sanction de déconventionnement pour une durée de trois mois dont deux mois avec sursis. Par un jugement du 22 septembre 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. B... tendant d'une part à l'annulation de cette décision et d'autre part à l'indemnisation du préjudice résultant de cette décision. M. B... relève régulièrement appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par la CPAM des Yvelines :
2. Aux termes de l'article L. 162-9 du code de la sécurité sociale : " Les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les auxiliaires médicaux sont définis par des conventions nationales conclues entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et une ou plusieurs des organisations syndicales nationales les plus représentatives de chacune de ces professions ". Aux termes de l'article 7.3.1, intitulé " Le non-respect des règles conventionnelles ", de la convention nationale des chirurgiens-dentistes destinée à régir les rapports entre les chirurgiens-dentistes et les caisses d'assurance maladie approuvée par arrêté du 14 juin 2006 : " En cas de constatation, par une caisse, du non-respect des dispositions de la présente convention par un chirurgien-dentiste libéral, (...) la procédure décrite ci-dessous peut être mise en oeuvre. / En l'absence de modification de la pratique du professionnel dans un délai d'un mois après l'envoi par la caisse d'un avertissement par lettre recommandée avec avis de réception, la CPAM, pour le compte de l'ensemble des caisses, communique le relevé des constatations au chirurgien-dentiste concerné par lettre recommandée avec avis de réception, avec copie aux membres titulaires des deux sections de la CPD. / Le chirurgien-dentiste dispose d'un délai d'un mois à compter de la date de communication du relevé des constatations pour présenter ses observations éventuelles ou être entendu à sa demande par le directeur de la caisse ou son représentant. Le chirurgien-dentiste peut se faire assister par un confrère de son choix. / Lorsque la CPD juge nécessaire de recueillir, auprès du praticien concerné, des éléments d'information relatifs à sa pratique médicale, le relevé de constatations est transmis à la " formation chirurgiens-dentistes " de la CPD. / La commission dans la formation retenue pour donner son avis peut inviter le praticien à lui faire connaître ses observations dans un délai qu'elle lui fixe. Elle peut également demander à l'entendre dans ce même délai. / Durant cette période, le chirurgien-dentiste peut être entendu à sa demande par la formation concernée de la CPD ; il peut se faire assister par un confrère de son choix. / L'avis de la formation concernée de la commission est rendu dans les quatre-vingt-dix jours de la saisine de la CPD. A l'issue de ce délai, l'avis est réputé rendu. / A l'issue de ce délai, les caisses décident de l'éventuelle sanction ". Enfin, aux termes de l'article 7.3.2., intitulé " Mesures encourues ", de la même convention : " Lorsqu'un chirurgien-dentiste ne respecte pas les dispositions de la présente convention, il peut, après mise en oeuvre des procédures prévues au présent titre, encourir une ou plusieurs des mesures suivantes : / (...) - suspension de la possibilité d'exercer dans le cadre conventionnel. / Cette suspension peut être temporaire (une semaine, un, trois, six, neuf, douze mois) ou prononcée pour la durée d'application de la convention, selon l'importance des griefs. / La mise hors convention de trois mois ou plus entraîne la suppression de la participation des caisses aux avantages sociaux pour une durée égale à celle de la mise hors convention ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la lettre adressée par la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines au docteur B... le 25 septembre 2012, qui demande à l'intéressé de se conformer aux règles de tact et de mesure en matière de tarification sous peine d'une sanction, peut être regardée comme une lettre d'avertissement au sens des dispositions de l'article 7.3.1 de la convention des chirurgiens-dentistes précitées. La lettre de communication des constatations postérieures à cet avertissement a été adressée au docteur B... le 19 décembre 2012 et précise que la période d'analyse retenue est celle du 7 novembre au 7 décembre 2012 ; qu'ainsi, le docteur B... a bénéficié d'une période d'un mois, comme stipulé par l'article 7.1.3 de la convention nationale dans sa version alors applicable, pour présenter ses observations écrites au directeur de la caisse. Par suite, le moyen tiré d'une irrégularité de procédure ayant porté une atteinte au respect des droits de la défense doit être écarté.
4. Il résulte des dispositions des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, applicable à la date de la décision attaquée, que le législateur impose à l'autorité qui prononce une sanction l'obligation de préciser dans sa décision les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de la personne intéressée, de sorte que cette dernière puisse, à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, connaître les motifs de la sanction qui la frappe. En l'espèce, la décision attaquée indique que la sanction a été prononcée en raison de ce que, pour la période du 7 novembre au 7 décembre 2012, la pratique tarifaire du requérant ne respectait pas le tact et la mesure pour les soins d'orthodontie au sens de l'article 7.1.3 de la convention nationale des chirurgiens-dentistes, du fait d'un dépassement tarifaire de 100 % des actes d'un montant moyen de 679,20 euros, d'un montant de dépassement de 71 999 euros pour ces actes sur un total de 86 995 euros perçus et pour une part d'honoraires perçus rapportée aux honoraires conventionnels de 580,1 %. Cette décision comportait donc les considérations de droit et de fait qui la fondent, la décision, informant ainsi suffisamment M. B... des motifs de la sanction, conformément aux exigences de la loi du 11 juillet 1979. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, dès lors, être écarté.
5. Aux termes de l'article R. 4127-240 du code de la santé publique : " Le chirurgien-dentiste doit toujours déterminer le montant de ses honoraires avec tact et mesure. Les éléments d'appréciation sont, indépendamment de l'importance et de la difficulté des soins, la situation matérielle du patient, la notoriété du praticien et les circonstances particulières ". Aux termes de l'article 4.2.1 de la convention nationale susmentionnée ; " (...) Les tarifs d'honoraires de soins prothétiques et orthodontiques peuvent faire l'objet d'une entente directe avec le patient dans les conditions fixées ci-dessous (...) / Dans les cas où le chirurgien-dentiste est autorisé à recourir à l'entente directe ou à pratiquer des dépassements, il fixe ses honoraires avec tact et mesure et en informe préalablement le patient ". L'article 7.3.1 de la convention précitée, cité au point 2, prévoit une procédure de sanction en cas d'inexécution des obligations imposées aux chirurgiens-dentistes. L'ensemble de ces dispositions, de valeur réglementaire, satisfait au principe de légalité des délits et des peines en mettant à la charge des chirurgiens-dentistes, en raison de l'activité qu'ils exercent ou de la profession à laquelle ils appartiennent, une obligation de détermination du montant des honoraires avec tact et mesure, assortie de sanctions. Par suite, le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines a pu infliger une sanction à M. B... sans que celle-ci soit dépourvue de base légale.
6. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 4127-240 du code de la santé publique que les chirurgiens-dentistes doivent déterminer le montant de leurs honoraires en prenant en compte les circonstances particulières de leur lieu d'exercice ainsi que la situation des patients, notamment leurs caractéristiques et leurs exigences en matière de qualité des soins, le seul montant des honoraires perçus n'étant qu'un élément d'appréciation du tact et de la mesure avec lequel ces praticiens fixent ces honoraires.
7. Il ressort des pièces du dossier que, pour la période du 7 novembre au 7 décembre 2012, sur laquelle est fondée la décision attaquée, la pratique du requérant a été caractérisée, d'une part, par un dépassement tarifaire de 100 % des actes d'un montant moyen de 679,20 euros, d'autre part, par un montant de dépassement de 71 999 euros pour ces actes sur un total de 86 995 euros perçus, enfin, par une part d'honoraires perçus rapportée aux honoraires conventionnels de 580,1 %. Si ce très haut niveau de tarifs s'explique partiellement par la prise en charge des cas difficiles adressés par d'autres collègues, par son haut niveau expérience et sa notoriété spécificités et la mise en oeuvre au sein d'un laboratoire intégré, ainsi que par les exigences particulières de sa clientèle sise sur la commune du Vésinet, de telles données, qualitatives, ne suffisent pas à expliquer l'important dépassement tarifaire opéré par M. B.... Dans ces conditions, la fixation de ses honoraires par ce dernier démontre une absence de tact et de mesure incompatible avec les dispositions précitées. Le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur d'appréciation sera donc écarté.
7. Enfin, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
8. Ainsi qu'il a été dit en première instance, et n'est d'ailleurs pas contesté, M. B..., avant d'introduire son recours, n'a pas présenté de demande tendant à l'octroi d'une indemnité, et n'a pas régularité ses conclusions indemnitaires par la production d'une telle réclamation avant la date du jugement du 22 septembre 2016. Le contentieux n'étant pas lié, les conclusions susvisées de la requête ne sont pas recevables non plus en appel. Par ailleurs, et en tout état de cause, aucun des moyens soulevés à l'encontre de la décision du 18 juillet 2013 n'est fondé. En l'absence d'illégalité fautive de cette décision, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il ne pouvait rechercher l'engagement de la responsabilité de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Ces dispositions font obstacle à ce que le versement d'une somme à ce titre soit mis à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. B... le versement à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines d'une somme de 2 000 euros à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
N° 16VE03352 2