Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 15 décembre 2016, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1510485 du 21 avril 2016 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2° d'annuler la décision du 13 octobre 2015 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer une habilitation aux fins d'accéder à la zone réservée des plateformes aéroportuaires ;
3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer l'habilitation sollicitée dans un délai de quinze jours à compter de la lecture du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4° d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui communiquer les motifs ayant conduit à lui refuser la délivrance de l'habilitation sollicitée, à défaut d'enjoindre au préfet de communiquer des précisions concernant les " mouvances " évoquées dans la décision attaquée ;
5° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code des transports ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lepetit-Collin, premier conseiller,
- les conclusions de Mme E...,
- et les observations de la représentante du ministre de l'intérieur.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., employée de la société Global Services Handling, exerçant la profession d'agent de transit aéroportuaire depuis le 5 avril 2004, a été promue en 2012 employée de transit qualifiée. Le 5 août 2015, la société GSH a présenté une demande tendant à ce que Mme A... soit habilitée à accéder à la zone de sureté à accès règlementé des plates-formes aéroportuaires. Par une décision en date du 13 octobre 2015, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté cette demande. Mme A... a demandé l'annulation de cette décision au Tribunal administratif de Montreuil qui, par jugement en date du 21 avril 2016, a rejeté sa demande. Mme A... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Aux termes, d'une part, de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 applicable à la date de la décision attaquée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) - refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public ; (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Aux termes de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 visée ci-dessus applicable à la date de la décision attaquée : " I.-Ne sont pas communicables : (...) 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : / a) Au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif ; / b) Au secret de la défense nationale ; / c) A la conduite de la politique extérieure de la France ; / d) A la sûreté de l'Etat, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes ; (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 6342-3 du code des transports : " Les personnes ayant accès aux zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes ou aux approvisionnements de bord sécurisés, ainsi que celles ayant accès au fret, aux colis postaux ou au courrier postal, sécurisés par un agent habilité ou ayant fait l'objet de contrôles de sûreté par un chargeur connu et identifiés comme devant être acheminés par voie aérienne, doivent être habilitées par l'autorité administrative compétente./ La délivrance de cette habilitation est précédée d'une enquête administrative (...) ". Aux termes de l'article
R. 213-3-1 du code de l'aviation civile : " I. - L'habilitation mentionnée à l'article L. 6342-3 du code des transports est demandée par l'entreprise ou l'organisme qui emploie la personne devant être habilitée. (...) / II.-L'habilitation peut être retirée ou suspendue par le préfet territorialement compétent lorsque la moralité ou le comportement de la personne titulaire de cette habilitation ne présente pas les garanties requises au regard de la sûreté de l'Etat, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes, de l'ordre public ou sont incompatibles avec l'exercice d'une activité dans les zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes, dans les lieux de préparation et stockage des approvisionnements de bord, ou des expéditions de fret ou de courrier postal sécurisées et devant être acheminées par voie aérienne, ainsi que dans les installations mentionnées au III de l'article R. 213-3. (...) ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la décision par laquelle un préfet refuse de délivrer ou renouveler une habilitation d'accès à la zone réservée d'un aéroport constitue un refus d'autorisation pour l'application des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, sans être au nombre des décisions refusant une autorisation dont la communication des motifs serait de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978. Cette décision est, en conséquence, soumise à l'obligation de motivation prévue l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979.
5. En l'espèce, pour refuser la demande d'habilitation présentée au nom de Mme A... afin de lui permettre d'accéder en zone de sûreté à accès réglementé des aéroports conformément à l'article L. 6342-3 du code des transports, le préfet de la Seine-Saint-Denis, dans sa décision du 13 octobre 2015, après avoir visé les textes applicables, a rappelé " (...) le contexte créé par les attentats de janvier 2015 et l'activation du Plan Vigipirate en Ile-de-France à son niveau maintenu le plus élevé : alerte attentat ". Il a ensuite ajouté " Considérant qu'il ressort des informations communiquées par les services de police que Madame A... née D... B... née le 27 avril 1983 à Oujda (Maroc) ne remplit plus les conditions nécessaires pour continuer à bénéficier d'une habilitation en zone de sûreté à accès réglementé des plates-formes aéroportuaires ; qu'il est connu pour son appartenance à des mouvances dont la pratique doit être estimée comme dangereuse ; / Considérant qu'il résulte de ces éléments que la situation personnelle de Madame A... née D... est incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées en zone de sûreté à accès réglementé des aérodromes et est susceptible de porter atteinte à la sûreté et à la sécurité de l'Etat ; (...) ". Une telle motivation qui précise ainsi les considérations de droit et, même sommairement, les éléments de fait qui la fondent, satisfait donc aux exigences de motivation issues de la loi du 11 juillet 1979. Le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit donc être écarté.
En ce qui concerne la légalité externe :
6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes tant de la note blanche que des écritures présentées par l'administration en défense, que Mme A... s'était signalée depuis 2014 au titre de son radicalisme religieux et de son soutien pro-palestinien. En effet, le 21 juillet 2014, Mme A... a dessiné le croissant islamique et l'étoile de David et porté l'inscription " Free Palestine " sur des colis qui lui étaient confiés et devaient être acheminés en Palestine, inscriptions ayant nécessité, notamment, l'annulation du vol. Si la requérante soutient ne pas être enregistrée dans le fichier des antécédents judiciaires, exercer son activité professionnelle depuis 2004 sans que son employeur n'ait à se plaindre d'elle et que les actes qui lui sont reprochés constituent des actes isolés et effectués sans conscience des conséquences susceptibles d'en résulter, il demeure que la requérante ne conteste pas ces faits qui, eu égard à leur gravité et à leur caractère récent à la date de la décision attaquée, étaient de nature à la justifier. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'enjoindre une mesure d'instruction supplémentaire sur ce point, le moyen doit être écarté.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
8. Si la requérante soutient que la décision attaquée emporterait des conséquences sur sa situation familiale dès lors qu'elle est mariée, mère de trois enfants et que son mari est sans emploi, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée, dont l'objet est de ne pas autoriser l'intéressée, pour un motif d'ordre public, à accéder à la zone de sûreté à accès réglementé des aéroports, porterait au droit de Mme A... au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent par suite, qu'être écartés.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
N° 16VE03666 2