Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 août 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. A....
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a annulé son arrêté dès lors que les déclarations peu circonstanciées de M. A... relatives à des craintes en cas de retour dans son pays d'origine avaient manifestement pour but de s'opposer à une mesure d'éloignement ; en outre, l'intéressé n'avait formulé aucune demande d'asile lorsqu'il était en zone d'attente ;
- les autres moyens présentés en première instance ne sont pas fondés.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant vietnamien né le 18 mars 1989 à Quang Binh (Vietnam), a débarqué à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle d'un vol en provenance de Rome le 18 juin 2018, muni d'un passeport falsifié. Le même jour, il a fait l'objet d'une décision de refus d'entrée en France et d'un placement en zone d'attente. Par deux fois, les 20 et 25 juin 2018, l'intéressé a refusé d'embarquer sur des vols à destination de Rome. Il a été placé en garde à vue le 25 juin 2018. Par un arrêté du 25 juin 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Le même jour, M. A... a été placé en rétention administrative. Par un arrêté du 26 juin 2018, ledit préfet a refusé son admission au séjour au titre de l'asile et a maintenu l'intéressé en rétention administrative. La demande d'asile de M. B... A... a finalement été enregistrée le 3 juillet 2018 et rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 5 juillet suivant avant que, par un jugement du 11 juillet 2018 dont le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil n'annule les arrêtés en date des 25 et 26 juin 2018.
2. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable du 22 mars 2018 au 1er janvier 2019 : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Tout demandeur reçoit, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, une information sur ses droits et obligations en application dudit règlement, dans les conditions prévues à son article 4. (...) / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) / La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2. / Cette attestation n'est pas délivrée à l'étranger qui demande l'asile à la frontière ou en rétention. ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code dans sa rédaction applicable du 1er novembre 2015 au 1er janvier 2019 : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : 1° L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris une décision d'irrecevabilité en application des 1° ou 2° de l'article L. 723-11 ; / 2° Le demandeur a informé l'office du retrait de sa demande d'asile en application de l'article L. 723-12 ; / 3° L'office a pris une décision de clôture en application de l'article L. 723-13. L'étranger qui obtient la réouverture de son dossier en application de l'article L. 723-14 bénéficie à nouveau du droit de se maintenir sur le territoire français ; / 4° L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; / 5° L'étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; / 6° L'étranger fait l'objet d'une décision définitive d'extradition vers un Etat autre que son pays d'origine ou d'une décision de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande de remise par une cour pénale internationale. / (...) ".
3. Ces dispositions ont pour effet d'obliger l'autorité de police à transmettre au préfet, et ce dernier à enregistrer, une demande d'admission au séjour au titre de l'asile formulée par un étranger à l'occasion de son interpellation. Hors les cas visés tant à l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile concernant l'hypothèse d'un ressortissant étranger placé en rétention, qu'aux 5° et 6° de l'article L. 743-2 du même code, le préfet saisi d'une demande d'asile est ainsi tenu de délivrer au demandeur l'attestation mentionnée à l'article L. 741-1 précité de ce code. Il résulte, en outre, de ces dispositions que le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et, le cas échéant, de celle de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par voie de conséquence, elles font légalement obstacle à ce que le préfet fasse obligation de quitter le territoire français avant d'avoir statué sur cette demande d'admission au titre de l'asile. Ce n'est que dans l'hypothèse où la demande d'admission au séjour a été préalablement rejetée par lui que le préfet peut, le cas échéant sans attendre que l'OFPRA ait statué, décider l'éloignement de l'étranger.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a débarqué le 18 juin 2018 à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle en provenance de Rome. Il a fait l'objet d'une décision de refus d'entrée sur le territoire français et d'un placement en zone d'attente. M. A... a ensuite, à deux reprises, les 20 et 25 juin, refusé d'embarquer sur des vols à destination de Rome. Le 25 juin 2018, l'intéressé a été placé en garde à vue et a ainsi pénétré sur le territoire français. Au cours de son audition par les services de police, celui-ci a indiqué qu'il n'avait pas encore eu le temps de faire une demande d'asile politique et qu'il ne voulait pas retourner au Vietnam car sa vie y serait en danger. Par ces déclarations, M. A... doit être regardé comme ayant demandé le bénéfice de l'asile politique alors qu'il était rentré sur le territoire français. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de M. A... entre dans les cas prévus à l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou des cas où l'attestation prévue à l'article L. 741-1 du même code devait ou pouvait lui être refusée par le préfet. Ainsi, en présence d'une telle demande formulée antérieurement à l'intervention de la mesure d'éloignement en litige, il appartenait aux services de police de l'orienter vers l'autorité préfectorale afin qu'il puisse déposer une telle demande, le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvant utilement se prévaloir, pour justifier sa décision, des considérations selon lesquelles l'intéressé a été informé qu'il avait la possibilité de déposer une demande d'asile lors de son placement en rétention administrative, qu'il n'a accompli aucune démarche pour demander l'asile lorsqu'il était en rétention ou que cette demande a été présentée en vue de s'opposer à une mesure d'éloignement. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait légalement édicter à l'encontre de M. A... une obligation de quitter le territoire français, non plus qu'une décision lui refusant un délai de départ volontaire, lui assignant un pays de retour et lui interdisant le retour pour deux ans, sans que l'administration se soit préalablement prononcée sur la demande d'admission provisoire au séjour en qualité de demandeur d'asile de M. A....
5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil a annulé ses arrêtés.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.
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N° 18VE02918