Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 mars 2019, Mme A...B..., représentée par Me Maillard, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement et l'arrêté du 11 octobre 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé son transfert aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile ;
2° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis d'enregistrer sa demande d'asile en procédure " normale ", de la transmettre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), de lui remettre la liasse " OFPRA " et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure " normale " dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3° à défaut, d'enjoindre audit préfet de procéder au réexamen de sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure " normale " durant cet examen ;
4° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence en ce qu'il n'est pas établi que la personne signataire ait bénéficié d'une délégation de signature ;
- il est entaché d'un défaut de motivation, au regard des dispositions des articles
L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, la preuve de la délivrance, sans délai, des informations prévues à cet article, de manière complète, dans une langue qu'elle comprend et avant l'entretien individuel, n'ayant pas été apportée ;
- il méconnaît les dispositions des articles 9 et 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'elle n'a reçu aucune information relative au relevé de ses empreintes digitales ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du
26 juin 2013 dès lors qu'elle n'a pas bénéficié des services d'un interprète durant l'entretien individuel et que ni l'identité ni la qualification de la personne ayant mené cet entretien ne sont établies ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- il est entaché d'un défaut de base légale dès lors que le préfet n'établit pas que la requérante a sollicité l'asile auprès des autorités espagnoles ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en ne tenant pas compte, pour déterminer l'Etat membre de sa demande d'asile, de la présence en France de membres de sa famille ;
- il méconnaît les dispositions des articles 7 et 16 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en ce qu'elle est âgée de 67 ans et que son état de santé implique nécessairement que les membres de sa famille la soutiennent moralement et physiquement ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire application de la " clause discrétionnaire " prévue à l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Margerit a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...B..., ressortissante syrienne, née le 1er janvier 1951 à Idleb (Syrie), a quitté son pays et traversé notamment l'Espagne où ses empreintes ont été relevées le 23 septembre 2015 en catégorie 1. Elle est entrée irrégulièrement sur le territoire français le
1er février 2016, où elle a présenté une demande d'asile le 22 mai 2018, avant de se voir remettre une attestation de demande d'asile " procédure Dublin ". Les autorités espagnoles, saisies d'une demande de reprise en charge de l'intéressée le 7 juin 2018, ont accepté leur responsabilité par un accord intervenu le 18 juin 2018. Par un arrêté du 11 octobre 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé son transfert aux autorités espagnoles responsables de l'examen de sa demande d'asile, aux motifs, notamment, que l'intéressée a franchi irrégulièrement la frontière espagnole en venant d'un pays tiers et y a déposé une demande d'asile, que sa situation personnelle ou familiale ne la fait pas relever des autres critères de rattachement, que les éléments de fait et de droit ne relèvent pas des dérogations prévues par les articles 17.1 ou 17.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, que, célibataire et mère de deux enfants dont l'un vivant en France et l'autre en Syrie, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à cette même convention en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de sa demande d'asile. Cet arrêté précise que le transfert de Mme B... devait avoir lieu dans les six mois suivant l'accord de ces mêmes autorités, ce délai pouvant toutefois être porté à douze mois en cas d'emprisonnement voire à dix-huit mois en cas de fuite. Par un jugement du 22 octobre 2018, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la requête de Mme B...tendant à l'annulation de cet arrêté du 11 octobre 2018. Mme B...relève régulièrement appel de ce jugement.
2. En premier lieu, Mme B...reprend en appel, en des termes identiques et sans élément nouveau, les moyens soulevés en première instance et tirés de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen, de l'absence de dépôt d'une demande d'asile devant les autorités espagnoles et de la méconnaissance des articles 4, 5, 9, 16 et 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé et de la méconnaissance des articles 9 et 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 susvisé. Dans ces conditions, la requérante n'apporte pas d'élément de nature à remettre en cause l'appréciation motivée qui a été portée par le premier juge. Il suit de là que ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif aux points 4 à 27 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, Mme B...soutient en appel que la décision de transfert litigieuse méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. MmeB..., âgée de 67 ans, soutient qu'elle est veuve depuis le décès de son époux en Syrie et a choisi de quitter ce pays, pour vivre en France aux cotés de son frère et de sa soeur, ainsi que de leurs enfants. Toutefois, elle est la mère de deux enfants dont, si l'un réside en France, l'autre réside en Syrie où elle-même a toujours vécu. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré, par l'intéressée de ce que l'arrêté attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.
5. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier la portée.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé son transfert aux autorités espagnoles. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction assorties d'une astreinte et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE:
Article 1 : La requête de Mme B...est rejetée.
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N° 19VE01099