Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif enregistrés les 4 et 14 avril 2016, le centre hospitalier intercommunal du Raincy-Montfermeil, représenté par Me C..., demande à la cour :
1° d'annuler ledit jugement ;
2° de rejeter la demande de la caisse régionale maladie d'Ile-de-France (CRAMIF).
Il soutient que :
- les conclusions de la CRAMIF sont irrecevables en tant qu'elles excèdent les montants demandés en première instance ;
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que les premiers juges ont jugé que la rente d'invalidité versée par la CRAMIF était imputable à l'infection dont a été victime Mme A... et était destinée à compenser la perte de revenus liée à l'incapacité en résultant ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que les débours de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis étaient directement liés à l'infection nosocomiale dont a été victime Mme A... ;
- le tribunal administratif n'a pas évalué le préjudice professionnel de Mme A... pour fixer le droit à remboursement de la CRAMIF ; il n'a pas évalué la perte de revenus professionnels, ni évalué le préjudice subi au titre de l'incidence professionnelle ; il n'a pas été indiqué si Mme A... avait subi des pertes de gains professionnels futurs ; il n'est pas établi que le dommage subi à la suite de l'accident du 17 juin 2005 peut être regardé comme étant à l'origine d'un préjudice justifiant une réparation au titre de l'incidence professionnelle ; le tribunal n'a donc pas procédé à l'évaluation préalable du préjudice professionnel de la victime avant de déterminer l'étendue de la créance de la caisse ;
- il n'apparait pas qu'un préjudice professionnel aurait été subi par Mme A... ; l'incidence professionnelle n'est pas davantage établie.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 3 décembre 2019 :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., née le 30 octobre 1969, a été victime le 17 juin 2005 d'un accident de la circulation à l'origine d'une fracture bi-tubérositaire à grand déplacement du tibia gauche. Au décours de l'intervention qui lui a été pratiquée ce même jour au sein du centre hospitalier intercommunal du Raincy-Montfermeil, elle a contracté une infection des tissus cutanés et osseux ayant justifié de nombreuses reprises chirurgicales au cours des années 2006 et 2007. Mme A..., atteinte d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 24 % par une expertise conduite par la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM), a été placée en position d'invalidité, avec versement d'une pension de 1ère catégorie, par décision de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (CRAMIF) du 30 mai 2008 prenant effet le 17 juin suivant. Estimant l'infection en cause d'origine nosocomiale et la responsabilité du centre intercommunal du Raincy-Montfermeil engagée de ce chef sur le fondement des dispositions du second alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, la CRAMIF a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner cet hôpital à lui verser la somme de 99 255, 10 euros correspondant aux arrérages échus et à échoir de la pension d'invalidité qu'elle sert à Mme A.... Par jugement n°1503739 en date du 4 février 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a condamné le centre hospitalier intercommunal du Raincy-Montfermeil à verser à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France une somme de 24 377, 90 euros et à lui rembourser, pour l'avenir et sur justificatif, les deux tiers de la pension d'invalidité servie à Mme A... dans la limite de 41 792 euros, les intérêts au taux légal sur la somme de 21 491, 22 euros à compter du 28 avril 2015, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis une somme de 60 716, 02 euros et la somme de 1 037 euros en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Le centre hospitalier intercommunal du Raincy-Montfermeil relève appel de ce jugement. La caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis et la CRAMIF présentent, quant à elles, des conclusions d'appel incident.
Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis tendant à ce que soit déclarée recevable son intervention volontaire :
2. Si la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'admettre son intervention volontaire au présent litige, il résulte de l'instruction qu'en vertu de l'article 1er d'une " convention relative au transfert de l'activité recours contre tiers " conclue le 30 mars 2018 entre la CRAMIF et la caisse, la caisse primaire d'assurance maladie " prend en charge le recours contre tiers relatif aux assurés de son département auxquels ont été versées des pensions d'invalidité par la CRAMIF " moyennant une opération financière et comptable décrite à l'article 4 de cette même convention. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'accueillir ses conclusions à fin d'intervention, il y a lieu de prendre acte de ce que la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis vient, dans la présente instance, aux droits de la CRAMIF.
Sur la régularité du jugement :
3. Si, dans sa requête sommaire, le centre hospitalier soutenait que le jugement du Tribunal administratif de Montreuil est insuffisamment motivé, ce grief, qui n'a pas été repris ni précisé dans son mémoire ampliatif ou ses écritures complémentaires, n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien fondé.
Sur le remboursement des débours de la CRAMIF aux droits de laquelle est venue la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis exposés dans le cadre de la pension d'invalidité servie à Mme A... et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée par le centre hospitalier en défense :
4. Il n'est plus contesté en appel que Mme A..., à la suite de l'opération du 17 juin 2005, a contracté une infection nosocomiale dans les services du centre hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil engageant la responsabilité de ce dernier à son égard. Seule demeure contestée, tant dans le cadre de l'appel principal que des appels incidents, la condamnation par le Tribunal administratif de Montreuil à rembourser à la CRAMIF, au titre des arrérages échus de la pension d'invalidité servie à Mme A..., la somme de 24 377,90 euros ainsi que la condamnation à lui verser pour l'avenir et sur justificatif les arrérages à échoir et les condamnations accessoires liées à elle.
5. Eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par ces dispositions législatives et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du code de la sécurité sociale, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité. Dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice et ne saurait s'imputer sur le déficit fonctionnel permanent.
6. Le centre hospitalier intercommunal conteste le principe même de sa condamnation par les premiers juges à rembourser à la CRAMIF, aux droits de laquelle est venue la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis ainsi qu'il a été dit, une partie des arrérages de la pension d'invalidité servie à Mme A... en soutenant, d'une part, que Mme A... ne se serait prévalue d'aucun préjudice professionnel qui ne serait ainsi lui-même pas établi. Il conteste, d'autre part, l'imputabilité à l'infection nosocomiale contractée par la victime de son invalidité.
7. D'une part, si, ainsi que l'ont relevé les premiers juges au point 7 de leur jugement, la circonstance que la victime n'ait pas sollicité l'indemnisation d'un poste de préjudice au titre duquel la caisse demande le remboursement par le tiers responsable des prestations le réparant de manière incontestable, ne fait pas obstacle à ce que les caisses de sécurité sociales demandent au juge le remboursement de leurs débours dans la limite de la part des conséquences dommageables de l'accident dont le tiers est directement responsable, ainsi que le soutient le centre hospitalier, les premiers juges ne pouvaient le condamner à supporter, même partiellement, la charge financière liée à la rente d'invalidité servie à la victime, sans déterminer au préalable l'ampleur des préjudices subis par Mme A... et donc identifier et évaluer les postes de préjudices sur lesquels imputer ces sommes. La CRAMIF demandant l'imputation de ces sommes sur les postes de pertes de revenus de la victime, d'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent, il appartenait aux premiers juges de vérifier l'existence du chef de préjudice de pertes de revenus subies par la victime après consolidation, seul poste réellement invoqué par la CRAMIF et sur lequel peuvent être imputés les arrérages de la pension d'invalidité servie à Mme A... avant de chiffrer les débours au remboursement desquels la caisse pouvait prétendre à ce titre le cas échéant.
8. D'autre part, si, au terme de son rapport d'expertise, le Docteur Philippe Wintrebert conclut qu'à la date de consolidation de Mme A..., le 21 mai 2008, cette dernière restait atteinte d'un déficit fonctionnel permanent en lien avec l'infection nosocomiale évalué à 15% et consistant en une claudication, des douleurs et une gêne dans les déplacements, il n'a pas retenu de préjudice professionnel estimant que compte tenu de l'activité exercée, il ne pouvait être retenu " en l'état actuel ", de préjudice professionnel. Si la CRAMIF a, le 30 mai 2008, estimé que cette dernière présentait une invalidité réduisant au moins des deux tiers sa capacité de travail ou de gain et justifiant son classement dans la première catégorie des invalides à compter du 17 juin 2008 et se prévaut d'une attestation de son médecin conseil, cette attestation ne suffit pas à regarder comme établie l'existence d'un préjudice professionnel en lien avec l'infection compte tenu des conclusions sus rappelées du rapport d'expertise. Par ailleurs, il n'est pas établi que lie licenciement de Mme A..., en 2009, ait été en lien avec cette incapacité, alors, par ailleurs, que l'expert n'a pas envisagé la nécessité d'un reclassement.
9. Dès lors, nonobstant l'attestation rédige par le médecin conseil de la CRAMIF, il ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme existant de préjudice professionnel de la victime en lien avec les séquelles de l'infection nosocomiale contractée par Mme A... lors de l'intervention chirurgicale du 17 juin 2005. Dès lors, sans qu'il soit besoin de prononcer une expertise complémentaire sur ce point, le centre hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n°1503709 en date du 4 février 2016, le Tribunal administratif de Montreuil l'a condamné à verser à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France une somme de 240377, 90 euros assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts et à lui rembourser pour l'avenir et sur justificatif, les deux tiers de la pension d'invalidité servie à Mme A... dans la limite de 41 792 euros. La caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis venue aux droits de la CRAMIF n'est par ailleurs pas fondée à se plaindre du rejet du surplus des conclusions de sa demande portant sur le remboursement de ces mêmes débours. L'ensemble de ses conclusions d'appel incident tendant notamment au relèvement de la somme au versement de laquelle le centre hospitalier avait été condamné au même titre ne peuvent donc, par conséquent, qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis en son nom propre :
10. Si la condamnation du centre hospitalier par les premiers juges à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis la somme de 60 716, 02 euros au titre des débours exposés par cette caisse n'est pas contestée en appel, la caisse sollicite de la Cour que lui soit accordé le bénéfice des intérêts au taux légal sur cette somme et la réévaluation de l'indemnité forfaitaire de gestion allouée par les premiers juges. Or, il résulte de l'instruction que la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, qui avait d'ailleurs présenté cette demande devant les premiers juges, peut en effet prétendre au bénéfice des intérêts au taux légal sur la somme de 60 716, 02 euros à compter du 4 février 2016 ainsi qu'elle le demande.
11. Par ailleurs, le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion ayant été porté à la somme de 1 080 euros par arrêté du 27 décembre 2018 publié le 30 décembre 2018, il y a lieu de porter à 1 080 euros le montant accordé à ce titre par le Tribunal administratif de Montreuil à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis à l'article 4 de son jugement.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis venue aux droits de la CRAMIF demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, par ailleurs, de faire application de ces dispositions et faire droit aux conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis présentées en son nom propre sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1503739 du 4 février 2016 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis venue aux droits de la CRAMIF tendant à la condamnation du centre hospitalier intercommunal du Raincy-Montfermeil à lui rembourser les sommes versées au titre de la pension d'invalidité servie à Mme A... sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions d'appel incident présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis venue aux droits de la CRAMIF et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La somme de 60 716, 02 euros à laquelle le centre hospitalier intercommunal du Raincy-Montfermeil a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis par l'article 3 du jugement n°1506920 du 18 février 2016 du Tribunal administratif de Montreuil portera intérêts à compter du 4 février 2016.
Article 5 : La somme mise à la charge du centre hospitalier intercommunal du Raincy-Montfermeil par l'article 4 du jugement n°1506920 du 18 février 2016 du Tribunal administratif de Montreuil est portée à la somme de 1 080 euros.
Article 6 : Le jugement n°1503739 du 4 février 2016 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
N°16VE00977 2