Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 février 2017, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Montreuil n°1603225 du 8 décembre 2016 ;
2° de rejeter les conclusions présentées par M. B... devant le Tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- les premiers juges ont statué ultra petita, en considérant que la demande de M. B..., dirigée contre la seule décision du 29 février 2016, devait être regardée comme tendant également à l'annulation de la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis en date 24 août 2015 ;
- ils ont entaché leur jugement d'erreur de droit en admettant la recevabilité de la requête de M. B... dès lors que, d'une part, aucune ambiguïté n'était à déplorer dans la mention des voies et délais de recours et, d'autre part, la décision ministérielle contestée n'était qu'une décision confirmative de la décision préfectorale devenue définitive ;
- ils ont commis une erreur de droit en considérant que la décision de refus d'habilitation était insuffisamment motivée.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'aviation civile ;
- le code des transports ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. La société Entreprise R. Reiner, qui employait M. B... en qualité d'agent d'exploitation, a sollicité le 21 mai 2015, pour le compte de son employé, le renouvellement de l'habilitation qui lui avait été délivrée lui permettant d'accéder à la zone de sûreté à accès réglementé des plates-formes aéroportuaires des aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle et du Bourget. Par une décision du 24 août 2015, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté cette demande. M. B... a formé, tout à la fois, un recours gracieux et un recours hiérarchique contre cette décision. Ces recours ont été rejetés par décisions expresses en date des 6 novembre 2015 et 29 février 2016. M. B... a dès lors saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 24 août 2015, de la décision du 6 novembre 2015 rejetant son recours gracieux et de la décision du 29 février 2016 rejetant son recours hiérarchique. Par un jugement du 8 décembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé les trois décisions précitées et enjoint au préfet de réexaminer la demande de M. B.... Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux et ou un recours hiérarchique avant de former un recours contentieux. L'exercice de tels recours administratifs n'ayant d'autre objet que d'inviter l'administration à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet de ces décisions doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet des recours administratifs dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. En conséquence, il appartient au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet d'un ou des recours administratifs, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale. Dès lors, c'est sans statuer ultra petita que les premiers juges, saisis d'une demande tendant exclusivement à l'annulation de la décision du ministre rejetant le recours hiérarchique de M. B..., a regardé ces conclusions comme dirigées, également, contre la décision du 24 août 2015 lui refusant le renouvellement de son habilitation ainsi que contre la décision du 6 novembre 2015 rejetant son recours hiérarchique. C'est donc à tort que le ministre de l'intérieur soutient que le tribunal administratif a statué ultra petita.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, le ministre soutient que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas accueilli la fin de non-recevoir soulevée en première instance et tirée tout à la fois de la tardiveté de la requête et du caractère confirmatif de la décision du ministre du 29 février 2016 rejetant le recours hiérarchique exercé par M. B.... Il ressort toutefois des pièces du dossier que la décision du 24 août 2015 indiquait : " la présente décision peut être contestée dans les deux mois suivant sa notification : / - soit par voie de recours gracieux formé auprès de M. le préfet de la Seine-Saint-Denis (...) / - soit par voie de recours hiérarchique formé auprès de M. le ministre de l'intérieur ; / - soit par voie de recours contentieux déposé devant le tribunal administratif de votre lieu de résidence " sans aucune autre précision quant aux règles de computation des délais. La décision du préfet de la Seine-Saint-Denis rejetant le recours gracieux présenté le 21 octobre 2015 par M. B... précisait, quant à elle, que
M. B... pouvait " dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision " " déposer soit un recours hiérarchique auprès du Ministre de l'Intérieur, soit un recours contentieux auprès du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise. ". Or il ressort des pièces du dossier que, contrairement aux indications portées sur le recours hiérarchique présenté par M. B..., ce dernier n'a pas été présenté concomitamment au recours gracieux quand bien même il est également daté du 21 octobre 2015, mais a été présenté à la suite de la réception de de la décision expresse de rejet du recours gracieux du préfet de la Seine-Saint-Denis qui comportait les mentions sus-rappelées, ainsi qu'en attestent la circonstance que le recours hiérarchique de M. B... fait référence à cette décision de rejet de son recours gracieux et la circonstance que ce recours hiérarchique a été réceptionné le 28 décembre 2015 par les services du ministre de l'intérieur. Ainsi, à la lecture des mentions portées tant sur la décision initiale que sur la décision de rejet du recours gracieux que M. B... a bien reçu préalablement à l'introduction de son recours hiérarchique, ce dernier pouvait raisonnablement penser pouvoir introduire un recours hiérarchique prorogeant le délai du recours contentieux et donc sans compromettre la recevabilité de son recours contentieux. Cette ambiguïté dans le rappel des règles de computation des délais a donc fait obstacle à que ce que le délai de recours contentieux courre avant la date de notification de la décision de rejet du recours hiérarchique de M. B.... Ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges n'ont pas retenu la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de l'intérieur en première instance. C'est également à bon droit qu'ils n'ont pas retenu la seconde fin de non-recevoir, liée à la première, tirée du caractère confirmatif de la décision du ministre rejetant le recours hiérarchique de M. B....
4. En second lieu, aux termes, d'une part, de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 visée ci-dessus : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) - refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public ; (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Aux termes de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 visée ci-dessus applicables à la date de la décision attaquée : " I.-Ne sont pas communicables : (...) 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : / a) Au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif ; / b) Au secret de la défense nationale ; / c) A la conduite de la politique extérieure de la France ; / d) A la sûreté de l'Etat, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes ; (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 6342-3 du code des transports : " Les personnes ayant accès aux zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes ou aux approvisionnements de bord sécurisés, ainsi que celles ayant accès au fret, aux colis postaux ou au courrier postal, sécurisés par un agent habilité ou ayant fait l'objet de contrôles de sûreté par un chargeur connu et identifiés comme devant être acheminés par voie aérienne, doivent être habilitées par l'autorité administrative compétente./ La délivrance de cette habilitation est précédée d'une enquête administrative (...) ". Aux termes de l'article
R. 213-3-1 du code de l'aviation civile : " I. - L'habilitation mentionnée à l'article L. 6342-3 du code des transports est demandée par l'entreprise ou l'organisme qui emploie la personne devant être habilitée. (...) / II.- L'habilitation peut être retirée ou suspendue par le préfet territorialement compétent lorsque la moralité ou le comportement de la personne titulaire de cette habilitation ne présente pas les garanties requises au regard de la sûreté de l'Etat, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes, de l'ordre public ou sont incompatibles avec l'exercice d'une activité dans les zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes, dans les lieux de préparation et stockage des approvisionnements de bord, ou des expéditions de fret ou de courrier postal sécurisées et devant être acheminées par voie aérienne, ainsi que dans les installations mentionnées au III de l'article R. 213-3. (...) ".
6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la décision par laquelle un préfet refuse de délivrer ou renouveler une habilitation d'accès à la zone réservée d'un aéroport constitue un refus d'autorisation pour l'application des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, sans être au nombre des décisions refusant une autorisation dont la communication des motifs serait de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978. Cette décision est, en conséquence, soumise à l'obligation de motivation prévue l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979.
7. Or, pour refuser la demande d'habilitation présentée au nom de M. B... afin de lui permettre d'accéder en zone de sûreté à accès réglementé des aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle conformément à l'article L. 6342-3 du code des transports, le préfet de la Seine-Saint-Denis, dans sa décision du 24 août 2015, s'est borné à indiquer : " Considérant le contexte créé par les attentats de janvier 2015 et l'activation du plan Vigipirate en Ile-de-France à son niveau maintenu le plus élevé : alerte attentat ; (...) qu'il ressort des informations communiquées par les services de police que Monsieur B... A... (...) ne remplit pas les conditions nécessaires pour continuer à bénéficier d'une habilitation en zone de sûreté à accès réglementé des plates-formes aéroportuaires ; (...) qu'il résulte de ces éléments que la situation personnelle de Monsieur B... A... est incompatible avec l'exercice de ses fonctions ou des missions envisagées en zone de sûreté à accès réglementé des aérodromes et est susceptible de porter atteinte à la sûreté et à la sécurité de l'Etat ; (...) en conséquence, (...) il convient de rejeter la demande tendant à ce qu'il soit habilité pour accéder à la zone de sûreté à accès réglementé des plates-formes aéroportuaires (...) ". Une telle motivation, qui ne précise aucun des éléments de faits ayant servi de fondement à la décision refusant à M. B... le renouvellement de son habilitation, ne satisfait pas aux exigences de motivation issues de la loi du 11 juillet 1979.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé les décisions du préfet de la Seine-Saint-Denis en date des 24 août et 6 novembre 2015, ainsi que la décision du ministre de l'intérieur en date du 29 février 2016.
Sur les frais liés au litige :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, le versement à M. B... d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. B... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N°17VE00481 2