Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 juin 2016, la SARL HAKIM COIFFURE, représentée par Me Megherbi, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement et la décision du 22 octobre 2013 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
2° de mettre à la charge de l'OFII le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société requérante soutient que :
- la décision litigieuse est entachée de défaut de motivation sur les éléments factuels propres à sa situation professionnelle et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est de bonne foi ; en particulier, elle ignorait que M. B...A...était en situation irrégulière alors qu'il a usurpé l'identité d'une autre personne ;
- la décision litigieuse est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 8253-2 du code du travail.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Besson-Ledey,
- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,
- et les observations de Me Megherbi pour la SARL HAKIM COIFFURE.
Considérant ce qui suit :
1. Lors d'un contrôle effectué le 27 novembre 2012 dans le salon de coiffure exploité par la SARL HAKIM COIFFURE à Sarcelles (Val d'Oise), les agents de police ont constaté la présence d'un employé en situation de travail, M. B...A...aliasG..., démuni de titre l'autorisant à séjourner et à travailler en France. Par une décision du 22 octobre 2013, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de la SARL HAKIM COIFFURE, d'une part, la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 6 980 euros et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée, du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 2 124 euros. Le 11 décembre 2013, la société a formé un recours gracieux rejeté implicitement par l'OFII. Par un jugement du 9 mai 2016, dont la SARL HAKIM COIFFURE relève appel, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 octobre 2013.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent./ A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) - infligent une sanction (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. La décision contestée vise notamment les articles L. 8251-1 et L. 8253-1 du code du travail, l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le procès-verbal d'infraction dressé le 27 novembre 2012 à l'encontre de la SARL KAHIM COIFFURE, ainsi que les modalités de calcul et les montants de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine mises à sa charge. Par suite, elle comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision en litige doit être écarté.
4. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte pas de l'instruction que sa situation personnelle n'aurait pas fait l'objet de la part de l'OFII d'un examen particulier, alors au demeurant qu'elle a été mise en mesure de formuler ses observations le 16 septembre 2013.
5. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 applicables au présent litige dès lors qu'il s'agit d'un litige de plein contentieux et que ces dispositions sont plus douces que celles antérieurement applicables : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-2 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 : " I.-Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II.-Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles
R. 8252-6 et R. 8252-7 / III.-Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. ". Enfin aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. ".
6. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur. Par ailleurs, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie.
7. Il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal dressé le 27 novembre 2012, que M. E...F..., gérant de la SARL HAKIM COIFFURE, a déclaré que lors de l'embauche de M. B...A...aliasG..., celui-ci ne lui a présenté qu'une copie d'une carte de résident, sans qu'il réclame l'original et que Mme D...C..., comptable de la société, a indiqué qu'aucune vérification d'identité n'avait été faite alors qu'il appartient à tout employeur de s'assurer de la régularité de la situation de ses employés au regard de la réglementation en vigueur, notamment auprès des services de la réglementation de l'entrée et du séjour des étrangers de la préfecture de son ressort territorial. Lors de son audition, M. B... A... aliasG..., de nationalité algérienne, a confirmé être dépourvu de titre l'autorisant à séjourner et à travailler en France. Si la SARL HAKIM COIFFURE soutient qu'elle est de bonne foi, en ce qu'elle a déclaré M. A...auprès de l'URSSAF, l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail est constituée du seul fait de l'emploi d'un travailleur étranger démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français, l'élément intentionnel étant sans influence sur le bien-fondé de la contribution spéciale mise à la charge de l'employeur qui a contrevenu à ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'erreur d'appréciation ne peut qu'être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par l'OFII, que la SARL HAKIM COIFFURE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 octobre 2013.
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SARL HAKIM COIFFURE au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la SARL HAKIM COIFFURE la somme demandée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL HAKIM COIFFURE est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N° 16VE01723 5