Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 mai 2015, M.B..., représenté par Me Bisalu, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3° d'enjoindre au préfet des Yvelines de réexaminer son dossier et d'autoriser le regroupement familial au profit de ses filles ;
4° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- dès lors que son logement est décent et respecte la condition de surface posée par le 2° de l'article D. 542-14 du code de la sécurité sociale, et qu'il dispose des ressources nécessaires la décision attaquée crée une inégalité de traitement entre sa famille et les autres familles de taille comparable ;
- le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que le centre de ses intérêts est en France et que la décision attaquée a pour effet de le séparer de ses enfants restés en Haïti ;
- le préfet a porté atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, en méconnaissance de l'article 3, alinéa 1er, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors qu'il est dans l'intérêt de ces derniers de vivre en France auprès de leurs parents ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation et une erreur de droit, compte tenu de ce qu'il ne l'a pas invité à intégrer son fils resté en Haiti dans sa demande de regroupement familial, et de l'ensemble de ce qui précède.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990, notamment son article 3, alinéa 1er ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 8 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Margerit,
- et les conclusions de Mme Orio, rapporteur public.
1. Considérant que M. A...B..., né le 11 avril 1969 à Gonaïves, en Haïti, pays dont il est ressortissant, entré en France en avril 2001, a sollicité, le 6 mai 2013, le regroupement familial au bénéfice de ses filles, Mlle C...B..., née le 15 février 1996, et Mlle E...B..., née le 15 mars 1996, restées en Haïti ; que, par une décision du 21 octobre 2013, le préfet des Yvelines a rejeté cette demande ; que le requérant relève régulièrement appel du jugement en date du 9 avril 2015 du Tribunal administratif de Versailles ayant rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 21 octobre 2013 ;
2. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans " ; qu'aux termes de l'article L. 411-4 du même code : " L'enfant pouvant bénéficier du regroupement familial est celui qui répond à la définition donnée au dernier alinéa de l'article L. 314-11. / Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 411-1 à L. 411-3. Un regroupement partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. " ; qu'aux termes de l'article L. 411-5 du même code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. (...) ; / 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; / 3° Le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. " ; qu'aux termes de l'article R. 411-5 du même code : " Pour l'application du 2° de l'article L. 411-5, est considéré comme normal un logement qui : / 1° Présente une superficie habitable totale au moins égale à : / - en zone A : 22 m² pour un ménage sans enfant ou deux personnes, augmentée de 10 m² par personne jusqu'à huit personnes et de 5 m² par personne supplémentaire au-delà de huit personnes ; / (...) ; / 2° Satisfait aux conditions de salubrité et d'équipement fixées aux articles 2 et 3 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l'application de l'article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain. (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 542-14 du code de la sécurité sociale : " Le logement au titre duquel le droit à l'allocation de logement est ouvert doit être occupé à titre de résidence principale et répondre aux conditions suivantes : / 1° Remplir les caractéristiques de logement décent telles que définies par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l'application des premier et deuxième alinéas de l'article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 modifiée tendant à améliorer les rapports locatifs. / (...). / 2° Présenter une surface habitable globale au moins égale à seize mètres carrés pour un ménage sans enfant ou deux personnes, augmentée de neufs mètres carrés par personne en plus dans la limite de soixante-dix mètres carrés pour huit personnes et plus. " ;
3. Considérant qu'il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet s'est fondé, pour rejeter la demande de M.B..., sur les dispositions précitées du 3° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont relatives aux principes essentiels régissant la vie familiale en France, et non sur celles précitées du 1° ou du 2° du même article, qui posent des conditions respectives de ressources et de logement pour le bénéfice du regroupement familial ; que le préfet des Yvelines était tenu d'examiner si le fait d'autoriser le regroupement familial dans ces conditions était conforme à l'intérêt des enfants de M.B..., conformément aux dispositions précitées de l'article L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la lumière des principes essentiels régissant la vie familiale en France, visés par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 411-5 du même code ; qu'ainsi, compte tenu du caractère particulier de la demande de regroupement familial présentée par le requérant, le préfet devait nécessairement faire application de ces dernières dispositions, alors même que l'intéressé remplirait les conditions posées par le 1° et le 2° du même article ;
4. Considérant, dès lors que, sa demande ayant été formée au seul bénéfice de ses filles, à l'exclusion de son fils, le préfet n'était pas tenu de l'inviter à intégrer ce dernier à la demande regroupement familial ;
5. Considérant que le moyen tiré par le requérant de ce qu'il disposerait de ressources suffisantes et d'un logement adapté pour accueillir ses enfants en France est inopérant ;
6. Considérant, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article 3, alinéa 1er, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a sollicité un regroupement familial partiel au bénéfice de ses filles, Mlle C...B..., née le 15 février 1996, et Mlle E...B..., née le 15 mars 1996, à l'exclusion de son fils, M. D...B..., né le 25 juin 1997 resté seul en Haïti ; qu'il fait valoir que, si ses trois enfants ont vocation à le rejoindre en France, son fils peut rester seul dans ce pays, compte tenu du caractère insuffisant de son logement pour accueillir ses trois enfants ;
7. Considérant, qu'eu égard à la circonstance que le requérant ait présenté une demande de regroupement familial au bénéfice unique de ses deux filles, à l'exclusion de son fils âgé de seulement 16 ans, le préfet a pu, à bon droit, considérer, d'une part, qu'une réponse favorable à cette demande aurait eu pour effet de porter atteinte à l'unité de la famille, protégée par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et d'autre part, qu'une réponse positive aurait eu pour effet de porter atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant, protégé par l'article 3, alinéa 1er, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que, dans ces conditions, le préfet n'a ni méconnu ces stipulations, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en rejetant la demande de regroupement familial partiel présentée par M. B...;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement en date du 9 avril 2015 le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 21 octobre 2013 ; qu'il y a lieu, dès lors, de rejeter ses conclusions d'excès de pouvoir, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées dans le cadre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas partie perdante dans la présente instance ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...B...est rejetée.
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N° 15VE01494