Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 juin 2016, MmeA..., représentée par Me Lévy, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3° d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un certificat de résident algérien sur le fondement des stipulations du b) de l'article 7 bis ou du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, en application des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative ;
4° à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, en application des dispositions des articles L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative ;
5° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A...soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- l'illégalité du refus de titre de séjour entache d'illégalité cette décision ;
- elle méconnaît les stipulations du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Margerit,
- et les observations de Me Lévy, pour MmeA....
1. Considérant que Mme A..., ressortissante algérienne née le 22 mai 1952, a sollicité le 19 mars 2013 son admission au séjour sur le fondement des dispositions du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ; qu'elle relève appel du jugement du 13 mai 2016 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 mai 2015 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement ;
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 aujourd'hui codifié à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques (...) ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi aujourd'hui codifié à l'article L. 211-5 du même code: " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;
3. Considérant que la décision de refus de titre de séjour précise les considérations de fait et de droit qui la fondent, permettant à Mme A... d'en contester utilement les motifs ; qu'en particulier, s'agissant de la motivation en fait, le préfet a indiqué que l'intéressée, avec un visa " visite familiale ", était entrée récemment en France, où elle n'avait jamais été admise à séjourner durablement, avait " un(e) frère/soeur " qui résidait en Algérie où elle avait vécu jusqu'à l'âge de soixante ans ; que, par suite, et alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation privée et familiale de la requérante et que certaines de ses mentions sont rédigées à l'aide de formules stéréotypées, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de titre de séjour manque en fait ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (...) b) A l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 9 du même accord : " (...) pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. " ; qu'il résulte de ces stipulations combinées, telles qu'elles sont rédigées depuis l'entrée en vigueur le 1er janvier 2003 de l'avenant du 11 juillet 2001 à l'accord franco-algérien, que la délivrance aux ressortissants algériens d'un certificat de résidence en tant qu'ascendant d'un ressortissant français n'est pas subordonnée à la présentation d'un visa de long séjour, mais seulement à la régularité du séjour en France de l'intéressé ;
5. Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que, dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;
6. Considérant que pour refuser à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'ascendant de ressortissant français, le préfet des Yvelines s'est uniquement fondé sur la circonstance que l'intéressée était entrée en France sous couvert d'un visa de court séjour " visite familiale " ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, le préfet ne pouvait sans commettre d'erreur de droit lui opposer la condition tenant à la détention d'un visa de long séjour, cette condition n'étant plus requise pour obtenir un certificat de résidence sur le fondement de l'article 7 bis b) précité ;
7. Considérant, cependant, que, pour établir que la décision litigieuse était légale, le préfet des Yvelines a invoqué, dans son mémoire en défense présenté en première instance et qui a été communiqué à Mme A..., un autre motif, tiré de ce qu'elle ne justifie pas d'un soutien financier de son fils antérieurement à son entrée en France et n'établit pas davantage être dans l'incapacité de subvenir à ses besoins en cas de retour dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de soixante ans éloignée de son fils et sans l'aide de ce dernier ;
8. Considérant que l'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à la délivrance d'un certificat de résidence au bénéfice d'un ressortissant algérien qui fait état de sa qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français, peut légalement fonder sa décision de refus sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant, dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son descendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins, ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si Mme A..., qui est divorcée de son époux depuis 1977, fait valoir qu'elle n'a jamais travaillé et, qu'ainsi, elle ne pourrait prétendre en cas de retour en Algérie qu'à une allocation forfaitaire de solidarité, les pièces produites, tant en première instance qu'en appel, ne permettent pas d'établir que son fils la prenait en charge financièrement antérieurement à la date de son arrivée en France ; qu'il suit de là que le motif tiré de l'absence de prise en charge financière de la requérante par son fils antérieurement à son arrivée en France est de nature à justifier légalement la décision attaquée du 12 mai 2015 ; qu'il résulte de l'instruction que le préfet des Yvelines aurait pris la même décision s'il s'était initialement fondé sur ce motif ; que, dès lors qu'elle ne prive l'intéressée d'aucune garantie procédurale, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de procéder à la substitution de motifs demandée ;
10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) " ;
11. Considérant que Mme A..., entrée en France le 19 décembre 2012, ne peut justifier d'un séjour habituel prolongé sur le territoire national ; que si la requérante fait état de la présence en France de son fils et de sa petite-fille, elle n'apporte pas d'éléments suffisamment probants permettant d'attester le caractère indispensable de sa présence à leurs côtés et ne justifie pas davantage d'une intégration particulière dans la société française ; que si elle se prévaut du soutien financier de son fils, la décision litigieuse ne fait pas obstacle à ce que ce dernier continue de la prendre en charge financièrement ; qu'en outre, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où réside encore sa soeur et où elle a vécu jusqu'à l'âge de soixante ans ; qu'enfin, si elle se prévaut de son état de santé, elle n'établit pas le caractère indispensable d'un suivi médical spécifique en France en produisant deux certificats médicaux, établis postérieurement à la date de l'arrêté attaqué, et n'apporte d'ailleurs aucune précision quant au coût dudit traitement et à l'impossibilité pour elle de bénéficier en Algérie, à quelque titre que ce soit, d'une aide financière ou d'une prise en charge sociale de ses dépenses de santé ; que, par suite, eu égard aux conditions de son séjour en France, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Yvelines aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus de titre de séjour ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
12. Considérant, en dernier lieu, qu'au vu des éléments qui viennent d'être exposés, le moyen tiré de ce que préfet des Yvelines aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur la situation personnelle de Mme A... doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. Considérant, en premier lieu, que Mme A... n'établissant pas que la décision lui refusant la délivrance de son titre de séjour en qualité d'ascendant d'un ressortissant français serait illégale, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondée et doit, en conséquence, être rejetée ;
14. Considérant, en deuxième lieu, qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que, lorsque la loi ou une convention internationale prévoit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;
15. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit: (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;
16. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 11, Mme A... ne remplissait pas à la date l'arrêté attaqué les conditions pour obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; qu'en outre, ainsi qu'il a été dit au point 9, le préfet n'a pas méconnu les stipulations du b) de l'article7 bis de l'accord franco-algérien en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'ascendant d'un ressortissant français ; que, par suite, le préfet pouvait légalement assortir sa décision de refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ;
17. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Yvelines aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de Mme A... ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
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N° 16VE01736