Par une requête enregistrée le 31 janvier 2019 et un mémoire en réplique enregistré le 9 février 2021, M. B...'homme, représenté par Me Barthélémy, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement et l'arrêté du 10 juin 2016 du préfet de police ;
2° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme totale de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés tant en première instance qu'en appel.
M. B...'homme soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne répond pas au moyen tiré de l'autorité de la chose jugée ;
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en acceptant de procéder à une substitution de motifs alors qu'elle l'a privé d'une garantie de procédure essentielle ; au surplus, la matérialité des faits sanctionnés par l'arrêté du 18 mai 2015 du préfet de police n'est pas établie ;
- la matérialité des faits sanctionnés par l'arrêté du 10 juin 2016 du préfet de police de Paris n'est pas établie ;
- le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'il présentait une menace à l'ordre public ;
- le préfet de police de Paris a commis un détournement de procédure en utilisant une mesure de sauvegarde de l'ordre public à des fins de sanction ;
- la mesure d'interdiction prise par le préfet de police est disproportionnée.
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Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté en date du 10 juin 2016, le préfet de police a interdit à M. B...'homme, pour une durée de neuf mois, de pénétrer et de se rendre aux abords des enceintes où devaient se dérouler des manifestations sportives de l'équipe de football du Paris Saint-Germain (PSG) ou de l'équipe de France de football ou lors des retransmissions en direct de celles-ci. M. B...'homme relève appel du jugement du 17 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort de l'examen du jugement attaqué du tribunal administratif de Montreuil, notamment de son point 9, que les premiers juges ont répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée. Dès lors, M. B...'homme n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'une irrégularité de ce chef.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 332-16 du code du sport : " Lorsque, par son comportement d'ensemble à l'occasion de manifestations sportives, par la commission d'un acte grave à l'occasion de l'une de ces manifestations, du fait de son appartenance à une association ou un groupement de fait ayant fait l'objet d'une dissolution en application de l'article L. 332-18 ou du fait de sa participation aux activités qu'une association ayant fait l'objet d'une suspension d'activité s'est vue interdire en application du même article, une personne constitue une menace pour l'ordre public, le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, prononcer à son encontre une mesure d'interdiction de pénétrer ou de se rendre aux abords des enceintes où de telles manifestations se déroulent ou sont retransmises en public. / L'arrêté, valable sur le territoire national, fixe le type de manifestations sportives concernées. Il ne peut excéder une durée de vingt-quatre mois. Toutefois, cette durée peut être portée à trente-six mois si, dans les trois années précédentes, cette personne a fait l'objet d'une mesure d'interdiction. / Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent également imposer, par le même arrêté, à la personne faisant l'objet de cette mesure l'obligation de répondre, au moment des manifestations sportives objet de l'interdiction, aux convocations de toute autorité ou de toute personne qualifiée qu'il désigne. Le même arrêté peut aussi prévoir que l'obligation de répondre à ces convocations s'applique au moment de certaines manifestations sportives, qu'il désigne, se déroulant sur le territoire d'un Etat étranger. Cette obligation doit être proportionnée au regard du comportement de la personne. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative compétente peut, notamment, prononcer une mesure d'interdiction de pénétrer ou de se rendre aux abords d'une enceinte sportive à l'encontre d'une personne qui, à l'occasion de plusieurs manifestations sportives, a adopté un comportement indiscipliné ou perturbateur constituant une menace pour l'ordre public.
4. En premier lieu, il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif de Montreuil, après avoir estimé que l'arrêté attaqué du préfet de police, motivé par le comportement de M. B...'homme lors de la seule rencontre de football ayant eu lieu le 13 mars 2016 au stade de Troyes, n'était pas fondé sur des éléments caractérisant un comportement d'ensemble représentant une menace pour l'ordre public au sens des dispositions précédemment citées du code du sport, a procédé à une substitution de motifs en considérant qu'outre le comportement du requérant à l'occasion de la manifestation sportive du 13 mars 2016 il y avait lieu, ainsi que le faisait valoir le préfet de police en défense, de tenir compte également pour apprécier si M. B...'homme, par son comportement d'ensemble, constituait une menace pour l'ordre public, de la circonstance qu'il avait fait l'objet, le 18 mai 2015, d'un arrêté par lequel il lui avait été interdit de pénétrer et de se rendre aux abords des enceintes où sont organisées des manifestations sportives des équipes de football féminines et masculines du Paris Saint-Germain ou des retransmissions en public de telles manifestations.
5. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B...'homme a été mis à même, antérieurement à l'édiction de l'arrêté litigieux du 10 juin 2016, de faire valoir ses observations sur la mesure envisagée par le préfet de police. S'il n'a pas pu dans ce cadre formuler des observations sur la précédente mesure d'interdiction administrative de stade prise à son encontre le 18 mai 2015, cette circonstance ne faisait pas obstacle à la substitution de motif à laquelle les premiers juges ont procédé dès lors que celle-ci n'a pas privé le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué. Il est par ailleurs constant que les parties ont pu débattre en première instance de la substitution de motif envisagée. Dans ces conditions, M. B...'homme n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de Montreuil aurait à tort admis de procéder à cette substitution de motif.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B...'homme, qui se présente lui-même comme supporter du Paris Saint-Germain, a été identifié dans le stade de Troyes, le 13 mars 2016, par photographie puis par contrôle d'identité par les services de police, lors de la rencontre entre l'équipe de football de Troyes et celle du PSG. Il se trouvait dans l'espace extérieur à la zone des supporters encadrés et reconnus par ce dernier club et faisait partie d'un groupe de supporters entonnant des chants d'encouragement pour l'équipe du PSG. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas violé l'arrêté du 10 mars 2016 de la préfète de l'Aube, interdisant pour le 13 mars, de 7h à 19h, à toute personne se prévalant de la qualité de supporter du Paris Saint-Germain ou se comportant comme tel, qui ne serait pas encadré et reconnu par le club du PSG, d'accéder au stade de l'Aube. M. B...'homme n'est pas non plus fondé à contester avoir méconnu l'arrêté du 13 mars 2016 du ministre de l'intérieur interdisant, de 0h à minuit, le déplacement individuel ou collectif, par tout moyen, de toute personne se prévalant de la qualité de supporter du club du PSG ou se comportant comme tel, à l'exception de celles se déplaçant dans le cadre du dispositif d'accompagnement et d'encadrement mis en place par ce club, entre les communes de la région Ile-de-France et la commune de Troyes.
8. Par ailleurs, M. B...'homme s'est fait remarquer le 26 avril 2015 par son comportement lors d'une rencontre sportive, en participant à un attroupement non autorisé sur la voie publique à proximité du stade Charléty, faisant usage de plusieurs fumigènes susceptibles de gêner les sportifs, en participant à des chants contestataires à l'égard du plan de sécurité du club de football et a été interpellé par les services de police pour avoir refusé d'obéir aux sommations de dispersion, ces faits ayant conduit le préfet de police, par un arrêté du 18 mai 2015, à interdire à l'intéressé de pénétrer et de se rendre aux abords des enceintes où se déroulent des manifestations sportives des équipes de football féminines et masculines du PSG ou des retransmissions en public de celles-ci pour une durée d'un mois. Si le requérant conteste la matérialité et la qualification des faits ayant donné lieu à cette interdiction, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de sa contestation de la matérialité des faits qui lui sont reprochés par l'autorité administrative, la circonstance que des arrêtés pris au regard des mêmes faits aient été annulés pour excès de pouvoir étant sans incidence sur la légalité de la décision prise à l'encontre du requérant.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 8 que la matérialité des faits justifiant la mesure d'interdiction du 10 juin 2016 est, contrairement à ce que soutient M. B...'homme, établie par les éléments produits par le préfet de police.
10. En troisième lieu, au regard de l'ensemble des faits relevés par l'autorité administrative, rappelés aux points 7 et 8 qui précèdent, le préfet de police a fait une exacte application des dispositions précédemment citées de l'article L. 332-16 du code du sport en estimant que le comportement d'ensemble de M. B...'homme constituait une menace pour l'ordre public et en prenant, sur le fondement de ces dispositions, la mesure d'interdiction administrative de stade du 10 juin 2016.
11. En quatrième lieu, eu égard aux faits reprochés à M. B...'homme, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en fixant la durée de l'interdiction administrative de stade à neuf mois, le préfet de police ait pris une mesure disproportionnée aux buts de protection de l'ordre public en vue de laquelle elle a été édictée.
12. En cinquième lieu, l'autorité de la chose jugée en matière pénale ne s'attache qu'aux décisions des juridictions de jugement qui statuent sur le fond de l'action publique. Tel n'est pas le cas des décisions de classement sans suite prises par le ministère public, quelles que soient les constatations sur lesquelles elles sont fondées. Par suite, M. B...'homme n'est pas fondé à soutenir que les décisions de classement sans suite prises par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Troyes et par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris feraient obstacle à la mesure d'interdiction administrative du 10 juin 2016 en litige.
13. En dernier lieu, M. B...'homme soutient que l'arrêté attaqué serait entaché d'un détournement de procédure, le préfet de police visant à le sanctionner pour son comportement et non à protéger l'ordre public. Il ressort cependant des pièces du dossier, et notamment des termes de l'arrêté en litige, que la mesure d'interdiction administrative de stade prise à l'encontre du requérant ne vise pas à sanctionner son comportement passé mais à prévenir des troubles à l'ordre public à l'occasion des prochains matchs de l'équipe du PSG ou de l'équipe de France de football. Ainsi, l'arrêté attaqué du 10 juin 2016 n'est entaché ni de détournement de procédure, ni de détournement de pouvoir.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...'homme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...'homme est rejetée.
N° 19VE00347 2