Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 septembre 2018, Mme B..., représentée par Me Verallo-Borivant, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler cet arrêté ;
3° de condamner la commune de Dugny à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation de ses préjudices ;
4° de condamner la commune de Dugny à lui verser une somme de 100 euros en réparation de l'illégalité de l'arrêté du 13 mars 2017 ;
5° de mettre à la charge de la commune de Dugny la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative, dès lors que les premiers juges se sont bornés à reprendre la motivation de l'arrêté du 13 mars 2017 sans en apprécier la légalité ;
- la décision attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière, dès lors qu'aucune enquête n'a été menée par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ;
- l'administration aurait dû transmettre à la commission de réforme un rapport écrit du médecin du travail ;
- le médecin chargé de la prévention n'a pas assisté à la réunion de la commission de réforme, en méconnaissance des dispositions de l'article 18 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- elle n'a pas été informée de la possibilité de faire entendre le médecin de son choix par la commission de réforme, en méconnaissance des dispositions de l'article 19 du même décret ;
- en lui opposant le tableau des maladies professionnelles du code de la sécurité sociale, inapplicable aux agents de la fonction publique, l'administration a commis une erreur de droit ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, les fonctionnaires bénéficiant d'une présomption d'imputabilité depuis l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;
- son préjudice moral s'élève à 10 000 euros ; elle a dû faire l'avance de frais médicaux ; elle a été victime d'une discrimination directe et indirecte ; l'illégalité de la décision lui refusant la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie lui a causé un préjudice de 100 euros.
------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., pour la commune de Dugny.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., née le 1er février 1960, est agent technique territorial titulaire, employée par la commune de Dugny en qualité d'agent d'entretien depuis 2002. Placée en congé de maladie à compter du 2 novembre 2015, elle a présenté le 13 avril 2016 une demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Après un avis défavorable de la commission de réforme le 27 février 2017, le maire de la commune de Dugny a rejeté, par un arrêté du 13 mars 2017, la demande de Mme B... au motif qu'" elle présente une autre pathologie au niveau de l'épaule (...) prépondérante (...) ne pouvant être reconnue imputable au service. De plus, celle-ci est indépendante d'une éventuelle maladie professionnelle et évolue pour son propre compte. Enfin, l'omarthrose centrée ne fait pas partie des tableaux des maladies professionnelles de la sécurité sociale ". Le recours gracieux et la demande indemnitaire présentés le 24 mars 2017 par l'intéressée ont été rejetés par le maire de la commune de Dugny le 10 avril 2017. Mme B... relève appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 20 juillet 2018 rejetant sa demande tendant à l'annulation de ces décisions, ainsi que ses conclusions indemnitaires.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Si la requérante soutient que le jugement attaqué méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 9 du code de justice administrative, dès lors que les premiers juges se sont bornés à citer la motivation de l'arrêté du 13 mars 2017 sans en apprécier la légalité, il résulte de l'examen du point 2 de ce jugement que le tribunal administratif, qui ne s'est pas contenté de reproduire la motivation de cet arrêté, a suffisamment précisé les raisons pour lesquelles il a estimé que cet acte ainsi que la décision susmentionnée du 10 avril 2017 étaient suffisamment motivés en fait et en droit. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé doit être écarté.
Au fond :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
4. D'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article 9 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, dans sa version alors applicable : " Le médecin du service de médecine préventive prévu à l'article 108-2 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée compétent à l'égard du fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir s'il le demande communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion. Il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 16, 23, 24 et 33 ci-dessous. L'intéressé et l'administration peuvent faire entendre le médecin de leur choix par le comité médical ". Aux termes de son article 16, alors en vigueur : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 modifié relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales est obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 57 (2°, 2e alinéa) de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui lui est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive compétent à l'égard du fonctionnaire concerné. Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. La commission de réforme n'est pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration. La commission de réforme peut, en tant que de besoin, demander à l'administration de lui communiquer les décisions reconnaissant l'imputabilité ".
6. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.
7. Mme B... soutient pour la première fois en appel que la décision attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière, dès lors qu'aucun rapport écrit du médecin du travail n'a été transmis à la commission de réforme. S'il est constant que la requérante a été examinée le 7 janvier 2016 par le médecin agréé, lequel a établi un rapport qui a été transmis à la commission de réforme, il ne ressort pas des pièces du dossier que le médecin du service de médecine préventive compétent aurait établi et remis un rapport à cette commission, en application des dispositions citées au point 5. Si la commune du Dugny verse au dossier un courrier du médecin du travail du 22 octobre 2015 adressé à la commission de réforme, il n'est pas établi que ce document concernait la demande de reconnaissance de maladie professionnelle de Mme B..., celle-ci ayant été présentée postérieurement, le 13 avril 2016, ainsi qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, et compte tenu de la nature des missions dévolues au médecin du service de médecine préventive, lesquelles ne se confondent pas avec celles d'un médecin agréé, Mme B... doit être regardée comme ayant été privée en l'espèce d'une garantie. Ce vice de procédure entache d'illégalité l'arrêté attaqué du 13 mars 2017.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer expressément sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions à fin d'annulation.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
9. L'annulation prononcée ci-dessus est fondée sur le seul vice de procédure résultant de l'absence de communication à la commission de réforme du rapport écrit du médecin du service de médecine préventive, en méconnaissance des dispositions précitées des articles 9 et 16 du décret du 30 juillet 1987. En l'absence de lien de causalité direct et certain entre l'illégalité de l'arrêté attaqué et les préjudices dont Mme B... fait état, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité en tant qu'elles excèdent celles présentées en première instance.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une somme à la commune de Dugny au titre de ces dispositions. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de la commune de Dugny en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1704752 du 20 juillet 2018 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B....
Article 2 : L'arrêté n° 2017/113 du 13 mars 2017 du maire de la commune de Dugny et la décision du 10 avril 2017 rejetant le recours gracieux de Mme B... sont annulés.
Article 3 : La commune de Dugny versera la somme de 1 500 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Dugny présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
N° 18VE03290 2