Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juin 2018, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° et de rejeter les demandes présentées par M. C... devant le Tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- le tribunal a retenu à tort que la communication de l'" avis définitif sur mémoire en défense " à M. C... la veille du conseil de discipline constituait une irrégularité de nature à entacher la légalité de la procédure suivie ; cet avis définitif ne comportait aucun nouveau grief mais avait pour objectif d'apporter aux membres du conseil de discipline des précisions notamment à la suite des écritures de M. C... ; l'intéressé, qui était en mesure de comprendre rapidement le sens et la portée de ces documents et qui pouvait fait part de ses observations lors du conseil de discipline, n'a formulé aucune critique lors de la séance du conseil de discipline et n'a pas demandé à bénéficier d'un report de séance ; l'avis définitif du 15 mars 2017 n'a exercé aucune influence sur le sens de l'avis rendu par le conseil de discipline ;
- les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal ne sont pas fondés.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., directeur des services douaniers exerçant les fonctions de chef de la division de surveillance 2 au sein de la direction régionale de Roissy Voyageurs, a fait l'objet d'une sanction disciplinaire d'abaissement de deux échelons par un arrêté du directeur général des douanes et droits indirects du 11 avril 2017. Par un arrêté du 21 avril 2017, la sous-directrice des douanes a procédé à cet abaissement. A la demande de M. C..., le Tribunal administratif de Montreuil a, par le jugement attaqué du 27 avril 2018, annulé ces deux arrêtés. Le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS fait appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 1er du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " L'administration doit dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l'encontre d'un fonctionnaire informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. ". Aux termes de son article 3 : " Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le Conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Le droit de citer des témoins appartient également à l'administration. (...) ". Aux termes de l'article 5 de ce même texte : " Lorsque le conseil de discipline examine l'affaire au fond, son président porte, en début de séance, à la connaissance des membres du conseil les conditions dans lesquelles le fonctionnaire poursuivi et, le cas échéant, son ou ses défenseurs ont exercé leur droit à recevoir communication intégrale du dossier individuel et des documents annexes. / Le rapport établi par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou par un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance. / (...) Le fonctionnaire et, le cas échéant, son ou ses défenseurs peuvent, à tout moment de la procédure devant le conseil de discipline, demander au président l'autorisation d'intervenir afin de présenter des observations orales. Ils doivent être invités à présenter d'ultimes observations avant que le conseil ne commence à délibérer. ".
3. Par une note n° 16002546 du 29 août 2016 adressée à la directrice générale, le directeur interrégional des douanes et droits indirects de Roissy a sollicité l'ouverture d'une procédure disciplinaire à l'encontre de M. C..., alors chef de la division de surveillance 2 à Roissy. M. C... a reçu notification, le 25 janvier 2017, d'une note datée du 10 janvier 2017 contenant l'exposé de l'ensemble des griefs retenus par l'administration à son encontre. L'intéressé a consulté son dossier individuel et les pièces de l'enquête administrative le 2 février suivant et a produit des observations écrites le 23 février 2017. Le 21 février 2017, il a été convoqué à la séance du conseil de discipline du 17 mars 2017. Toutefois, la veille de cette séance, le directeur interrégional des douanes a notifié à M. C... une note portant " avis définitif sur mémoire en défense " accompagné de douze pièces jointes. Le tribunal a retenu que cette communication tardive avait entaché d'irrégularité la procédure disciplinaire. Toutefois, les éléments contenus dans cette note concernant notamment les changements d'équipe et les mises en garde adressées à l'intéressé figuraient déjà dans la note du 10 janvier 2017 dont il avait eu préalablement connaissance. Les statistiques concernant la formation professionnelle visaient à corroborer un grief déjà formulé à l'encontre de l'intéressé. En outre, la circonstance que l'administration présenterait une perception biaisée des témoignages fournis par la défense ne constitue pas un élément nouveau.
4. Dans ces conditions, dès lors que cette note ne contenait aucun élément nouveau dont M. C... n'aurait pas eu préalablement connaissance, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que la décision de sanction était entachée d'un vice de procédure et à demander, pour ce motif, son annulation. En tout état de cause, M. C... n'établit ni même n'allègue qu'il aurait sollicité le report de la séance du conseil de discipline un délai supplémentaire pour prendre connaissance de ces documents et ne démontre pas davantage que ces derniers auraient eu une influence sur l'avis du conseil de discipline.
5. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le Tribunal administratif de Montreuil et devant la Cour.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...) ".
7. M. C... soutient que l'arrêté n'a pas été signé de manière manuscrite par le directeur général des douanes mais seulement par l'apposition d'une signature scannée. Toutefois, l'argumentation du requérant fondée sur l'absence de validité d'une signature scannée est inopérante dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'arrêté litigieux aurait été signé par le directeur général des douanes selon un tel procédé. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) Infligent une sanction ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Ces dispositions imposent à l'autorité qui prononce la sanction de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent concerné, de telle sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de cette décision, connaître les motifs de la sanction qui le frappe.
9. M. C... soutient que la décision est insuffisamment motivée dès lors qu'à aucun moment, il n'est indiqué la date de la commission des faits (insultes, moqueries) qui lui sont reprochés. Toutefois, l'arrêté contesté énonce de manière précise et extrêmement détaillée sur dix pages les motifs de faits sur lesquels il se fonde et notamment les emportements verbaux, ruptures de dialogue, déloyautés reprochés au requérant. La décision en litige expose ainsi les griefs retenus à l'encontre de M. C... de manière suffisamment circonstanciée pour le mettre à même de déterminer les faits que l'autorité disciplinaire entend lui reprocher. La décision attaquée est par suite suffisamment motivée alors même qu'elle ne mentionne pas la date précise de certains faits. M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté qu'il conteste serait insuffisamment motivé.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : " Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. (...) / Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de l'agent avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire ". Lorsqu'une loi nouvelle institue ainsi, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'une action disciplinaire dont l'exercice n'était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est applicable aux faits antérieurs à la date de son entrée en vigueur mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir qu'à compter de cette date. Il suit de là que le délai institué par les dispositions précitées a couru, en ce qui concerne les faits antérieurs au 22 avril 2016, date d'entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016, à compter de cette date.
11. Si M. C... soutient que la sanction disciplinaire est fondée sur des faits prescrits, il n'invoque aucun fait précis retenu par l'administration à son encontre mais se borne à une allégation d'ordre général. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'à supposer que certains manquements auraient été commis et connus il y a plus de trois ans à la date de la décision attaquée, ils n'étaient pas prescrits lorsque l'administration a engagé une procédure disciplinaire à l'encontre de M. C.... Dans ces conditions, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la sanction attaquée serait fondée sur des faits prescrits.
12. En quatrième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
13. Il résulte des termes de l'arrêté contesté que pour prononcer la sanction contestée, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS a retenu, d'une part, que par ses propos ou attitudes insultantes, ses violences verbales, ses ruptures brutales de dialogue et sa condescendance à l'égard des femmes, M. C... avait gravement manqué à son devoir de correction vis-à-vis de ses agents, de l'encadrement intermédiaire et de sa hiérarchie, d'autre part, qu'en adoptant un management autoritaire, autocentrée, basé sur l'arbitraire et la restriction voire le dénigrement des compétences de ses collaborateurs, M. C... avait manqué à ses obligations et enfin qu'en ne respectant pas ou en entravant de manière réitérée les instructions et orientations de la direction régionale et de la direction interrégionale, M. C... avait fait preuve de déloyauté vis-à-vis de sa hiérarchie et entravé la bonne marché du service.
14. M. C... conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés. Toutefois, s'agissant des propos ou attitudes insultants, violences verbales et ruptures de dialogue, les pièces du dossier et notamment les témoignages recueillis lors de l'enquête administrative permettent de considérer ces faits comme établis et les deux attestations produites par le requérant, rédigées par des agents du service et qui évoquent leurs bonnes relations avec
M. C..., ne permettent pas d'infirmer les faits retenus par la décision. S'agissant du management autoritaire et auto-centré, il est constant que l'adjointe du requérant s'est vu priver de toute attribution opérationnelle, que différents agents de l'encadrement intermédiaire ne disposaient pas des périmètres d'action habituels et que le requérant a tenu des propos désobligeants à l'encontre d'agents ne partageant pas son point de vue. Enfin, s'agissant de la désobéissance et de la déloyauté, il ressort des pièces du dossier que M. C... a délibérément désobéi aux directives de ses supérieurs concernant notamment la définition des priorités du service, les relations avec autres divisions et la campagne d'évaluation professionnelle. De la même façon, les arguments avancés par M. C... concernant les actions de formation professionnelle ne permettent pas de contredire utilement le fait, retenu par le ministre, que l'intimé s'est montré critique sur le volume trop important de formation professionnelle et qu'il s'est abstenu de diffuser en temps utile certaines notes émanant du service de formation professionnelle. En outre, il est également établi que M. C... a fait obstacle à l'accès de certains agents à des actions de formation. De façon globale, il ressort des témoignages des personnes placées sous l'autorité de M. C... que le comportement de ce dernier a placé les agents dans une situation de stress, de doute et de découragement incompatible avec le bon fonctionnement du service. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas matériellement établis. Ces faits présentent un caractère fautif justifiant une sanction disciplinaire.
15. Eu égard à la gravité des faits reprochés, au niveau de responsabilités de
M. C... et à la circonstance que l'intéressé a été alerté à plusieurs reprises par ses propres supérieurs sur son comportement, la sanction d'abaissement de deux échelons n'apparaît pas disproportionnée.
16. Enfin, le détournement de pouvoir allégué, tiré de la volonté supposée de l'administration de protéger le supérieur de M. C... qui aurait lui-même commis des faits de harcèlement moral, n'est pas établi.
17. Par ailleurs, il n'appartient pas au juge administratif, saisi d'un recours pour excès de pouvoir à l'encontre d'une sanction disciplinaire infligée à un agent public, de substituer une sanction plus douce à celle prononcée par l'administration, en particulier celles résultant de l'article 31 de la loi du 6 août 2019.
18. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que le rejet de la demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Montreuil.
Sur les frais liés à l'instance :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés par M. C... non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1704694 du 27 avril 2017 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Montreuil ainsi que ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
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N° 18VE02114