Procédure devant la Cour :
Par une ordonnance n° 15PA00077 du 19 février 2015, enregistrée le 27 février 2015, le président de la Cour administrative d'appel de Paris a transmis à la Cour de céans, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 9 janvier 2015, présentée par l'UNIVERSITE PARIS XIII.
Par cette requête, et par deux mémoires enregistrés les 22 juillet 2015 et 6 mai 2016, l'UNIVERSITE PARIS XIII, représentée par son président et par Me Pierre Le Bouedec, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter les conclusions à fin d'annulation des arrêtés du 29 avril 2011, 2 mai 2011 et 22 juin 2011 de M.D... ;
3° de confirmer le rejet des demandes indemnitaires de M.D... ;
4° de mettre à la charge de M.D... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier :
- en ce qu'il est entaché d'une grave insuffisance de motivation pour avoir fait prévaloir, sans explication autre que laconique, les deux rapports médicaux réalisés postérieurement à la période de congé en cause, méconnaissant ainsi la portée des avis du comité médical départemental rendus collégialement exigés par l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 et de l'article 7 du décret du 14 mars 1986 ; ces avis du comité médical ne faisaient que confirmer deux expertises réalisées les 26 mai 2007 et 25 octobre 2008 par le DrA..., praticien hospitalier, faisant état de l'apparition de difficultés comportementales de l'intéressé depuis une dizaine d'années, ainsi que trois expertises successives réalisées à la demande du comité départemental de la Seine-Saint-Denis par le DrG..., psychiatre agréé, aboutissant à des conclusions similaires ; en revanche, le rapport du Dr C...a été établi bien après la période de congé litigieuse des années 2008 à 2011 et, ne se prononce pas sur l'état de santé de M. D...au cours de ladite période ; ce rapport a été établi à titre privé à la seule demande de M. D...de sorte que ce rapport ne peut prétendre à l'objectivité, outre qu'il n'est pas exhaustif ; le Dr C...n'exclut pas l'existence de troubles comportementaux chez M.D... ; le rapport du Dr E...a été établi bien après la période durant laquelle M. D...a été placé en congé de longue durée, par un seul docteur, à l'occasion d'un unique entretien, de sorte qu'il ne peut avoir une valeur identique à celles des avis émis par les comités médicaux, organismes collégiaux seuls compétents pour se prononcer sur le placement d'un agent en congé de longue durée ; il démontre également que M. D...souffre, en tout état de cause, de troubles importants ; en s'abstenant d'ordonner une mesure d'instruction supplémentaire pour trancher définitivement la question relative aux examens réalisés en 2013 et 2014 pouvant faire naître un doute dans l'appréciation de l'état de santé de M.D..., le tribunal a insuffisamment instruit le dossier et par suite n'a pas motivé sa décision ;
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en s'appuyant sur deux rapports médicaux réalisés postérieurement à la période de congé en cause alors que les différents avis du comité médical départemental, seuls requis par les textes, concluaient à l'inaptitude totale et définitive de l'intéressé ;
- le tribunal a inexactement qualifié juridiquement les faits : les avis sur lesquels l'administration s'est appuyée étaient dépourvus d'ambigüité, comme les trois expertises du DrG..., tandis que les deux expertises, très postérieures à la période de congé litigieuse, et par suite moins pertinentes, sur lesquels le tribunal s'est fondé pour écarter ces avis faisaient elles-mêmes état de l'apparition de difficultés comportementales de l'intéressé ; en outre, le Dr C...ne prétendait pas tirer de conclusions pour la période 2008-2011 mais à la date de son expertise ; les autres documents médicaux présentés par l'intéressé ne permettent pas de tirer de conclusions sur les troubles mentaux, alors que les pièces du dossier justifiaient un placement en congé de longue durée ;
- statuant par la voie de l'évocation, ou par l'effet dévolutif, la Cour rejettera les conclusions à fin d'annulation :
- dès lors que la demande présentée devant le tribunal était tardive ;
- et qu'elles sont infondées, les décisions attaquées n'étant entachées ni d'une insuffisante motivation, une telle absence de motivation manquant en fait et le moyen étant en outre inopérant, ni d'un vice de procédure, les arrêtés ayant tous été pris après avis du comité médical et les décisions relatives à la carrière des fonctionnaires pouvant déroger au principe de non rétroactivité, les visas étant en outre sans influence sur leur légalité, ni d'une erreur manifeste d'appréciation ou même d'une simple erreur d'appréciation.
- les conclusions indemnitaires de la demande de M. D...étaient irrecevables faute d'avoir été précédées d'une demande indemnitaire et sont, en outre, non fondées ; M. D... n'est pas fondé à demander réparation d'un quelconque préjudice moral qu'il aurait subi car il n'a établi ni la réalité du préjudice qu'il invoque, ni le lien de causalité entre celui-ci et un quelconque fait dommageable de l'exposante ; il n'est pas davantage fondé à demander une condamnation de l'exposante au titre d'une quelconque perte de traitement car, lorsque les fonctionnaires bénéficient d'un congé de longue durée, ils ne peuvent se voir octroyer un plein traitement que pour une période de trois ans, à l'expiration de laquelle ils ne peuvent ensuite obtenir qu'un demi-traitement ; que, dans ces conditions, le requérant n'a aucun droit à obtenir remboursement de la somme de 1 812, 75 euros par mois à compter du 1er janvier 2011.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Le Gars, président assesseur ;
- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,
- et les observations de Me H...pour l'UNIVERSITE PARIS XIII et de MeB..., substituant MeI..., pour M. D....
1. Considérant que le président de l'UNIVERSITE PARIS XIII a placé M.D..., maître de conférences, en congé d'office à titre conservatoire pour un mois en octobre 2006, à la suite d'un différend avec des collègues ; qu'un nouveau congé a été pris par un arrêté du 21 mars 2007 pour la même durée ; qu'après saisine du comité médical départemental le 16 juin 2007, M. D... a été placé, par arrêté du 26 juin 2007, en congé de longue maladie du 21 mars 2007 au 20 septembre 2007 ; que, le 6 janvier 2009, le comité médical, à nouveau saisi, a émis un avis d'inaptitude définitive de M. D... à toutes fonctions d'enseignant puis a conclu, le 16 novembre 2010, à l'inaptitude totale et définitive de l'intéressé à toute fonction ; qu'après avis de ce comité les 19 et 14 juin 2011, le président de l'UNIVERSITE PARIS XIII a, par trois arrêtés des 29 avril 2011, 2 mai 2011 et 22 juin 2011, placé M. D... en congé de longue durée, à plein traitement, pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 2008, prolongé ce congé du 1er janvier 2011 au 30 juin 2011 puis jusqu'au 31 décembre 2011 à demi-traitement ; que M. D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler ces trois arrêtés ; que, par un jugement avant dire droit en date du 23 janvier 2014, le tribunal administratif a ordonné une expertise médicale afin d'être éclairé sur l'état de santé de M. D... entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2011, en demandant à l'expert de préciser, le cas échéant, si celui-ci était atteint d'une maladie mentale pendant cette période, et si son état de santé le rendait inapte à l'exercice de ses fonctions d'enseignant ou à toutes autres fonctions ; que, par un jugement en date du 7 novembre 2014, le tribunal a annulé les arrêtés des 29 avril, 2 mai et 22 juin 2011 et a mis à la charge de l'UNIVERSITE PARIS XIII la somme de 1 200 euros au titre des dépens et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que l'UNIVERSITE PARIS XIII forme appel de ce jugement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;
3. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen de défense tiré de la légalité du placement en congé de longue durée du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2011 de M. D...et, notamment, au fait qu'il lui était possible, sans erreur de droit, de se fonder sur les résultats d'une expertise ordonnée avant-dire droit pour apprécier l'existence des troubles mentaux relevés par les avis du comité médical départemental au vu desquels les arrêtés litigieux avaient été pris ; que le tribunal a ensuite énoncé qu'il ressortait des pièces du dossier et, notamment, du rapport d'examen psychiatrique établi le 11 juin 2013 par le docteur C...et du rapport de l'expertise ordonnée avant-dire droit, établi le 22 avril 2014 par le docteurE..., que M. D...ne souffrait d'aucune maladie mentale au sens des dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 et qu'il était apte à l'exercice de ses fonctions au cours de la période litigieuse avec aménagement de poste ; que le tribunal a également précisé que les conclusions convergentes de ces praticiens spécialistes, qui trouvaient écho dans les interrogations du docteur A...exprimées le 25 octobre 2008 auprès du comité médical, lequel concluait néanmoins à l'inaptitude de M. D... tout en demandant son réexamen par un collège d'expert, étaient de nature à remettre en cause les avis réitérés du comité médical, eux-mêmes rendus conformément aux avis émis par le docteur Msellati, praticien spécialiste, les 8 décembre 2008, 14 septembre 2009 et 15 mars 2011 ; que le tribunal a enfin relevé, en réponse à l'argumentation de l'UNIVERSITE PARIS XIII, qu'aucune pièce versée au dossier et notamment pas les rapports des docteurs C...etE..., ni aucun autre avis médical, n'empêchaient de considérer que les examens pratiqués en 2013 et 2014 permettaient de tirer des conclusions quant à l'état de santé de M. D... pour la période litigieuse ; que le jugement attaqué a ainsi amplement rappelé les circonstances de fait et de droit justifiant de s'écarter des avis du comité médical départemental pour apprécier l'état de santé mentale de l'intéressé et permettant de considérer que l'intéressé avait été illégalement placé en congé de longue durée du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2011 ; que le moyen tiré d'un défaut de motivation du jugement attaqué doit, par suite, être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que les premiers juges ne sauraient être regardés comme ayant méconnu leurs pouvoirs d'instruction en n'ordonnant pas une contre-expertise ;
5. Considérant, enfin, que les moyens tirés de ce que le tribunal aurait commis une erreur de droit, une dénaturation des pièces du dossier et une erreur de qualification juridique des faits sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance tendant à l'annulation des arrêtés des 29 avril, 2 mai et 22 juin 2011 :
6. Considérant qu'il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'action introduite devant un tribunal administratif, d'établir que l'intéressé a régulièrement reçu notification de la décision et d'établir la date à laquelle la décision attaquée a été reçue par l'intéressé ; qu'il ressort des pièces du dossier que, si le président de l'UNIVERSITE PARIS XIII fait valoir que les conclusions à fin d'annulation des arrêtés des 29 avril 2011 et 2 mai 2011 étaient tardives, il ne produit toutefois pas l'accusé de réception de la notification desdites décisions et n'établit pas que M. D...en aurait reçu notification plus de deux mois avant l'enregistrement de sa demande ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a écarté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés ;
Sur la légalité des arrêtés des 29 avril, 2 mai et 22 juin 2011 du président de l'UNIVERSITE PARIS XIII :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence " et, qu'aux termes de l'article 7 du décret du 14 mars 1986 : " Les comités médicaux sont chargés de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois publics, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie et de la réintégration à l'issue de ces congés. / Ils sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : /1. La prolongation des congés de maladie au-delà de six mois consécutifs ; 2. L'octroi des congés de longue maladie et de longue durée ; 3. Le renouvellement de ces congés ; 4. La réintégration après douze mois consécutifs de congé de maladie ou à l'issue d'un congé de longue maladie ou de longue durée (...) " ;
8. Considérant qu'aucune disposition applicable ni aucun principe ne fait obstacle à ce que, lorsqu'une décision est prise au vu de l'avis du comité médical, l'intéressé la conteste en produisant des éléments médicaux de nature à infirmer l'avis de ce comité, et que, le cas échéant, le juge de l'excès de pouvoir ordonne une expertise avant dire droit afin de l'éclairer en présence d'avis médicaux contradictoires, sur l'état de santé de l'intéressé ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les décisions en date des 29 avril 2011, 2 mai 2011 et 22 juin 2011 par lesquelles le président de l'UNIVERSITE PARIS XIII a placé M. D... en congé de longue durée sont entachées d'une erreur d'appréciation ; qu'en effet, il ressort clairement du rapport d'examen réalisé le 11 juin 2013 par le docteurC..., expert psychiatrique, que M. D..." reste capable d'exercer sa profession, ne présentant pas de trouble à type pathologique mentale ou de trouble de la personnalité " ; que le rapport d'expertise ordonné avant dire droit, établi par le docteurE..., en date du 22 avril 2014, a conclu que l'intéressé était " apte à exercer ses fonctions " car il ne présentait pas de " maladie mentale ou psychiatrique " ; que ces deux rapports portent une analyse détaillée de l'état de santé mentale et de la personnalité de l'intéressé contrairement aux documents sur lesquels s'est fondé le président de l'université pour prendre les décisions en litige, et excluent, quand bien même sont-ils postérieurs à la période 2008-2011, que M. D...ait pu présenter une maladie mentale ou un trouble de la personnalité pendant ladite période ; que, dans ces conditions, qui ne nécessitent pas qu'il soit ordonné une contre-expertise, l'UNIVERSITE PARIS XIII, à laquelle il appartenait de tirer les conséquences disciplinaires le cas échéant du comportement inadapté de l'intéressé à deux reprises au travail, n'est pas fondée à soutenir que M. D...a été légalement placé en congé de longue durée du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2011 par les arrêtés des 29 avril 2011, 2 mai 2011 et 22 juin 2011 ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'UNIVERSITE PARIS XIII n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé les arrêtés des 29 avril, 2 mai et 22 juin 2011 du président de ladite université ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.D..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'UNIVERSITE PARIS XIII demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'UNIVERSITE PARIS XIII le versement à M. D...d'une somme de 1 500 euros sur ce même fondement ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'UNIVERSITE PARIS XIII est rejetée.
Article 2 : L'UNIVERSITE PARIS XIII versera la somme de 1 500 euros à M. D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. D...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
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N °15VE00660