Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 mars 2015, l'UNIVERSITE PARIS XIII, représentée par son président et par Me Pierre Le Bouedec, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter les conclusions à fin d'annulation des arrêtés des 27 juillet 2012 et 11 juin 2013 ;
3° de confirmer le rejet des demandes indemnitaires de M.C... ;
4° de mettre à la charge de M. C...la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché de plusieurs irrégularités :
- le tribunal administratif, considérant que l'arrêté du 11 juin 2013 aurait été pris par l'UNIVERSITE PARIS XIII, a, à tort, omis d'appeler à l'instance le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, auteur de l'acte ; il résulte des articles L. 5 et R. 611-1 du code de justice administrative et du principe du contradictoire que l'absence de communication des écritures contentieuses à l'une des parties constitue un vice de procédure justifiant l'annulation du jugement ;
- le tribunal a dénaturé les pièces du dossier en analysant à tort l'arrêté du 11 juin 2013 comme ayant été pris par l'UNIVERSITE PARIS XIII ;
- le jugement se fonde sur les conséquences rétroactives des annulations prononcées par un jugement lui-même irrégulier, et dont il a été interjeté appel, dès lors que les arrêtés de l'année 2011 plaçant M. C...en congé de longue durée n'encouraient aucune mesure d'annulation ;
- statuant par la voie de l'évocation, ou par l'effet dévolutif, la Cour rejettera les conclusions de M. C...;
- les conclusions indemnitaires sont :
- irrecevables en l'absence de liaison du contentieux ;
- non fondées dans la mesure où, placé en disponibilité d'office, M. C...ne pouvait normalement prétendre à aucun traitement et qu'en outre l'université a consenti à lui accorder le versement d'un demi-traitement sans que les textes ne le lui imposent ; M. C...n'a donc pas été lésé sur le plan financier depuis le 1er juillet 2012 et a au contraire bénéficié d'un régime de faveur de la part de l'université ; la Cour ne pourrait, en tout état de cause, faire droit aux conclusions que pour une période courant jusqu'au 5 avril 2013, date d'effet de l'arrêté de mise à la retraite du 11 juin 2013, par lequel l'intéressé bénéficie de ses droits à pensions ;
- les conclusions d'annulation de l'arrêté du 27 juillet 2012 ne sont pas fondées :
- cet arrêté de placement en disponibilité d'office n'avait pas à être motivé en application des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ; la circonstance que cette mise en disponibilité s'accompagne, pour l'intéressé, du versement d'une rémunération à demi-traitement est sans incidence aucune à cet égard ;
- cet arrêté n'a pas été pris en violation des dispositions relatives à la mise en disponibilité d'office car il a été pris sur le fondement d'un avis du comité départemental de la direction départementale de la cohésion sociale du 3 juillet 2012, conformément aux dispositions de l'article 7 du décret du 14 mars 1986 ; en précisant, dans cet avis, que M. C...n'avait plus de droits à congés de longue durée et qu'il était mis en disponibilité d'office, ledit comité a évidemment et nécessairement constaté l'inaptitude de l'intéressé ;
- M. C...n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas épuisé ses droits à congés avant l'édiction de l'arrêté du 27 juillet 2012 de sorte que celui-ci serait entaché d'irrégularité ; c'est bien après l'épuisement de ses droits à congés de longue durée que M. C...a été mis en disponibilité d'office ; entre le 1er janvier 2008 et le 30 juin 2012, M. C...avait bénéficié d'un congé de longue durée pour une période continue de quatre ans et demie et, en ajoutant la période de six mois dont a bénéficié M. C...pour la période courant du 21 mars 2007 au 20 septembre 2007, il a épuisé, entre mars 2007 et juin 2012, les cinq ans de congés de longue durée auxquels il avait droit avant que ne soit pris l'arrêté attaqué, qui a pris effet à compter du 1er juillet 2012 ;
- M. C...pouvait être mis en disponibilité d'office sans avoir été préalablement invité à présenter une demande de reclassement dès lors qu'il a été déclaré inapte définitivement, non pas seulement à l'exercice de ses fonctions, mais à l'exercice de toute fonction ;
- l'arrêté du 27 juillet 2012 n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; M. C... se contredit en soutenant avoir été tenu à l'écart de l'université pendant trois ans et demi depuis septembre 2007 tout en revendiquant avoir dispensé des cours pendant l'année 2008 ; s'il fait valoir que les troubles de comportement remarqués en 2006 et qui ont fondé les arrêtés de mise en congés d'office de 2006 et 2007 ne feraient pas partie des pathologies visées à l'article 29 du décret n°86-442 du 14 mars 1986, le comité médical a émis à deux reprises, en 2009 et 2010, un avis d'inaptitude définitive démontrant alors une dégradation de la situation de M. C...; l'ensemble des pièces médicales - que ce soit les deux expertises en date des 26 mai 2007 et 25 octobre 2008 par le Dr A...ou les trois expertises du Dr D...les 8 décembre 2008, 14 septembre 2010 et 15 mars 2011- démontrent que les mesures prises par l'UNIVERSITE PARIS XIII sont toutes justifiées ;
- les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de la mise à retraite du 11 juin 2013 doivent être rejetées ;
- l'UNIVERSITE PARIS XIII n'a pas à supporter la charge des frais occasionnés par l'instance.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code des pensions ;
- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°85-986 du 16 septembre 1985 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Le Gars, président assesseur ;
- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,
- et les observations de Me F...pour l'UNIVERSITE PARIS XIII et celles de MeB..., substituant MeG..., pour M. C....
1. Considérant que, par un arrêté en date du 27 juillet 2012, le président de l'UNIVERSITE PARIS XIII a placé M.C..., maître de conférences, en disponibilité d'office pour une durée de six mois avec maintien d'un demi-traitement ; qu'après avis du comité médical dans sa séance du 15 janvier 2013 et de la commission de réforme dans sa séance du 26 mars 2013, M. C... a été mis à la retraite d'office pour invalidité à compter du 5 avril 2013 par un arrêté du 11 juin 2013 du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ; que par un jugement en date du 23 décembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a, à la demande de M. C..., annulé ces arrêtés des 27 juillet 2012 et 11 juin 2013 et a mis à la charge de l'UNIVERSITE PARIS XIII les sommes de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de 70 euros au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ; que l'UNIVERSITE PARIS XIII relève appel de ce jugement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que l'UNIVERSITE PARIS XIII a relevé appel du jugement du 7 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé les arrêtés du président de ladite université des 29 avril, 2 mai et 22 juin 2011 plaçant M. C... en congé de longue durée et que cet appel était encore pendant lorsque, se fondant sur ce premier jugement qui était revêtu de l'autorité de la chose jugée dès son prononcé, le tribunal a, par le jugement attaqué du 23 décembre 2014, annulé les arrêtés des 27 juillet 2012 et 11 juin 2013, est sans influence sur la régularité de ce dernier jugement ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que l'UNIVERSITE PARIS XIII ne peut utilement se prévaloir de la circonstance, qui n'affecte pas le respect du caractère contradictoire de la procédure à son égard, que le tribunal administratif a annulé l'arrêté en date du 11 juin 2013 du ministre de l'éducation nationale sans avoir mis en cause l'Etat dans l'instance ;
4. Considérant, enfin, que le moyen tiré de la dénaturation des pièces du dossier, qui relève du bien fondé du jugement, est sans incidence sur la régularité de ce dernier ;
Sur la légalité de l'arrêté du président de l'UNIVERSITE PARIS XIII du 27 juillet 2012 :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie à plein traitement, le congé de longue durée n'est attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée. (...) " ; qu'aux termes de l'article 43 du décret du 16 septembre 1985 susvisé : " La mise en disponibilité ne peut être prononcée d'office qu'à l'expiration des droits statutaires a congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° et au 4° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues à l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. (...) " ;
6. Considérant qu'en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé ; qu'il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale ; qu'il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, se fondant sur ses trois arrêtés de mise en congé de longue durée en date des 29 avril, 2 mai et 22 juin 2011, le président de l'UNIVERSITE PARIS XIII a, par l'arrêté du 27 juillet 2012, placé M. C...en disponibilité d'office après avoir estimé que l'intéressé avait épuisé ses congés de longue durée ; que, par l'arrêt n° 15VE00660 rendu ce jour, la Cour a rejeté l'appel de l'UNIVERSITE PARIS XIII dirigé contre le jugement du 7 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé pour excès de pouvoir ces trois arrêtés ; que, compte tenu de cette annulation, M. C...n'avait pas, à la date de l'arrêté attaqué, épuisé ses droits statutaires à congés de maladie et ne pouvait, par suite, être placé en position de disponibilité d'office conformément aux dispositions de l'article 43 du décret du 16 septembre 1985 ; qu'ainsi, le moyen tiré par l'UNIVERSITE PARIS XIII de ce que M. C...avait épuisé ses droits à congés de maladie à la date de l'arrêté en litige du 27 juillet 2012 doit être écarté ;
Sur la légalité de l'arrêté du ministre de l'éducation nationale du 11 juin 2013 :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 29 du code des pensions : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si celle-ci a été prononcée en application de l'article 36 (2°) de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application de l'article 36 (3°) de ladite ordonnance (...) " ;
9. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 29 du code des pensions que, s'il appartient à l'administration de rayer des cadres sans délai, un fonctionnaire dont l'inaptitude définitive au service résulte d'une maladie ou d'une infirmité dont le caractère a été constaté avant l'octroi de tout congé de maladie ou de longue durée, la radiation d'office ne peut intervenir, lorsque le fonctionnaire a été placé en congé de maladie ou en congé de longue durée prévus à l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 qui prévoit les mêmes congés que ceux qui sont mentionnés par le 2° et le 3° de l'article 36 de l'ordonnance du 2 novembre 1959, qu'à l'expiration de la durée totale du congé auquel ces dispositions donnent droit ;
10. Considérant qu'il résulte des énonciations du point 7 que M. C...n'avait pas épuisé ses droits à congé de maladie au 5 avril 2013, date d'effet de l'arrêté du 11 juin 2013, à laquelle il a été mis à la retraite d'office pour invalidité ; que, par suite, cet arrêté a été illégalement édicté ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'UNIVERSITE PARIS XIII n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du président de l'université du 27 juillet 2012 et l'arrêté du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 11 juin 2013 ;
Sur les conclusions de M. C...à fins d'injonction :
12. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique que le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche procède, à compter du 1er juillet 2012, date à laquelle M. C...a été placé en disponibilité d'office, à la réintégration juridique de M. C...et à la reconstitution de sa carrière, incluant le cas échéant ses droits à l'avancement, et, en particulier, à la reconstitution de ses droits sociaux, notamment de ses droits à pension de retraite qu'il aurait acquis en l'absence de l'éviction illégale dont il a fait l'objet, et, par suite, au versement des cotisations nécessaires à cette reconstitution, soit les parts patronales et salariales de ces cotisations ; qu'en revanche, elle n'implique pas qu'ainsi que le demande M.C..., il soit procédé au versement des traitements dont il a été privé ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'université demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge l'UNIVERSITE PARIS XIII le versement à M. C...d'une somme de 1 500 euros sur ce même fondement ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'UNIVERSITE PARIS XIII est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de procéder à la réintégration juridique de M. C...à compter du 1er juillet 2012 et de procéder à la reconstitution de sa carrière, incluant le cas échéant ses droits à l'avancement, et, en particulier, à la reconstitution de ses droits sociaux et, notamment, de ses droits à pension de retraite.
Article 3 : L'UNIVERSITE PARIS XIII versera la somme de 1 500 euros à M. C...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C...est rejeté.
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N°15VE00739