Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2016, M.C..., représenté par Me Gryner, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions attaquées portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français sont insuffisamment motivées au regard des exigences de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- les décisions attaquées portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français ont été prises en méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. d'Haëm a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.C..., ressortissant égyptien né le 15 octobre 1994 et entré en France, selon ses déclarations, le 14 juillet 2010, a été interpellé le 8 novembre 2016 et a fait l'objet d'une vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français ; que, par un arrêté du même jour, le préfet des Yvelines l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ; que M. C...relève appel du jugement du 14 novembre 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité des décisions attaquées portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et fixation du pays de destination :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; / (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...). " ;
3. Considérant que la décision en litige portant obligation de quitter le territoire français, qui vise le 3° du I de l'article L. 511-1 précité, mentionne que M.C..., qui " a fait l'objet le 21 septembre 2015 d'une mesure de refus de carte de séjour prise par le préfet des Bouches-du-Rhône ", " s'est maintenu malgré cette décision en situation irrégulière sur le territoire français " ; que cette décision comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette mesure d'éloignement serait insuffisamment motivée manque en fait et doit, dès lors, être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que la décision en litige portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, qui vise le 2° du II de l'article L. 511-1 précité, mentionne que M. C..., qui a fait l'objet d'un refus de titre de séjour du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 21 septembre 2015, n'a " entrepris aucune démarche pour quitter le territoire français ou déposer une autre demande de titre de séjour ", " n'a pas fait usage de son droit au départ volontaire " et " qu'il existe ainsi un risque que l'intéressé se soustrait à la présente décision " ; que, quel que soit le bien-fondé de ces motifs, cette décision comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette décision refusant d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire serait insuffisamment motivée manque en fait et doit, dès lors, être écarté ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'en indiquant que M. C... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet des Yvelines a suffisamment motivé la décision fixant le pays à destination duquel l'intéressé pourra être reconduit ;
6. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...). " ;
7. Considérant que M. C...se prévaut de la durée de son séjour en France depuis le 14 juillet 2010, date de son entrée sur le territoire, et soutient que, mineur, il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de Paris et a bénéficié, à Marseille, d'une formation professionnelle en vue de l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle " installateur sanitaire " ; qu'il fait valoir également qu'il a été embauché par la Sarl Mits, située à Marseille, sous contrat à durée indéterminée signé le 19 avril 2015 et qu'il bénéficie par ailleurs d'une promesse d'embauche délivrée par la Sarl Esb, située à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) ; qu'enfin, il fait valoir que son frère, en situation régulière au regard du séjour, père de trois enfants et résidant à Saint-Denis, l'héberge ;
8. Considérant, toutefois, que le requérant, dont il ressort des pièces du dossier qu'il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance au plus tôt au mois d'avril 2011, ne justifie ni de la date de son entrée en France ni de la réalité de son séjour sur le territoire pour la période du mois de juillet 2010 au mois de mars 2011 ; qu'en outre, si l'intéressé, qui a sollicité en 2012 son admission au séjour en qualité d'étudiant et obtenu à ce titre une carte de séjour temporaire qui a été renouvelée jusqu'au 23 janvier 2015, a bénéficié d'une formation professionnelle dispensée à Marseille en vue de l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle " installateur sanitaire ", M. C..., qui a demandé, au début de l'année 2015, un changement de statut et la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " en vue d'être recruté par la Sarl Sud Dépannage Plomberie en qualité de " plombier ", a fait l'objet d'un refus de titre de séjour du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 21 septembre 2015, faute d'avoir obtenu une autorisation de travail, son employeur ayant informé la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de l'abandon de la procédure de recrutement engagée ; que, par ailleurs, si le requérant, qui ne fournit aucune explication sur l'abandon par son employeur de cette procédure de recrutement, doit être regardé, par les quelques pièces qu'il produit, comme se prévalant également d'une activité salariée auprès de la Sarl Mits, installée à Marseille, avec laquelle il a signé, le 19 avril 2015, un contrat à durée indéterminée pour une embauche en qualité de " serrurier ", il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est même pas allégué que cet employeur aurait sollicité auprès de l'autorité administrative compétente une autorisation de travail alors que l'intéressé ne fournit aucune précision, ni aucun élément sur son expérience ou sa qualification dans le secteur d'activité pour lequel il aurait été ainsi recruté ; qu'il en est de même de la circonstance, alléguée par le requérant, selon laquelle il bénéficierait de la part de la Sarl Esb, installée en Seine-Saint-Denis, d'une promesse d'embauche du 22 décembre 2016, qui n'indique pas l'emploi pour lequel l'intéressé serait recruté, cette circonstance, postérieure à l'arrêté attaqué du 8 novembre 2016, étant, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de cet arrêté, qui s'apprécie à la date de son édiction ; qu'ainsi, M. C..., qui n'apporte d'ailleurs aucune autre précision sur ses conditions d'existence depuis le début de l'année 2015, ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle stable et ancienne sur le territoire ; qu'enfin, si le requérant fait état de la présence en France de son frère Mohamed, titulaire d'une carte de séjour temporaire et qui l'hébergerait, l'intéressé, qui produit, par ailleurs, un bail de location d'un appartement situé à Marseille, n'établit, ni n'allègue que sa présence auprès de son frère revêtirait pour lui un caractère indispensable ; qu'ainsi, M. C... ne justifie pas de circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'il poursuive normalement sa vie privée et familiale à l'étranger et, en particulier, dans son pays d'origine où il n'allègue pas être dépourvu de toute attache ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions du séjour en France de M. C..., l'arrêté attaqué portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination ne peut être regardé comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ces mesures ont été prises ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et des dispositions précitées doit être écarté ;
Sur la légalité portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
9. Considérant qu'aux termes du premier et du deuxième alinéa du III du l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. " ; qu'aux termes du huitième alinéa du même article : " La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. " ;
10. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ; que si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère ;
11. Considérant qu'il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger ; qu'elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet ; qu'elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace ; qu'en revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément ;
12. Considérant que l'arrêté attaqué, qui prononce à l'encontre de M. C...une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, se borne à rappeler, à ce titre, les dispositions des premier et deuxième alinéa du III de l'article L. 511-1 précité et à mentionner que " l'examen d'ensemble de la situation de l'intéressé a été effectué, relativement à la durée de l'interdiction de retour, au regard notamment du huitième alinéa dudit III " ; que, dans ces conditions, si, en prenant la décision d'interdiction de retour en litige, l'autorité préfectorale a indiqué dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouvait M. C..., elle n'a pas fait état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans sa durée, sa décision d'interdiction de retour, eu égard notamment à la durée de la présence de l'intéressé sur le territoire français et à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France, éléments dont il avait d'ailleurs fait état lors de son audition au cours de sa retenue pour vérification de son droit au séjour ; qu'ainsi, la motivation de la décision en litige, qui n'atteste pas de la prise en compte par l'autorité préfectorale, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, revêt un caractère insuffisant au regard des exigences de motivation des dispositions précitées ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé, M. C...est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision d'interdiction de retour prononcée à son encontre ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'interdiction de retour prononcée à son encontre ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. C...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1607652 du 14 novembre 2016 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles, en tant qu'il rejette les conclusions de M. B...à fin d'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an prononcée à son encontre, et cette décision d'interdiction de retour en date du 8 novembre 2016 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. C...une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
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N° 16VE03848