Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 30 juillet 2021, le préfet du Val-d'Oise demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 juin 2021 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. B....
Il soutient qu'il a remis à M. B... les brochures répondant à l'obligation posée à l'article 4 du règlement n° 604/2013 et que les moyens soulevés par M. B... en première instance ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mauny a été entendu au cours de l'audience publique.
1. M. B..., ressortissant pakistanais né le 1er juin 1979, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 5 avril 2021 et y a formulé une demande d'asile le 13 avril 2021. Une consultation du fichier Eurodac ayant révélé que ses empreintes avaient été relevées en Grèce puis en Italie en décembre 2020, le préfet du Val-d'Oise a saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge de l'intéressé sur le fondement de l'article 18-1 b du règlement (UE) n° 604/2013, laquelle a été acceptée expressément le 22 avril 2021 sur le fondement du même article. Par un arrêté du 27 mai 2021, le préfet du Val d'Oise a décidé le transfert de M. B... aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement du 29 juin 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté. Le préfet fait appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. ". Il résulte de ces dispositions qu'un demandeur d'asile doit se voir remettre une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de l'examen de sa demande d'asile. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de cette information, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue une garantie pour le demandeur d'asile.
3. Il ressort des pièces et des écritures produites pour la première fois en appel par le préfet du Val-d'Oise que M. B... s'est vu remettre le 13 avril 2021, contre signature, le document A " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ' " et le document B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", en langue ourdou. Il en ressort également que ces brochures lui ont été traduites en langue penjabi par un interprète assermenté. Les documents A et B, qui constituent la " brochure commune " prévue par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, comprennent l'ensemble des informations nécessaires aux demandeurs d'une protection internationale en vertu de ces dispositions. Au regard de ces éléments, M. B... a bénéficié d'une information complète sur ses droits conformément aux dispositions de l'article 4 précité et le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé, pour ce motif, l'arrêté du 14 avril 2021.
4. Il y a lieu, pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
5. L'arrêté en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le règlement (UE) n° 604/2013 et le règlement CE n° 1560/2003 ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il comporte des éléments détaillés sur les démarches accomplies par M. B... et sur celles des autorités françaises auprès des autorités italiennes et mentionne l'accord donné par ces dernières le 22 avril 2021. Il comporte enfin une analyse de la situation personnelle et familiale de M. B.... Ce dernier n'est donc pas fondé à soutenir que l'arrêté du 27 mai 2021 serait insuffisamment motivé.
6. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié, le 13 avril 2021, jour de l'enregistrement de sa demande d'asile, d'un entretien individuel avec un agent qualifié de la préfecture du Val-d'Oise et l'assistance d'un interprète assermenté en langue penjabi, au cours duquel il a apporté des précisions sur sa situation personnelle et familiale et a pu présenter des observations. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 précité du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit donc être écarté.
8. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18-1 b du règlement susvisé, et que ces dernières ont accepté expressément de reprendre en charge M. B... le 22 avril 2021 sur le fondement des mêmes dispositions. Le moyen tiré d'un défaut de saisine régulière des autorités italiennes manque donc en fait.
9. Enfin, si M. B... évoque les risques qu'il encourrait au Pakistan, la décision en litige n'a ni pour objet ni pour effet de le renvoyer dans son pays d'origine. En outre, s'il fait état également des difficultés personnelles rencontrées lors de son séjour en Italie, il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il ne serait pas correctement pris en charge par les autorités italiennes aux fins d'instruction de sa demande d'asile, s'agissant d'un État membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 29 juin 2021 et le rejet des conclusions présentées par M. B... devant ce tribunal.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 29 juin 2021 est annulé.
Article 2 : La demande de M. B... présentée au tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.
N° 21VE02280 2