Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 mai 2019 et un mémoire enregistré le 26 septembre 2020, M. C..., représenté par Me Adeline-Delvolvé, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de condamner la commune de Juvisy-sur-Orge à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation de préjudices moral et professionnel et d'enjoindre à la commune de l'affecter sur " un poste réel " ;
3° de mettre à la charge de la commune de Juvisy-sur-Orge une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens, et une somme de 13 euros au titre du droit de plaidoirie.
Il soutient que :
- s'agissant de la régularité du jugement, le tribunal administratif " a irrégulièrement jugé que le processus de reclassement (...) n'était pas constitutif de faits qualifiables de harcèlement moral " ;
- il " a irrégulièrement jugé que son affectation actuelle (...) ne constituait pas un fait qualificatif de harcèlement moral " ;
- les premiers juges ont " dénaturé les pièces du dossier " et commis une erreur de droit en considérant que ses nouvelles conditions de travail ne révélaient pas l'existence d'un harcèlement moral ;
- s'agissant des conclusions de plein contentieux, il a été et est toujours victime d'un harcèlement moral " multiforme " au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, dès lors qu'il a été affecté, en 2016, à un poste d'agent de propreté non aménagé, alors qu'il ne pouvait pas se servir de sa main gauche à la suite de l'accident de service de 2011 et était reconnu travailleur handicapé, que la commune n'a pas pris en compte plusieurs avis médicaux se prononçant sur son aptitude au service au regard de son état de santé et qu'ainsi il a dû solliciter plusieurs avis de médecins pour obtenir de la commune, six mois plus tard, un changement de poste, mais que son nouveau poste d'agent d'accueil de gymnase n'est pas aménagé pour sa situation de handicap et d'hémiplégie et que ses missions sont " totalement inutiles " ;
- cette situation lui cause un préjudice moral dont il demande l'indemnisation à hauteur de 30 000 euros.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,
- les observations de M. C..., présent et non représenté, qui dépose à la barre des pièces qui ne peuvent pas, toutefois, être prises en compte dès lors que l'instruction est close,
- et les observations de Me D..., substituant Me A..., pour la commune de Juvisy-sur-Orge.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C... est adjoint technique de 2ème classe de la commune de Juvisy-sur-Orge depuis 2008, auparavant agent de la fonction publique territoriale depuis plusieurs années. Le 16 novembre 2011, il a été victime d'un accident reconnu imputable au service, qui a entraîné l'amputation de deux doigts de la main gauche ainsi qu'un raidissement de deux autres doigts de la même main. Il a été placé en congés pour accident de service du 16 novembre 2011 au 2 septembre 2013, puis en congés annuels du 3 septembre 2013 au 27 novembre 2013, puis en congés de longue durée jusqu'au 30 juin 2016. Il a réintégré les effectifs de la commune de Juvisy-sur-Orge le 1er juillet 2016. Par un courrier du 19 août 2016, il a demandé l'indemnisation de préjudices subis du fait d'un harcèlement moral dont il estimait être victime. Il relève appel du jugement n° 1605104 du 25 mars 2019 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Juvisy-sur-Orge à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation de préjudices moral et professionnel.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. C... soutient que le tribunal administratif " a irrégulièrement jugé que le processus de reclassement de M. C... n'était pas constitutif de faits qualifiables de harcèlement moral " et " a irrégulièrement jugé que son affectation actuelle (...) ne constituait pas un fait qualificatif de harcèlement moral ". Ces moyens relèvent toutefois du bien-fondé du jugement et non de sa régularité. Ils doivent être écartés pour ce motif. Il en va de même, pour les mêmes motifs, du double moyen tiré de ce que les premiers juges auraient " dénaturé les pièces du dossier " et commis une erreur de droit en considérant que ses nouvelles conditions de travail ne révélaient pas l'existence d'un harcèlement moral.
Sur les conclusions de plein contentieux :
3. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligation des fonctionnaires susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / (...). ".
4. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.
5. Après avoir saisi le Tribunal administratif de Versailles du présent litige par une demande enregistrée le 16 juillet 2016, M. C... a demandé à la commune de Juvisy-sur-Orge, par courrier du 19 août 2016, l'indemnisation de préjudices, en faisant valoir qu'il a subi un harcèlement moral dès lors qu'il a été affecté en juillet 2016 à un poste d'agent de propreté non aménagé, alors qu'il ne pouvait pas se servir de sa main gauche à la suite de l'accident de service de 2011 et était reconnu travailleur handicapé, que la commune n'a pas pris en compte plusieurs avis médicaux se prononçant sur son aptitude au service au regard de son état de santé et qu'ainsi il a dû solliciter plusieurs avis de médecins pour obtenir de la commune, six mois plus tard, un changement de poste, mais que son nouveau poste d'agent d'accueil des gymnases n'est pas aménagé pour sa situation de handicap et d'hémiplégie et que ses missions sont " totalement inutiles ". M. C... reprend en appel ce moyen et cette argumentation.
6. Après un congé de longue durée, M. C... a réintégré les effectifs de la commune de Juvisy-sur-Orge à compter du 1er juillet 2016, le comité médical du 18 février 2016 ayant émis un avis favorable à sa " reprise à temps complet au titre de la pathologie qui a justifié le congé de longue durée ", en précisant " le poste doit être validé par la médecine préventive compte tenu de l'ensemble des problèmes de santé ". M. C... a ainsi été examiné le 20 juin 2016 par le docteur Texier, médecin généraliste agréé, qui a conclu à son aptitude au poste d'agent de propreté, en précisant " aptitude à réévaluer dans trois mois ". L'intéressé ayant été placé en arrêt maladie du 15 au 31 juillet 2016 puis à compter du 11 août 2016, il a été examiné par le docteur Hilliquin, chef du service de rhumatologie de l'hôpital Sud-Francilien, sur demande de la commune, qui a conclu le 17 août 2016 à son aptitude à travailler sur le nouveau poste proposé à partir du 1er juillet 2016 et a précisé " il convient d'éviter la station debout prolongée et les sollicitations répétées de la main gauche ". L'intéressé a ensuite produit un certificat du docteur Kilinc du 9 septembre 2016 précisant " un aménagement du poste est nécessaire et M. C... ne peut pas effectuer de manoeuvres répétées en force en particulier prolongées. ", ainsi qu'un certificat du même jour du docteur Laude mentionnant en particulier son arthrose de la hanche gauche " relativement évoluée avec des limitations (...) il faut qu'il ait un travail sédentaire, calme avec une station debout très limitée et éviter le port de charges " et enfin un rapport d'expertise du docteur Gabard du 21 septembre 2016, qui préconise la reprise à temps plein de l'intéressé, sur sa propre demande, dans ses anciennes activités de " gardien d'un établissement sportif, ce qui lui faisait alterner les occupations manuelles et de surveillance (...) [à l'exception] des tournées à pied (...) qui lui sont pénibles voire impossibles ". C'est dans ces conditions que, sur demande de la commune, l'intéressé a été reçu en examen le 9 février 2017 par le docteur Merlin, rhumatologue, qui, après l'avoir examiné, a conclu à son " inaptitude totale et définitive à l'emploi d'agent de gymnase et d'agent de propreté " mais à son aptitude à une fonction administrative. Une nouvelle expertise, demandée par le comité médical, a eu lieu le 7 avril 2017 et a confirmé l'inaptitude de M. C... au poste d'agent de propreté et son aptitude à occuper un poste sédentaire. Le comité médical du 16 mai 2017, qui s'est prononcé dans ce sens, a ajouté " un reclassement est à prévoir. Les arrêts sont justifiés mais au titre de la maladie ordinaire à compter du 30 juin 2016 ". L'intéressé a ensuite demandé à être mis en disponibilité pour convenances personnelles fin août 2017, puis à être réintégré fin décembre 2017, ce qui a également été accepté, sous réserves d'une visite médicale afin de vérifier son aptitude à travailler sur le poste sédentaire d'agent d'accueil de gymnase. Il a repris ses fonctions dans ces conditions en date du 5 février 2018.
7. M. C... produit quatre pièces nouvelles en cause d'appel, à savoir un courrier du 28 décembre 2016, par lequel le président du Centre Interdépartemental de Gestion (CIG) rappelle la chronologie du dossier à cette date et précise notamment que le CIG " ne dispose d'aucun pouvoir d'injonction sur les décisions prises par l'autorité territoriale ", un document faisant état de son suivi médical par le docteur Kilinc en 2012 et 2013, sa fiche de poste d'agent d'accueil de gymnase validée le 28 mars 2019 par son supérieur hiérarchique et enfin, trois photos non datées intitulées " poste de travail au gymnase Ladoumegue ". Toutefois, ces pièces n'apportent pas d'élément permettant de remettre en cause l'appréciation motivée qui a été portée par les premiers juges, qui ont relevé qu'il ne ressort pas des faits et éléments détaillés ci-dessus, qu'ils seraient de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. En effet, il apparaît au contraire que la commune a pris en compte, d'une part, les conséquences de l'accident de service invalidant survenu en 2011 et, d'autre part, lorsqu'elle en a eu connaissance, les éléments relatifs à une autre pathologie, distincte, relative à une arthrose de la hanche gauche révélée par le certificat médical du 9 septembre 2016 du docteur Laude. Elle a ainsi pris les mesures qui s'imposaient afin de proposer au requérant un poste de travail sédentaire, approprié à ces deux contraintes médicales, dans le respect des procédures réglementaires et des délais y afférant. Au surplus, les premiers juges ont également retenu, à bon droit, que ses nouvelles fonctions d'agent d'accueil de gymnase ainsi que ses conditions de travail, correspondent à sa fiche de poste et que son second poste de travail, dans un nouveau gymnase, reflète la prise en compte de ses observations et doléances concernant son premier poste de travail.
8. Enfin, si M. C... fait encore valoir, dans la requête datée de mai 2019, qu'il serait hémiplégique, cette pathologie nouvelle n'est toutefois pas établie par les pièces produites et notamment pas par les avis médicaux au dossier. De même, si l'intéressé se plaint de " violentes douleurs au dos depuis près d'un an en raison de sa mauvaise assise ", il ne produit pas d'élément permettant d'étayer ses allégations.
9. Il ressort de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se prévaloir de la violation de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligation des fonctionnaires. Par suite, ses conclusions indemnitaires et à fin d'injonction doivent être rejetées, ensemble celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. C... la somme réclamée par la commune de Juvisy-sur-Orge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la commune de Juvisy-sur-Orge est rejeté.
N° 19VE01902 2