Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2017, Mme B..., représentée par Me C..., avocate, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler le titre de perception du 10 juillet 1992 et de la décharger de son obligation de payer la somme de 2 234,20 euros ;
3° de condamner l'Etat à lui verser la somme de 8 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa réclamation préalable le 8 juin 2015, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de la réclamation tardive faite par l'administration de la créance constatée par le titre de perception émis le 10 juillet 1992 ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la créance est prescrite en vertu de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales ;
- à supposer que l'on retienne une prescription trentenaire ramenée à cinq ans par la loi du 17 juin 2008, le commandement intervenu le 6 juin 2011 n'est pas de nature à avoir interrompu la prescription dès lors qu'il n'a été précédé d'aucune lettre de rappel, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 255 du livre des procédures fiscales ;
- la créance est inexistante, dès lors qu'elle a déjà fait l'objet de décomptes de rappel ;
- comme indiqué dans la circulaire du ministère de l'économie et des finances du 11 avril 2013 relative à la prescription extinctive concernant les créances résultant de paiements indus effectués par les services de l'Etat en matière de rémunération de leurs agents, en tardant à réclamer les sommes trop perçues, l'administration a commis une négligence fautive.
.......................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ;
- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...-E... a exercé pendant deux ans des fonctions de maître auxiliaire dans l'enseignement privé, jusqu'au 9 septembre 1991. Elle a toutefois continué à percevoir une rémunération pour cet emploi au titre des mois de septembre à décembre 1991. Un titre de perception a donc été émis le 10 juillet 1992 pour un montant de 14 228,59 francs, correspondant au trop-perçu de rémunération au cours de cette période. Un commandement de payer en date du 6 juin 2011, portant sur la somme de 2 169,20 euros, a aussi été notifié à Mme B...-E.... Deux saisies à tiers détenteur, des 22 octobre 2013 et 4 novembre 2013, lui ont ensuite été notifiées, pour un montant de 2 234,20 euros. L'intéressée a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler le titre de perception du 10 juillet 1992, d'autre part de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant des saisies à tiers détenteur des 22 octobre 2013 et 4 novembre 2013 et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation des préjudices qu'elle soutient avoir subis du fait de la négligence fautive de l'administration dans le recouvrement de cette créance. Mme B...-E... relève appel du jugement n° 1404642-1505975 du 7 juillet 2017 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions aux fins de décharge de l'obligation de payer :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 2262 du code civil, en vigueur à la date à laquelle le titre de perception du 10 juillet 1992 a été émis : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi. ". Aux termes de l'article 2224 de ce code, dans sa version issue de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ". Et aux termes de l'article 26 de cette même loi : " (...) II. - Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. ".
3. D'une part, si Mme B...-E... se prévaut de la prescription quadriennale prévue par les dispositions de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, ces dispositions sont uniquement relatives aux créances fiscales. En l'espèce, seuls les délais de prescription de droit commun de l'action en recouvrement résultant des dispositions du code civil citées ci-dessus sont applicables. A la date de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, seize années s'étaient écoulées entre la date de l'émission du titre, le 10 juillet 1992, et le 19 juin 2008. Le délai de prescription courait ainsi, à partir de cette date, jusqu'au 19 juin 2013. Il a toutefois été interrompu par le commandement de payer du 6 juin 2011, dont Mme B...-E... a nécessairement reçu notification, au plus tard, le 20 août 2011, date à laquelle elle l'a contesté.
4. D'autre part, le moyen tiré de ce que le commandement de payer du 6 juin 2013 n'a pas pu interrompre la prescription, dès lors qu'il n'a pas été précédé de la lettre de rappel prévue par l'article L. 255 précité du livre des procédures fiscales, se rattache à la régularité en la forme de cet acte de poursuite. Par suite, il n'appartient pas au juge administratif d'en connaître.
5. En second lieu, si Mme B...-E... conteste l'existence même de la créance constatée par le titre de perception du 10 juillet 1992, elle n'établit pas, y compris en cause d'appel, qu'elle se serait acquittée de la dette en cause, comme elle le soutient. Par suite, le moyen tiré de l'inexistence de la créance doit être écarté.
6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins de décharge de Mme B...-E... et, par voie de conséquence, à fin d'annulation des actes de poursuites, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
7. En premier lieu, d'une part, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 4 que la prescription de l'action en recouvrement du titre de perception du 10 juillet 1992 n'était pas acquise lors de la notification à Mme B...-E... des saisies à tiers détenteurs du 22 octobre 2013 et du 4 novembre 2013, d'autre part, il résulte aussi de ce qui a été dit au point 5 que la requérante n'établit pas que la créance serait inexistante.
8. En second lieu, Mme B...-E... soutient que l'Etat a commis une faute en laissant s'écouler près de dix-neuf ans, entre l'émission du titre de perception du 10 juillet 1992 et le premier acte de poursuite qui lui a été notifié, soit le commandement de payer du 6 juin 2011. Toutefois, elle ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 11 avril 2013 relative au délai de la prescription extinctive concernant les créances résultant de paiements indus effectués par les services de l'Etat en matière de rémunération de leurs agents, qui n'a pas de valeur réglementaire et qui mentionne, en tout état de cause, les cas d'engagement de responsabilité de l'Etat concernant le délai de prescription de l'assiette, et non le délai de prescription de l'action en recouvrement. Par ailleurs, Mme B...-E..., qui a été destinataire des bulletins de salaire mentionnant le trop-perçu n'établit pas non plus qu'elle aurait par la suite tenté de régler sa créance ni informé l'administration de ses changements d'adresse.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme B...-E... n'établit pas que l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Ses conclusions à fin d'indemnisation doivent, par suite, être rejetées.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...-E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...-E... est rejetée.
N° 17VE02915 2